Bien cher lecteur de Praedicatho,
"Un coup de tonnerre dans un ciel serein" : c'est ainsi que le cardinal Sodano avait caractérisé la Declaratio de Benoît XVI lors d'un consistoire de cardinaux parmi lesquels aucun ne s'y attendait. C'était il y a neuf ans, le 11 février 2013.
Pourtant, c'est une journaliste italienne de l'agence ANSA, Giovanna Chirri, présente pour couvrir le consistoire, qui, contrairement aux autres journalistes (mais aussi à pas mal de cardinaux!) avait une certaine connaissance du latin, qui avait annoncé au monde la première la nouvelle de la Declaratio, interprétée comme une "démission". Et c'est la doxa à laquelle l'écrasante majorité des cardinaux, évêques, prêtres, baptisés... et des journalistes... adhère encore aujourd'hui.
Ce que l'on sait moins, c'est que dès le 13 février, un journaliste français, Flavien Blanchon, avait déjà fait paraître un article : Un acte nul ? Étranges fautes de latin dans la renonciation de Benoît XVI dans lequel il écrivait :
Dans le court texte de la renonciation de Benoît XVI, tel que l'a diffusé officiellement le Vatican et tel qu'il a été imprimé dans L'Osservatore Romano, il y a deux solécismes grossiers. C'est ironiquement le philologue communiste (mais scientifiquement très réputé), Luciano Canfora, professeur à l'université de Bari, qui les a relevés dans le Corriere della Sera, sous le titre "Un exemple de latin moderne".
En juin 2013, à peine quelques mois après "le coup de tonnerre dans un ciel serein", un canoniste a voulu, lui aussi, faire entendre la voix de la raison. Le professeur Stefano Voli publie dans la RIVISTA TEOLOGICA DI LUGANO (Revue Théologique de Lugano) un article intitulé La rinuncia di Benedetto XVI. Tra storia, diritto e coscienza (La démission de Benoît XVI. Entre histoire, droit et conscience). Voici la traduction française du passage que j'avais cité à la fin de ma conférence à Rome, le 21 octobre 2019 :
La renonciation limitée à l'exercice actif du munus constitue la nouveauté absolue de la renonciation de Benoît XVI. En justifiant juridiquement son choix, alors, on ne trouve pas le canon 332 $ 2 qui règlemente un cas d'espèce de renonciation différente de celle prononcée par Benoît XVI. Le fondement théologico-juridique est la plenitudo potestatis sanctionnée par le canon 331 :
L'Évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement.
Dans le faisceau des pouvoirs inhérents à l'Office (munus) est inclus aussi le pouvoir privatif, c'est-à-dire la faculté libre, impartageable, de renoncer à tous les pouvoirs sans renoncer au munus.
Ayant pris conscience que ses forces n'étaient plus adaptées à l'administration du munus attribué à lui, en un acte libre, Benoît XVI a exercé la plénitude de autorité, se privant de tous les pouvoirs inhérents à son Office, pour le bien de l'Église, sans toutefois abandonner le service de l'Église ; ce service continue à travers l’exercice de la dimension plus éminemment spirituelle inhérente au munus à lui confié, auquel il n’a pas entendu renoncer..
L'acte suprême d'abnégation de soi pour le bien de l'Église constitue en réalité, de la part du Pape émérite, l'acte suprême de pouvoir placé en lui, ainsi que l'ultime acte solennel de son magistère.
Le munus spirituel, pour être accompli, peut comporter la renonciation à son administration : cette dernière ne détermine en aucune manière la renonciation à la mission inhérente à l'Office, mais en constitue l'accomplissement le plus vrai.
Avec le geste de la renonciation, Benoît a même incarné la forme la plus élevée du pouvoir dans l'Église, sur l'exemple de Celui qui, ayant tout le pouvoir dans ses mains, dépose ses vêtements, ne se démettant pas, mais portant à son accomplissement son office au service des hommes, c'est-à-dire notre salut.
Depuis, bien sûr, les latinistes, canonistes et journalistes que l'auteur de la lettre ouverte à tous les prêtres mentionne, ont pu affûter, nuancer et préciser leurs armes. Je lui donne donc volontiers la parole. Et à vous, cher lecteur, pour que cette lettre puisse vraiment atteindre son objectif, je vous confie la mission de "collaborateur de la vérité" et de la partager aussi largement que possible avec tous vos évêques et prêtres.
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Cher prêtre catholique,
Il y a neuf ans, le pape Benoît XVI annonçait aux cardinaux son retrait du ministère actif. Neuf ans déjà, neuf ans de souffrance pour l'Église catholique, et de solitude pour Joseph Ratzinger, abandonné dans son nouveau rôle. Qu'avons-nous fait de lui ? Avons-nous essayé de comprendre ce qu'il avait essayé de nous dire ?
En ce triste jour anniversaire, permettez-moi de reprendre ce fil oublié pour la plupart depuis trop longtemps. Car si, pour beaucoup, l'électricité n'y passe plus, les médias dits catholiques n'en parlant pour l'essentiel que pour verser des torrents de boue sur le vieil homme resté en blanc au Vatican, il faut que vous sachiez qu'un petit village gaulois de catholiques sans doute un peu bizarres, quelque peu étanches aux problématiques imposées, remettent en question la doxa dominante pour s'interroger sur ce phénomène inédit de la présence simultanée à Rome de deux hommes en blanc et du silence officiel sur la question.
Parmi eux, entre autres, le Frère Alexis Bugnolo, excellent latiniste, qui a démontré que les traductions officielles de la Declaratio étaient frauduleuses et camouflaient le fait que Benoît XVI n'avait renoncé qu'à son ministère. Des prêtres italiens qui, comme Don Minutella, ont été excommuniés sans procès. Ou une avocate colombienne, Estefania Acosta, qui a publié un livre (en espagnol, anglais, italien, portugais) sur la question canonique, et démonté complètement le narratif officiel.
Ce livre a débouché sur une Declaratio Universa avec de nombreux signataires, dont des évêques, des prêtres, des religieux, et bien sûr des laïcs, se réclamant ouvertement de Benoît XVI. Et un groupe international d'étude et d'enquête s'est constitué de façon autonome et organique ; il a permis de beaucoup mieux comprendre la situation de l'Église catholique et ce qu'a voulu faire le pape Benoît XVI avec sa Declaratio.
En résumé, il est clair que cette Declaratio ne peut pas être considérée comme une démission-renonciation, puisqu'elle ne correspond pas à l'article 332§2 du Code de Droit Canonique, qui précise que son objet doit être l'abandon du munus.
Face aux réponses habituelles du style "Moi, monsieur, je fais confiance à l'Eglise", il ne suffit sans doute pas de répondre par des questions, en demandant par exemple pourquoi Benoît XVI réside au Vatican, est toujours de blanc vêtu, garde sa signature papale et son blason, déclarer invariablement "il n'y a qu'un seul pape", et se garde bien de reconnaître Mgr Bergoglio comme son successeur. Ou pourquoi le Vatican reste obstinément muet sur un sujet qui secoue l'Italie et la catholicité.
Il faut donc que vous sachiez que cet obstacle de compréhension juridique majeur a été levé par un canoniste espagnol qui a découvert dans son petit bureau que la Declaratio correspondait en tous points à l'article 412 du Code de Droit Canonique, dont l'objet est la déclaration de Siège Empêché ("Sede Impedita").
En fait, donc, on nous a servi un plat qui ressemble à une pizza, mais qui n'en est pas une : Benoît XVI, dans l'impossibilité d'assurer librement son ministère du fait de l'infiltration de la franc-maçonnerie ecclésiastique aux plus hauts niveaux de la hiérarchie (cf la fameuse "Mafia de St Gall" officialisée dans les mémoires de Mgr Danneels) et de la curie romaine, n'a pas renoncé dans les règles mais a déclaré le Siège Empêché, ou Siège vide, tout en gardant son office.
Ce faisant, il a sauvegardé la part d'éternité, mais a laissé le pouvoir temporel en pâture aux loups. Et tel qu'il l'avait imaginé, ceux-ci, affamés, détenant déjà la plupart des leviers de commande, se sont déjà emparés du système et ont fait rapidement élire leur représentant, que nous connaissons maintenant sous le nom de "François" . Et, sauf exception, nous, les fidèles, avons gobé tout ça sans broncher.
Benoît s'est donc exilé "dans un siège empêché" à Castel Gandolfo avant d'être enjoint de résider sous bonne surveillance au Vatican dans le monastère Mater Ecclesiae. Il prie pour le troupeau dont il a la garde mais qu'il ne peut plus guider efficacement, et attendre patiemment que les hérésies manifestes de l'évêque en blanc et du groupe qui a pris le pouvoir éclairent progressivement ceux qui restent et resteront fidèles au Vrai Magistère.
Tout cela, vous le retrouverez dans une soixantaine d'articles écrits par le journaliste italien Andrea Cionci, des articles qui n'ont jamais été contredits par Rome, et qui ont été traduits en français par le P. Walter Covens sur son blog, www.homelie.biz. Je vous recommande tout particulièrement la lecture des chapitres 1, 2, 4 et 5, qui condensent l'essentiel de la partie juridique, mais le reste est très éclairant.
Maintenant, excusez-moi l'expression, la messe est presque dite, les soutiens de l'actuel occupant sont cois sur le sujet, le dossier est prêt et fumant, il ne manque plus qu'un synode ou un procès ecclésiastique en bonne et due forme pour arriver à une conclusion qui, je le pense sincèrement, ne manquera pas d'être "Benoît XVI est le seul pape", vu la vacuité du dossier pro-Bergoglio.
Le fait est que nous nous dirigeons malheureusement et inévitablement vers une énorme crise (en fait nous y sommes déjà) dans l'Église catholique, crise dans laquelle ceux qui - et il y en un certain nombre parmi vous, ils me l'ont écrit, soutiennent et soutiendront Mgr Bergoglio quoi qu'il arrive - se sépareront définitivement de ceux qui resteront fidèles au Vrai Magistère, et réciproquement.
C'est de mon point de vue exactement ce que vise Benoît XVI, qui parle de "decisio" (de couper, tailler) dans sa Declaratio, et incite clairement dans un de ses derniers entretiens les vrais catholiques (fidèles à la foi reçue des apôtres) à se séparer des faux pour purifier l'Eglise du Christ. L'hiver est là, et la vigne du Seigneur est taillée sévèrement.
Il est à noter que tout cela n'a rien à voir avec les catégories classiques tradis / conciliaires ; d'ailleurs la plupart des défenseurs de la messe en latin se satisfont apparemment plutôt bien de la situation actuelle, malgré l'agression de Traditionis Custodes. Beaucoup sont prisonniers d'une fausse loyauté. Mais ce qui compte est l'amour de la vérité et l'adhésion personnelle au Christ à travers le détenteur légitime du Trône de Pierre.
C'est donc là, cher prêtre de l'Église catholique, que je vous pose la question : Et pour vous, qui est Benoît XVI ?
Je vous assure de ma prière et de mon soutien amical dans cette épreuve déchirante à tous les sens du terme et me permets de vous suggérer de vous préparer au choc en vous informant personnellement, sachant qu'aucun média français ne le fera à votre place.
A minima, comme je me suis permis de l'écrire à mon évêque, il me semble prudent, en attendant un dénouement officiel (qui ne viendra d'ailleurs peut-être pas rapidement), pour ceux qui auraient des doutes, de ne plus citer le nom du "pape François" dans le cadre de la prière eucharistique.
Tout cela peut nous attrister, mais nous nous remettons dans la prière à Celui qui est notre paix. Quoi qu'il en soit nous devons faire la plus grande confiance à la Providence, qui saura tracer un chemin pour les fidèles du petit troupeau à travers les difficultés du temps présent.
Semper Fidelis
Louis Lurton