Le prof. Eugenio Corecco (à gauche) avec Jean Paul II
Tout d’abord, permettez-moi de dédicacer ma modeste contribution à cette conférence, que vous avez eu la bonté de venir écouter, à Eugenio Corecco, mon professeur de droit canonique à Fribourg, nommé par la suite évêque de Lugano le 5 juin 1986, consacré évêque par Mgr Schwery (qui m’avait ordonné prêtre le 28 août 1983), le 29 juin et mort prématurément le 1er mars 1995. En 1982, peu de temps avant la publication du nouveau Code de Droit Canonique, le professeur Corecco avait fait part de ses remarques critiques à Jean Paul II. Celui-ci l’a alors appelé à Rome pour faire partie de la Commission pour l’examen du Code avant sa publication, et, après celle-ci, pour faire partie de la Commission pour l’interprétation du CIC. Dans son introduction, Fr A. Bugnolo a mentionné Stefano Violi. Il fut l’élève de Libero Gerosa, lui-même élève d’Eugenio Corecco.
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Lecture de l’Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean, 13, 1-17
01 Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.
02 Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer,
03 Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,
04 se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;
05 puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
06 Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
07 Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
08 Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »a a
09 Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »
10 Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »
11 Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »
12 Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ?
13 Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis.
14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.
16 Amen, amen, je vous le dis : un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie.
17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites.
Retenez ce passage. Nous y reviendrons à la fin de mon exposé.
Venons-en maintenant, sans autre préambule, au sujet qui nous occupe, et dont fr. Bugnolo vient de rappeler l’importance capitale, non seulement pour l’Église, mais pour le monde:
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Fratres carissimi
Non solum propter tres canonizationes ad hoc Consistorium vos convocavi, sed etiam ut vobis decisionem magni momenti pro Ecclesiae vita communicem. Conscientia mea iterum atque iterum coram Deo explorata ad cognitionem certam perveni vires meas ingravescente aetate non iam aptas esse ad munus Petrinum aeque administrandum.
Bene conscius sum hoc munus secundum suam essentiam spiritualem non solum agendo et loquendo exsequi debere, sed non minus patiendo et orando. Attamen in mundo nostri temporis rapidis mutationibus subiecto et quaestionibus magni ponderis pro vita fidei perturbato ad navem Sancti Petri gubernandam et ad annuntiandum Evangelium etiam vigor quidam corporis et animae necessarius est, qui ultimis mensibus in me modo tali minuitur, ut incapacitatem meam ad ministerium mihi commissum bene administrandum agnoscere debeam. Quapropter bene conscius ponderis huius actus plena libertate declaro me ministerio Episcopi Romae, Successoris Sancti Petri, mihi per manus Cardinalium die 19 aprilis MMV commisso renuntiare ita ut a die 28 februarii MMXIII, hora 20, sedes Romae, sedes Sancti Petri vacet et Conclave ad eligendum novum Summum Pontificem ab his quibus competit convocandum esse.
Fratres carissimi, ex toto corde gratias ago vobis pro omni amore et labore, quo mecum pondus ministerii mei portastis et veniam peto pro omnibus defectibus meis. Nunc autem Sanctam Dei Ecclesiam curae Summi eius Pastoris, Domini nostri Iesu Christi confidimus sanctamque eius Matrem Mariam imploramus, ut patribus Cardinalibus in eligendo novo Summo Pontifice materna sua bonitate assistat. Quod ad me attinet etiam in futuro vita orationi dedicata Sanctae Ecclesiae Dei toto ex corde servire velim.
Ex Aedibus Vaticanis, die 10 mensis februarii MMXIII
BENEDICTUS PP. XVI
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Remarquons d’abord un élément de la plus haute importance et qui est passé largement inaperçu: c’est l’absence de toute référence au canon 332 $2. Benoît XVI ne le mentionne pas! C’est très étonnant, si l’on s’en tient à l’interprétation et la compréhension dominante de la Declaratio, selon laquelle Benoît XVI aurait renoncé au munus pétrinien, car c’est ce canon qui traite précisément de la renonciation du pape:
S’il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit.
Si contingat ut Romanus Pontifex muneri suo renuntiet, ad validitatem requiritur ut renuntiatio libere fiat et rite manifestetur, non vero ut a quopiam acceptetur.
Or, le canon 332 est le seul et unique canon qui traite de la renonciation du munus pétrinien. Il n’y en a pas d’autre!
Que s’est-il donc passé? La grand majorité des observateurs et des médias se sont empressés d’annoncer que Benoît XVI a décidé de renoncer à sa charge, puisque, disait-on, il l’a fait librement et qu’il l’a dûment manifesté… Oui…, sauf que ce qu’il a fait librement et dûment manifesté, ce n’est pas la renonciation au munus pétrinien, mais à son ministerium!
Il n’est pas nécessaire d’être un docteur en droit canonique pour comprendre qu’il y a en fait non pas deux mais trois conditions pour qu’un pape renonce validement au munus pétrinien: non seulement qu’il le fasse librement et qu’il le manifeste dûment, mais que ce qu’il fait librement et manifeste dûment, ce soit … la renonciation à son munus.
Pas besoin d’être un docteur en droit canonique pour se rendre compte qu’il y a un problème, disais-je. Permettez-moi de vous raconter un petit souvenir banal de mon enfance. Lors d’une rencontre du Chiro, un mouvement de jeunesse catholique en Flandre, l’on nous posait la question suivante: Que faut-il pour chauffer un litre de lait? Réponse des enfants: une casserole, du gaz et des allumettes. Faux, disait l’animateur! Il faut aussi un litre de lait! Nous n’étions que des enfants, mais nous avons tous ri, et nous avons tous compris.
Maintenant, la question que je vous pose, à vous, ce soir: Quelles sont les conditions pour qu’un pape renonce validement à son munus? Si à cette question vous répondez: qu’il le fasse librement et qu’il le manifeste dûment, je vous dis de même : C’est faux! Il faut qu’il renonce à son munus (et non pas à son ministerium)! Si vous avez une casserole, du gaz et des allumettes, en ayant, non pas un litre de lait, mais un litre d’eau, vous ne pourrez pas chauffer un litre de lait! Si un pape renonce librement à un ministerium, et qu’il le manifeste dûment, il n’a pas renoncé validement à son munus et il est toujours pape!
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Évidemment, pour un Pape renoncer à son munus est un petit peu plus complexe que de chauffer un litre de lait. C’est entendu. Certains ont donc objecté que l’on peut très bien considérer que munus et ministerium sont des synonymes, et que donc, en renonçant au ministerium, Benoît XVI a renoncé au munus. Ou encore que si le munus pétrinien comprend plusieurs ministères, ces ministères ne peuvent pas être partagés par plusieurs personnes. Donc un pape qui renonce au ministerium renonce forcément au munus.
Mais le canon 17 du CIC dit:
Les lois ecclésiastiques doivent être comprises selon le sens propre des mots dans le texte et le contexte; si le sens demeure douteux et obscur, il faut recourir aux lieux parallèles s’il y en a, à la fin et aux circonstances de la loi, et à l’esprit du législateur.
Or, l’objection de ceux qui prétendent que munus et ministerium sont des synonymes ne trouve aucun appui, ni dans le code de droit canonique, ni dans la tradition canonique. Dans aucune partie du Code un ministerium n’est dit être un munus, ou un munus être un ministerium. Le canon 145 $1, par exemple, dit:
Un office ecclésiastique est toute charge stable par disposition divine ou ecclésiastique pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.
Officium ecclesiasticum est quodlibet munus ordinatione sive divina sive
ecclesiastica stabiliter constitutum in finem spiritualem exercendum.
Le commentaire de l’Université de Salamanque précise utilement:
Il existe donc une définition unique de l’office dans le présent Code de 1983, alors qu’on trouvait deux définitions de l’office dans le Code de 1917, cf. canon 145 (1917). Il n’est donc pas nécessaire qu’il y ait participation au pouvoir (elle l’était auparavant). En d’autres termes, la participation au pouvoir n’entre pas dans le concept de l’office, même si cette participation au pouvoir existe dans la plupart des offices.
À ce sujet, Stefano Violi observe à juste titre:
Lisant la renonciation sous l'optique de l'efficacité moderne, en effet, le ministre sacré est équivalent à l'administrateur délégué (le PDG) de la «Société Eglise» qui, quand il n'est plus en état, remet son mandat aux actionnaires: la renonciation, toujours considérée selon l'optique moderne, ferait sortir le Pape de la sphère du public, pour le faire retourner à sa vie privée. De telles logiques se concilient mal avec l'essence spirituelle du ministère spirituel, témoignée par Jean Paul II jusqu'à la mort. L'exemplum, ou le précédent autorisé du Bienheureux Jean Paul II qui, malgré son incapacité à gouverner, ne renonça pas à l'office, représentait précisément l'objection spirituelle la plus profonde à la renonciation.
En réalité, c'est justement la compréhension spirituelle du munus qui consent à Benoît XVI de fonder la légitimité de sa renonciation sans renier la choix de son prédécesseur: «Je suis bien conscient que ce ministère (…), de par son essence spirituelle, doit être accompli (exequendum) non seulement par les œuvres et par la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la prière».
C’est donc en tant que Successeur de Saint Pierre, et pas seulement comme personne privée, que Benoît XVI, non plus par la parole et par les oeuvres, mais par la souffrance et la prière, continue d’exercer le munus pétrinien que Notre Seigneur lui a confié.
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Dans ce bref exposé, je me suis efforcé de donner un aperçu aussi simple que possible, à la portée de tous, de ce que j’ai pu lire dans les exposés d’éminents canonistes sur un sujet aussi délicat, important et controversé. N’oublions pas ce que rappelait le prof. Corecco et qui est que le fidèle moyen, qui manque totalement de formation canonique, est néanmoins le sujet du droit qui compte le plus dans l’Église. « Le salut des âmes doit toujours être dans l’Église la loi suprême (can. 1752).
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Abordons maintenant un autre aspect important de la question de la validité de la renonciation de Benoît XVI: celle des langues et des traductions. Cet aspect est si important que je pense qu’il mériterait un article dans Babel (Revue Internationale de la Traduction, publiée par la FIT - Fédération Internationale des Traducteurs).
Quand j’ai entamé mes études de traducteur à Anvers, je n’ai malheureusement pas choisi l’Italien, mais il y a une phrase très concise (et intraduisible) en italien que tous les étudiants traducteurs de toutes les langues apprennent dans tous les pays du monde. Cette courte phrase est: TRADUTTORE TRADITORE. (Rendons ici hommage au génie de la langue italienne qui a donné plusieurs autres expressions du même type telles que « Chi disse donna disse danno » ou encore « Fratelli coltelli »…)
Tous les traducteurs sont donc des traîtres, bien malgré eux, bien sûr. Même saint Jérôme, leur saint patron, est un « traître ». C’est pourquoi sainte Thérèse de Lisieux disait qu’elle aurait aimé apprendre les langues bibliques.
Traduttore traditore… Depuis que j’ai appris cette expression il y a plus de quarante ans, je n’ai jamais rencontré d’exemple plus significatif qui la vérifie, non seulement parce que quand on doit traduire des textes d’une langue à une autre, il y a des trahisons inévitables, mais parce qu’il peut y avoir aussi des trahisons voulues. Pensons, par exemple à la traduction de la Bible par les Témoins de Jéhovah. Pensons aussi à la « traduction » que fait le serpent du Livre de la Genèse de la consigne donnée par le Seigneur à nos premiers parents dans le jardin d’Éden:
Gn 2, 16 Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ;
17 mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Traduction du serpent:
Gn 3, 01 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? »
Vous savez que la version latine du texte de la renonciation de Benoît XVI (la version qui fait foi), a été traduite officiellement en de nombreuses autres langues sur le site officiel du Saint-Siège http://w2.vatican.va/ Cela fait donc beaucoup de traductions et autant d’occasions de trahison, qu’elles soient inévitables ou voulues)! Sans pouvoir entrer dans tous les détails dans le cadre de ce bref exposé, voyons cela rapidement d’un peu plus près.
Dans toutes les traductions il se trouve deux erreurs, pour ne pas dire deux falsifications: une de vocabulaire, l’autre de syntaxe. On ne peut donc pas prétendre qu’il s’agit d’un hasard. Il est clair que l’on a délibérément mal traduit ce texte, et ceci dans toutes les langues vernaculaires, pour donner l’impression d’une parfaite conformité au CIC.
Pour faire bref, les erreurs sont les suivantes:
1. Dans toutes les traductions, la double occurrence du mot MUNUS, dans l’original latin, est dissimulée en traduisant MUNUS par le même mot que celui utilisé pour traduire le latine MINISTERIUM, qui apparaît trois fois dans le texte.
2. La syntaxe de la clause d’effet qui suit le verbe RENUNTIARE en latin a été modifiée pour donner l’impression de permettre une métonymie, alors que le latin ne permet pas cette syntaxe.
3. La syntaxe de la deuxième clause indépendante suivant le DECLARO a été modifiée pour la faire apparaître comme un ordre pour convoquer un conclave.
Puisque ces erreurs se trouvent dans toutes les traductions en langue vernaculaire, il apparaît clairement qu’elles ont été faites volontairement en vue de faire apparaître la renonciation de Benoît XVI comme conforme au can. 332 $2 du CIC.
En préparant cette partie de mon exposé m’est venu à l’esprit le passage de Gn 11:
Et le Seigneur dit: Ils sont un seul peuple, ils ont tous la même langue: s’ils commencent ainsi, rien ne les empêchera désormais de faire tout ce qu’ils décideront. Allons! descendons, et là, embrouillons leur langue: qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres. »
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Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines, ni au bout de nos surprises. Je vous ai déjà rappelé que la version du fameux texte de la renonciation de Benoît XVI qui fait foi est la version latine. Eh bien, à la confusion générée par les traductions s’ajoute le fait étonnant que même dans ce texte latin, celui-là même qui fait (ou qui devrait faire) foi, il y a des fautes de latin (et, qu’en plus, le texte parlé - et enregistré - de la renonciation n’est pas identique au texte écrit, qui lui-même a subi des modifications par la suite)!
C’est ironiquement le philologue communiste (mais scientifiquement très réputé), Luciano Canfora, professeur à l’université de Bari, qui les a relevées dans le Corriere della Sera, sous le titre « Un exemple de latin moderne ». (Ici, le passage biblique qui m’est venu à l’esprit, c’est épisode de l’ânesse de Balaam en Nb 22)… Pas besoin d’avoir la foi pour s’apercevoir qu’il y a des fautes de latin. Pas besoin d’avoir la foi non plus pour constater que les traductions sont erronées.
Or, c’est un principe certain dans le droit canon traditionnel que tout rescrit, bref ou bulle du pape qui contient une faute de latin est nul. Saint Grégoire VII (Registrum 1.33) déclara nul un privilège accordé à un monastère par son prédécesseur Alexandre II, « en raison de la corruption de la latinité », qui constitue « un signe tout à fait évident ».
La décrétale Ad audientiam du pape Lucius III, qui figure dans le corps du droit canon (Décrétales de Grégoire IX) pose que « la fausse latinité invalide un rescrit du pape ». Le pape interdit de prêter foi à une lettre pontificale « puisqu’elle contient une faute de construction évidente ». La glose (dans le texte officiel corrigé publié sur ordre du pape Grégoire XIII en 1582) explique à ce propos qu’un rescrit du pape « ne doit contenir aucune faute », puisqu’il est « élaboré avec beaucoup de temps ».
Une faute de latin constitue une telle présomption de nullité qu’aucune preuve en sens contraire ne peut être admise.
Il est temps de conclure avec Stefano Voli, qui fait écho au passage de saint Jean que je vous ai lu au début:
La renonciation limitée à l’exercice actif du munus constitue la nouveauté absolue de la renonciation de Benoît XVI. En fondement juridique de son choix, alors, on ne trouve pas le canon 332 $2 qui règlemente un cas d’espèce de renonciation différent de celle prononcée par Benoît XVI. Le fondement théologico-juridique est la plenitudo potestatis sanctionnée par le canon 331:
L’Évêque de l’Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d’une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l’Église tout entière sur cette terre; c’est pourquoi il possède dans l’Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement.
Dans le faisceau des pouvoirs inhérents à l’Office est inclus aussi le pouvoir privatif, c’est-à-dire la faculté libre, impartageable, de renoncer à tous les pouvoirs sans renoncer au munus.
Ayant pris conscience que ses forces n’étaient plus adaptées à l’administration du munus confié à lui, en un acte libre, Benoît XVI a exercé la plénitude de l’autorité, se privant de tous les pouvoirs inhérents à son Office, pour le bien de l’Église, sans toutefois abandonner le service de l’Église; ce service continue à travers l’exercice de la dimension plus éminemment spirituelle inhérente au munus à lui confié, auquel il n’a pas entendu renoncer.
L’acte suprême d’abnégation de soi pour le bien de l’Église constitue en réalité, de la part du Pape émérite, l’acte suprême de pouvoir placé en lui, ainsi que l’ultime acte solennel de son magistère.
Le munus spirituel, pour être pleinement accompli, peut comporter la renonciation à son administration: cette dernière ne détermine en aucune manière la renonciation à la mission inhérente à l’Office, mais en constitue l’accomplissement le plus vrai.
Avec le geste de la renonciation, Benoît a même incarné la forme la plus élevée du pouvoir dans l’Église, sur l’exemple de Celui qui, ayant tout le pouvoir dans ses mains, dépose ses vêtements, ne se démettant pas, mais portant à son accomplissement son office au service des hommes, c’est-à-dire notre salut.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
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Conferenza sulla Rinuncia di Papa Benedetto XVI: Trascritto dei Interventi