Traduction française autorisée : père Walter Covens
A présent, une "clarification logique partagée" s'est mise en marche, par laquelle l'enquête sur la Declaratio du Pape Benoît se nourrit des contributions qui arrivent des lecteurs, sur les réseaux sociaux, de manière disparate : questions, objections, commentaires, posts qui contiennent parfois de véritables illuminations.
Comme vous l'avez peut-être lu, il y a eu une percée dans l'enquête ICI lorsque certains latinistes, en interprétant le mot "vacet" à peine différemment, (de manière légale) ont permis que la Declaratio de 2013 ne soit plus lue comme une renonciation dont les juristes Acosta et Sànchez ont expliqué qu'elle était canoniquement invalide. Tous deux ont utilisé les mêmes arguments que les canonistes pro-Bergoglio Sciacca et Boni (qui, bien que sollicités, ne nient pas) pour configurer ce schéma :
1) il n'y a pas deux papes, ni de "papauté élargie".
2) il n'y a qu'un seul pape,
3) le pape émérite n'existe pas, (en fait ils prévoient maintenant, après 8 ans de lui donner une jurisprudence ICI)
4) munus et ministerium ne sont pas synonymes au sens canonique.
5) Ratzinger a utilisé le munus au sens canonique, sans jamais y avoir renoncé.
6) il a séparé les deux entités, qui sont pourtant indivisibles dans le cas du Pape,
7) il a également renoncé à la mauvaise entité, à savoir le ministerium.
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Tout ce qui était canoniquement possible pour rendre une renonciation invalide a été fait, sans parler du sursis avec non-ratification ICI.
A l'inverse, la Declaratio peut être lue comme une déclaration cohérente d'un SEDE IMPEDITA (NDT: siège empêché) : le Canon 412 du Code de Droit Canonique dit : "Le siège épiscopal est dit empêché quand, par suite de captivité, de relégation, d'exil ou d'incapacité, l'Évêque diocésain est dans l'impossibilité totale d'exercer sa fonction pastorale dans le diocèse de sorte qu'il ne peut pas communiquer même par LETTRE avec ses diocésains.".
En pratique, d'après ce que nous avons reconstitué, le pape Benoît, évêque de Rome, ne pouvait plus se faire obéir et a donc renoncé à l'exercice pratique du pouvoir, le ministerium, laissant le siège "libre", "vide" - et non "vacant", comme traduit au sens canonique par le Vatican - en restant le seul pape.
Hier encore, le latiniste, le professeur Alessandro Scali nous a envoyé une étude, à l'appui de la thèse du Siège empêché, où il est démontré que DANTE, (cette année est le 700ème anniversaire de sa mort) importe dans la langue italienne de la Comédie, du latin, le verbe vacare dans le sens du Siège "laissé vide" par le vrai pape parce qu'il a été usurpé par le pape "indigne" Boniface VIII (note 1).
Ainsi, sur Twitter, un utilisateur a demandé : "Mais quelle était la prémisse selon laquelle Benoît XVI pouvait déclarer le siège empêché ? Je ne le vois pas".
En attendant, rappelons ce que Ratzinger confiait en 2005 ICI à Mgr Fellay, de la Communauté St-Pie X, qui, lors d'une audience, rappelait au Pape qu'il avait l'autorité pour mettre de l'ordre dans l'Eglise sur tous les fronts. Et Benoît de répondre : "Mon autorité s'arrête à cette porte". Et c'était déjà le cas à Castel Gondolfo en août 2005.
Dès le début de son pontificat, le vieux et doux Joseph Ratzinger a eu d'énormes difficultés à se faire obéir, à tel point qu'il n'a même pas pu imposer la phrase "versé pour nous et pour la multitude" dans les paroles de la consécration (NDT: il s'agit de la traduction italienne "versato per voi e per tutti"), une version philologique du latin "pro multis", qui est également plus correcte d'un point de vue théologique. Il semblait être largement empêché, même à l'époque, d'EXERCER la fonction pastorale et cela était également dû à une fragilité causée par ses 86 ans.
Ce n'est pas nous qui le disons, mais lui-même dans la Declaratio de 2013 : "... je suis arrivé à la certitude que mes forces, en raison de mon âge avancé, ne sont plus aptes à EXERCER convenablement le ministère pétrinien [...] pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l'Évangile, il faut une vigueur corporelle et spirituelle, vigueur qui, ces derniers mois, a diminué en moi de telle manière qu'il faut reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministerium (exercice pratique) qui m'a été confié".
Après tout, explique le professeur Antonio Sànchez, professeur de droit à l'université de Séville, l'incapacité physique n'est pas une raison pour renoncer à la papauté : Jean-Paul II a gouverné jusqu'aux derniers stades de sa maladie".
En d'autres termes : un pape, même faible et âgé, tant qu'il est obéi de manière disciplinée par ses évêques, peut continuer à être pape. En revanche, la faiblesse physique ou nerveuse peut être un problème pour exercer le ministère et éviter d'être "empêché".
On pourrait également parler d'une incapacité juridique dans le sens où la collégialité qui, depuis le Concile Vatican II, a détruit la structure monarchico-pyramidale de l'Église, a investi le Secrétaire d'État, en tant que Premier ministre de l'Église législative, d'un contrôle presque total sur le flux de la législation et des autres informations provenant du Vatican, y compris les actes mêmes du Pape.
Mais un FAIT CLAIR remonte à mai 2012, lorsque le scandale Vatileaks a éclaté : le majordome du pape, Paolo Gabriele (ensuite gracié en décembre et laissé en liberté) avait volé et photocopié des LETTRES secrètes et confidentielles de Benoît XVI avec des cardinaux, des journalistes, des politiciens, des VIP, etc. Parmi les lettres ecclésiastiques, une lettre du cardinal Tettamanzi où il a accusé le cardinal Bertone de donner des ordres au nom de Benoît sans que le Pape en soit même informé, puis celle du cardinal Nicora au président de l'IOR, Gotti Tedeschi, une lettre l'informant de la modification de la loi anti-blanchiment effectuée par Card. Bertone, et une autre de Mgr. Viganò à Benoît XVI où l'archevêque fait des références sévères au cardinal Bertone. Tous ces documents parlent de l'excès de pouvoir du Secrétaire d'État, comme mentionné ci-dessus, et donc peut-être de l'incapacité juridictionnelle susmentionnée.
Le fait est que beaucoup de ces correspondances ont été publiées plus tard par Gianluigi Nuzzi dans un livre.
Et nous arrivons à la quatrième raison pour laquelle le Siège peut être déclaré empêché : LORSQUE L'ÉVÊQUE N'EST PAS EN MESURE DE COMMUNIQUER, MÊME PAR LETTRE, AVEC SES DIOCÉSAINS, en l'occurrence l'ensemble du catholicisme universel.
Considérant que son courrier n'était plus privé, mais avait été volé, photocopié, diffusé puis imprimé, le Pape aurait très bien pu déclarer l'empêchement du Siège alors même qu'il n'était pas prisonnier ou exilé, mais probablement frappé d'incapacité (physique et d'exercice de sa juridiction) et surtout incapable de communiquer, même par lettre.
Ensuite, s'il y a autre chose, il faudra le demander au Saint-Père.
(Note 1)
Sur la signification du terme "VACET" dans la "Declaratio" du Pape Benoît XVI.
D'après l'article du Dr. Andrea Cionci, publié sur son blog le 18/VIII/2021, nous apprenons qu'une équipe de professeurs - dont il cite les noms - a approfondi l'étude de l'"étrange" (pour des séquences d'erreurs improbables) DECLARATIO de Benoît XVI, arrivant à la conviction que, dans l'histoire linguistique, le sens du mot latin VACET (subjonctif présent du verbe VACARE) dans ce document doit être interprété dans le sens non pas d'une renonciation du Pontife à son mandat, mais d'une déclaration de "SEDE IMPEDITA", bien qu'exprimée dans un langage spécieux et allusif.
Les chercheurs sont parvenus à une telle interprétation en remontant au sens originel et propre du latin VACARE, à comprendre comme "être vide, être libre", se référant généralement à une fonction ou un office qui est, ou est devenu, libre, - "vide"-, et donc d'un pouvoir non opérationnel.
De "l'être vide" on arrive à la notion de "SIÈGE EMPÊCHÉ" en vertu d'une reconstruction historico-biographique rigoureuse, développée par les mêmes chercheurs, de la situation factuelle dans laquelle s'est trouvé Benoît XVI, percé de scandales et d'accusations calomnieuses, alors qu'entre-temps des doutes sur l'élection de Bergoglio apparaissaient, par Antonio Socci, et que, dans le même temps, des observations aiguës sur le texte de la Declaratio émergeaient d'autres professionnels.
Approuver cette nouvelle interprétation et le résultat retentissant obtenu aujourd'hui par cette équipe, qui met un point final à la quaestio vexata (NDT: question controversée) s'articulant sur la renonciation vraie ou fictive et, dans la foulée, qui est le vrai pape et qui est le pape en exercice (partiellement), il ne sera pas inutile d'introduire une validation de cette lecture à travers quelques témoignages de Dante, sachant par ailleurs que le verbe VACARE est un latinisme introduit par Dante dans la langue vulgaire avec une forte continuité sémantique, comme en témoigne l'usage que le Poète en fait tant dans ses œuvres latines que dans la Comédie, où il apparaît quatre fois. Si l'on considère que - dans chaque cas - cela confirme l'usage précis que Dante fait du mot à l'intérieur de ce champ sémantique, les endroits qui reflètent le mieux les circonstances de la DECLARATIO se trouvent dans les XXVII et XVI du Paradis (versets 22/24 et 112/114 respectivement) :
Ceux qui usurpent sur terre ma place,
ma place, ma place, qui se vide
en présence du Fils de Dieu...
Du huitième ciel, saint Pierre lance une invective sanglante visant spécifiquement Boniface VIII, pour laquelle ledit pape est informé avec des mots de feu par le premier vicaire que "ma place", le trône de Pierre, est "vide" aux yeux du Fils de Dieu, parce que ce pape s'est destitué lui-même pour indignité. La forte symétrie entre les deux situations est frappante : d'une part, il y a l'ABSENCE totale - aux yeux de Dieu - d'un Office (en réalité : D'une part, il y a l'ABSENCE complète - aux yeux de Dieu - d'un Office (en réalité : du vicariat du Christus Sacerdos tout entier) résultant d'une auto-destitution involontaire due à une négligence grave ; d'autre part, l'ABSENCE est vue comme l'effet d'une auto-destitution - volontaire oui, mais sub cultro (NDT: litt. "sous le couteau" = dans la détresse) - extorquée par l'empêchement forcé du libre exercice de l'Office (dans ce cas, du Ministerium : dans ce sens, rappelez-vous aussi le blocage paralysant des mouvements financiers imposé au Vatican). Et encore : dans le premier cas, pour la déviance infernale d'un pape ; dans le second, pour la pression infernale, également curiale, SUR le pape.
Dans les deux cas, la valeur à attribuer à ce verbe est claire.
L'autre occurrence offerte par Dante, peut-être encore plus directe que la première, nous projette dans le cinquième ciel martial, dans lequel l'arrière-arrière-grand-père du Poète, Cacciaguida, en rappelant à son petit-fils les vertus civiques dans lesquelles fleurissait l'ancienne Florence, trouve le moyen de censurer les mauvaises habitudes les plus récentes des nouveaux clercs de l'évêché de la ville : (Pd.XVI, 112 / 114)
Ainsi, les pères de ceux
qui, toujours quand votre église est vide,
se font grossir en restant à l'église.
Après avoir précisé que par "les pères", Cacciaguida fait allusion à la génération de son temps et à son exactitude (l'ancienne abstinentia), et que par "ceux-là", il entend les fils et les petits-fils dégénérés, il s'ensuit qu'en l'ABSENCE de l'évêque légitime, une assemblée d'ecclésiastiques s'est établie pro tempore dans cette ville, beaucoup plus versée dans le bien privé que dans le bien public : dans cette ABSENCE, qui en italien est appelée vacanza (vacance), se résume ce pouvoir vide....mal exercé, et donc sanctionné.
À la lumière de ces preuves, dont la valeur réside dans le fait que nous sommes en présence, comme nous l'avons signalé plus haut, de la première entrée dans notre langue d'un terme qui conserve un sens et une signification identiques dans les deux domaines, la reconstruction rigoureuse effectuée par les savants, auteurs de la brillante recherche, se confirme.
PROFESSEUR ALESSANDRO SCALI
*Professeur (aujourd'hui retraité) dans les lycées, formé à Rome à S. Maria et ensuite à l'école de Paratore, Pagliaro, Brelich. Auteur de " Dante, pietra d'inciampo, Ed. Il Cinabro, Catane 2008 ", il a édité et commenté l'édition des écrits de Guido de Giorgio sur Alighieri, intitulée " Studi danteschi ", publiée en 2017, toujours chez " Il Cinabro ". Sodalitium equitum deiparae miseris succurrentis