Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par dominicanus

 

 

Au cours des articles que j'ai traduits de l'anglais et de l'italien depuis déjà plusieurs mois, a été évoquée l'interview que Benoît XVI a accordée à Tobias Winstel pour la revue allemande Herder Korrespondenz, notamment :

 

Nouvelle interview de Benoît XVI: "Séparer les croyants des non-croyants". N'est-ce pas un peu trop la confirmation du "plan B" ?

 

et

 

LE PAPE BENOÎT XVI RÉPOND À TRADITIONIS CUSTODES DE L'ANTIPAPE

 

Mais la plupart des lecteurs francophones - si ce n'est tous - n'avaient pas accès au texte de cet entretien, dans lequel le Pape évoque les années où il était vicaire en Allemagne.

 

J'avais moi-même acheté de numéro en question, et en avait traduit la totalité du texte pour mon usage personnel. Pour des raisons de droits d'auteur, il n'était pas question pour moi de publier ma traduction.

 

Aujourd'hui, vu l'importance des confidences de Benoît XVI, je vous en propose néanmoins le passage crucial.

 

Bonne lecture ! Et union de prière pour le pape Benoît XVI.

 

***

 

Traduction d'un extrait de l'interview : père Walter Covens

Traduction d'un extrait de l'interview : père Walter Covens

Sur les chemins et les traces du vicaire Joseph Ratzinger
« Étais-je un bon vicaire ? »

 

 

L'Église est composée de blé et d'ivraie, de bons et de mauvais poissons.

Démondanisation (Entweltlichung)

 

 

Herder Korrespondenz : La première expérience pastorale est probablement une étape essentielle dans le parcours de la plupart des clercs. C'est pendant cette période et à partir de ces expériences que Ratzinger a apparemment pris conscience de la « démondanisation » (Entweltlichung). Six décennies plus tard, lors de son voyage en Allemagne en tant que pape, il a constaté « l'éloignement croissant d'une partie considérable des baptisés de la vie de l’église ». "Pour réaliser sa mission, disait-il dans le célèbre discours de Fribourg, elle devra toujours s'éloigner de son environnement, elle devra se « démondaniser », pour ainsi dire. Était-ce peut-être l'idée centrale qu'il a emportée avec lui depuis son séjour à Bogenhaus et qu'il a explicitée de plus en plus ? Pouvait-il déjà sentir à ce moment-là qu'il était sur la piste d'une pensée capitale ?

 

Benoît XVI : « Je ne sais pas si le mot "démondanisation", qui provient du vocabulaire de Heidegger, a été judicieusement choisi par moi comme mot-clé final à Fribourg. L'idée en tant que telle m'est apparue de plus en plus clairement au cours de mon année de vicariat. À la fin de mes années à Freising, je l'ai présentée dans l'article "Die neuen Heiden und die Kirche" (Les nouveaux païens et l'Église) du magazine culturel catholique Hochland, publié par Kösel Verlag, et j'ai trouvé un écho inattendu.

 

L’expérience de mon année à Bogenhausen m'avait montré que de nombreuses fonctions concernant la structure et la vie de l'Église étaient exercées par des personnes qui ne partageaient pas du tout la foi de l'Église. Leur témoignage devait donc paraître douteux à bien des égards. La foi et l'incrédulité étaient mélangées d'une manière étrange, et cela devait ressortir à un moment donné et provoquer un effondrement qui enterrerait finalement la foi. Un divorce était nécessaire, du moins c'est ce qu'il me semblait. Cependant, on ne pouvait et ne devait pas penser à une Église des Saints : que cette pensée récurrente dans l'histoire soit un faux rêve, que la réalité réfute toujours immédiatement, m'était apparu clairement surtout dans mes études augustiniennes sur le donatisme.

 

Le donatisme était apparu à la fin de la période de persécution en Afrique du Nord, lorsque les évêques qui s'étaient compromis avec l'État païen continuaient maintenant comme s'ils avaient toujours été des bergers fidèles. Cependant, de nombreux croyants n'ont pas voulu reconnaître de tels bergers. Seules les personnes qui se présentaient aux fidèles comme des croyants sans aucune tache au temps de la persécution devaient être admises à l'épiscopat. Cette idée initiale, cependant, a poussé le groupe de plus en plus dans le sectarisme et, en fait, a prouvé pour toujours que le blé et l'ivraie, les bons et les mauvais poissons appartiennent à l’Église. Il ne s'agit pas de séparer le bien du mal, mais plutôt de distinguer les croyants/fidèles des incroyants/infidèles.

 

 

Depuis lors, ce problème est devenu encore plus apparent. Dans les institutions ecclésiastiques - hôpitaux, écoles, organisations caritatives - de nombreuses personnes sont impliquées dans des postes de décision qui ne partagent pas la mission intérieure de l'Église et obscurcissent ainsi souvent le témoignage de ces institutions. Cela se traduit avant tout par des annonces et des déclarations publiques. L'expression "Église officielle" (Amtskirche) a été inventée pour exprimer le contraste entre ce qui est officiellement requis et ce qui est personnellement cru. Le terme "Amtskirche" insinue une contradiction interne entre ce que la foi veut et signifie réellement et sa dépersonnalisation.

 

 

Eh bien, en attendant, il est malheureusement largement vérifié que les textes officiels de l'Église en Allemagne sont largement façonnés par des personnes pour qui la foi est seulement officielle (amtlich). Dans ce sens, je dois admettre que le mot "Amtskirche" s’applique effectivement à une grande partie des textes officiels en Allemagne. Je me souviens d’un cas jadis où nous avons demandé à un jeune évêque ami (j’étais moi-même professeur) un texte pour la revue catholique internationale "Communio" dans lequel il présenterait l’intention et le travail de sa section de la Conférence épiscopale.  Mais le manuscrit qu’il nous a envoyé était évidemment rédigé par sa section et était en réalité le langage de l’appareil, pas le langage d’une personne.  Malheureusement, cette expérience s’est souvent répétée par la suite.

 

Ce que l'Église doit dire ex officio est dit par un office, pas par une personne. Tant que seule la fonction, et non le cœur et l'esprit, s'exprimera dans les textes officiels de l’Église, l'exode du monde de la foi se poursuivra. C'est pourquoi il me semblait important, à l’époque, tout comme aujourd'hui, de sortir la personne de la couverture de l’office et d'attendre un véritable témoignage personnel de foi de la part des porte-paroles de l'Église. Le mot démondanisation indique la partie négative du mouvement qui me préoccupe, à savoir la sortie du discours et des contraintes d'une époque pour entrer dans la liberté de la foi. Mais précisément cette partie, le positif, n'est pas suffisamment exprimée par cela. »

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article