
Nous méditerons cette année, ce geste du semeur que Jésus a tant de fois répété dans ses paraboles du Royaume.
La plus récente, qu'il a prononcée il y a quelques jours, est la quinzième de la série. Elle comporte un passage fulgurant contre les "pompes du diable" qui triomphent dans la mentalité courante. Un "spectacle" auquel tout baptisé a promis de renoncer
Lecture du livre d'Ézékiel
R/ Il est bon, Seigneur, de chanter pour toi !
Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Semeur est sorti pour semer la Bonne Nouvelle. Heureux qui la reçoit et la fait fructifier. Alléluia. (cf. Mt 13, 3.23)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Certains vont reprocher à Benoît XVI d'être faible dans le commandement. Mais ce n'est pas vrai. Tous les grands conflits de ce pontificat ont leur origine dans des décisions de gouvernement qu'il a prises. Des décisions fortes et à contre-courant. Les dessous de l'éviction d'Ettore Gotti Tedeschi de l'IOR
Benoît XVI a reçu ce lundi matin les membres de l’Académie pontificale ecclésiastique où est formé le personnel diplomatique du Saint-Siège. Dans son discours, le Pape a brossé le portrait idéal d’un diplomate du Saint-Siège. Sa vertu première devra être la fidélité. La fidélité qui se vit dans l’Église et au Saint-Siège – a-t-il précisé - n’est pas une loyauté « aveugle », puisqu’elle est illuminée par la foi de Celui qui a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ». Benoît XVI a encouragé ses futurs représentants dans le monde à vivre le lien personnel avec le Vicaire du Christ comme une part de leur spiritualité.
Il s'agissait d'une rencontre annuelle mais elle s’est déroulée avec en toile de fond la tempête qui agite actuellement
le Vatican. Le Pape en a d’ailleurs profité pour exprimer sa gratitude et son estime aux nombreux collaborateurs de la Curie romaine et des représentations pontificales dans le monde. Benoît XVI
compte sur eux pour son ministère universel. Il les exhorte à aider les Eglises locales à grandir dans la fidélité au Siège de Pierre et en communion avec l’Eglise universelle. Dans la mesure où
vous serez fidèles, vous serez aussi dignes de foi – a-t-il lancé.
« Vous aiderez le Successeur de Pierre lui-même à être fidèle à la mission reçue du Christ – a-t-il ajouté - en lui
permettant de connaître au plus près le troupeau qui lui est confié et de le rejoindre plus efficacement avec sa parole, sa proximité, son affection ».
**********
Traduction intégrale du discours du Pape
Chers frères dans l’Épiscopat,
Chers prêtres,
Je remercie avant tout Monseigneur Beniamino Stella pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées au nom de vous tous
qui êtes présents, comme aussi pour le précieux service qu’il accomplit. Je salue avec grande affection la communauté tout entière de l’Académie pontificale ecclésiastique. Je suis heureux de
vous accueillir cette année aussi, au moment où se terminent les cours et où, pour quelques-uns, approche le jour du départ pour le service dans les Représentations pontificales présentes dans le
monde entier. Le Pape compte aussi sur vous, pour être assisté dans la réalisation de son ministère universel. Je vous invite à ne pas avoir peur, vous préparant avec application et engagement à
la mission qui vous attend, confiant dans la fidélité de Celui qui vous connaît depuis toujours et vous a appelés à la communion avec son Fils, Jésus-Christ (cf. 1 Co 1, 9).
La fidélité de Dieu est la clef et la source de notre fidélité. Je voudrais aujourd’hui attirer votre attention sur cette
vertu, qui exprime bien le lien très particulier qui s’établit entre le Pape et ses collaborateurs directs, aussi bien dans la Curie romaine que dans les Représentations pontificales : un lien
qui, pour beaucoup, s’enracine dans le caractère sacerdotal dont vous êtes investis, et se spécifie ensuite dans la mission particulière confiée à chacun au service du Successeur de
Pierre.
Dans le contexte biblique, la fidélité est surtout un attribut divin : Dieu se fait connaître comme celui qui est fidèle
pour toujours à l’alliance qu’il a conclue avec son peuple, malgré l’infidélité de celui-ci. Étant fidèle, Dieu garantit de conduire au terme son dessein d’amour, et pour cela Il est aussi digne
de foi et véridique. C’est cette attitude divine qui crée dans l’homme la possibilité d’être, à son tour, fidèle. Appliquée à l’homme, la vertu de la fidélité est profondément liée au don
surnaturel de la foi, devenant l’expression de cette solidité de celui qui a fondé en Dieu toute sa vie. Dans la foi, nous trouvons en effet l’unique garantie de notre stabilité (cf. Is 7, 9b),
et seulement à partir d’elle nous pouvons à notre tour être vraiment fidèles : d’abord à Dieu, donc à sa famille, l’Église qui est mère et éducatrice, et en elle à notre vocation, à l’histoire
dans laquelle le Seigneur nous a insérés.
Chers amis, dans cette optique je vous encourage à vivre le lien personnel avec le Vicaire du Christ comme une part de
votre spiritualité. Il s’agit assurément d’un élément propre à chaque catholique, encore plus à chaque prêtre. Toutefois, pour ceux qui travaillent près le Saint-Siège, il assume un caractère
particulier, du moment qu’ils mettent au service du Successeur de Pierre une bonne partie de leurs énergies, de leur temps et de leur ministère quotidien. Il s’agit d’une grave responsabilité,
mais aussi d’un don spécial, qui, avec le temps, développe un lien affectif avec le Pape, de confiance intérieure, un sentir avec naturel, qui est bien exprimé par la parole « fidélité ».
Et de la fidélité à Pierre, qui vous envoie, dérive aussi une fidélité particulière envers ceux auxquels vous êtes
envoyés : on demande en effet aux Représentants du Pontife romain, et à leurs collaborateurs, de se faire les interprètes de sa sollicitude pour toutes les Églises, comme aussi de la
participation et de l’affection avec laquelle il suit le chemin de chaque peuple. Par conséquent, vous devrez nourrir un rapport de profonde estime et de bienveillance, je dirais d’amitié vraie,
envers les Églises et les communautés auxquelles vous serez envoyés. Par rapport à elles aussi, vous avez un devoir de fidélité, qui se concrétise dans le dévouement assidu au travail quotidien,
dans la présence parmi elles dans les moments joyeux et tristes, parfois même dramatiques de leur histoire, dans l’acquisition d’une connaissance approfondie de leur culture, du chemin ecclésial,
dans le fait de savoir apprécier combien la grâce divine est à l’œuvre dans chaque peuple et nation.
Il s’agit d’une aide précieuse pour le ministère pétrinien, au sujet duquel le Serviteur de Dieu Paul VI disait : « En
transmettant à son Vicaire les clefs du Royaume des cieux et en l’instituant pierre et fondement de son Église (cf. Mt 16, 18), le Pasteur éternel lui a donné mission de "affermir ses frères"
(cf. Lc 22, 32), c’est-à-dire de les gouverner et, en son nom, de les rassembler dans l’unité, mais aussi de leur apporter aide et consolation, par sa parole et par sa présence même, d’une
certaine manière » (Lett. Apost. Sollicitudo omnium ecclesiarum, 24 juin 1969 : AAS 61 (1969) 473-474).
De cette façon, vous encouragerez et vous stimulerez aussi les Églises particulières à grandir dans la fidélité au
Pontife romain, et à trouver dans le principe de communion avec l’Église universelle une orientation sûre pour leur pèlerinage dans l’histoire. Et enfin, vous aiderez le Successeur de Pierre
lui-même à être fidèle à la mission reçue du Christ, en lui permettant de connaître au plus près le troupeau qui lui est confié et de le rejoindre plus efficacement avec sa parole, sa proximité,
son affection. Je pense en ce moment avec gratitude à l’aide que je reçois quotidiennement des nombreux collaborateurs de la Curie romaine et des Représentants pontificaux, comme aussi au soutien
qui me vient de la prière des innombrables frères et sœurs du monde entier.
Chers amis, dans la mesure où vous serez fidèles, vous serez aussi dignes de foi. Nous savons d’ailleurs, que la fidélité
qui se vit dans l’Église et au Saint-Siège n’est pas une loyauté « aveugle », puisqu’elle est illuminée par la foi de Celui qui a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église
» (Mt 16, 18). Engageons-nous tous sur ce chemin pour qu’un jour, nous puissions nous entendre appliquer les paroles de la parabole évangélique : « Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de
ton seigneur » (cf. Mt 25, 21).
Avec ces sentiments, je renouvelle à Monseigneur le Président, à ses collaborateurs, aux Sœur Franciscaines Missionnaires
de Gesù Bambino et à toute la communauté de l’Académie ecclésiastique pontificale mon salut cordial, alors que je vous bénis de grand cœur.
(Radio Vatican)
Deux documents, parmi ceux qui ont été l'objet de fuites au Vatican, mettent dans l'embarras l'un la communauté surnommée "l'ONU du Trastevere" et l'autre le général de la Compagnie de Jésus. Au profit de deux cardinaux: l'Américain George et le Néerlandais Eijk
Chers frères et sœurs,
Ce soir, je voudrais méditer avec vous sur deux aspects, liés entre eux, du Mystère eucharistique : le culte de l’Eucharistie et son caractère sacré. Il est important de les prendre à nouveau en considération pour les préserver contre des visions incomplètes du Mystère lui-même, comme celles que l’on a constatées dans un passé récent.
Avant tout, une réflexion sur la valeur du culte eucharistique, en particulier de l’adoration du Saint-Sacrement. C’est l’expérience que nous vivrons ce soir aussi après la messe, avant la procession, pendant son déroulement et à son terme. Une interprétation unilatérale du concile Vatican II a pénalisé cette dimension en réduisant la pratique de l’Eucharistie au moment de la célébration. En effet, il a été très important de reconnaître le caractère central de la célébration, à laquelle le Seigneur convoque son peuple, où le rassemble autour de la double table de la Parole et du Pain de vie, le nourrit et l’unit à lui dans l’offrande du Sacrifice. Cette mise en valeur de l’assemblée liturgique dans laquelle le Seigneur agit et réalise son mystère de communion, demeure naturellement valable, mais elle doit être resituée dans un juste équilibre.
En effet, comme il arrive souvent, pour souligner un aspect on finit par en sacrifier un autre. Dans ce cas, l’accent mis sur la célébration de l’eucharistie s’est faite aux dépends de l’adoration, en tant qu’acte de foi et de prière adressée au Seigneur Jésus, réellement présent dans le Sacrement de l’autel. Ce déséquilibre a aussi eu des répercussions sur la vie spirituelle des fidèles. En effet, si l’on concentre tout le rapport avec Jésus Eucharistie dans le seul moment de la Sainte Messe, on risque de vider de sa présence le reste du temps et de l’espace essentiels. Et l’on perçoit ainsi moins le sens de la présence constante de Jésus au milieu de nous et avec nous, un présence concrète, proche, au milieu de nos maisons, comme « Cœur palpitant » de la ville, du pays, du territoire et de ses différentes expressions et activités. Le Sacrement de la Charité du Christ doit pénétrer toute la vie quotidienne.
En réalité, c’est une erreur que d’opposer la célébration et l’adoration, comme si elles étaient concurrentes. C’est justement le contraire : le culte du Saint Sacrement constitue comme le « milieu » spirituel dans lequel la communauté peut célébrer l’Eucharistie bien et en vérité. C’est seulement lorsqu’elle est précédée, accompagnée et suivie de cette attitude intérieure de foi et d’adoration que l’action liturgique peut exprimer toute sa signification et sa valeur. La rencontre avec Jésus dans la Sainte Messe se réalise vraiment et pleinement lorsque la communauté est en mesure de reconnaître que, dans le Sacrement, il habite dans sa maison, nous attend, nous invite à sa table, et puis, après que l’assemblée s’est dispersée, il reste avec nous, par sa présence discrète et silencieuse, et il nous accompagne de son intercession, en continuant à recueillir nos sacrifices spirituels et à les offrir au Père.
A ce propos, j’aime à souligner l’expérience que nous allons vivre ensemble aussi ce soir. Au moment de l’adoration, nous sommes tous sur le même plan, à genou devant le Sacrement de l’Amour. Le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel se trouvent rapprochés dans le culte eucharistique. C’est une expérience très belle et très significative que nous avons vécue à différentes reprises en la basilique Saint-Pierre, et aussi lors des inoubliables veillées avec les jeunes : je me souviens par exemple de celles de Cologne, de Londres, de Zagreb, de Madrid. Il est évident pour tous que ces moments de veillée eucharistique préparent la célébration de la Sainte Messe, préparent les cœurs à la rencontre, si bien qu’elle en devient plus féconde. Etre tous en silence de façon prolongée devant le Seigneur présent dans son sacrement, est l’une des expériences les plus authentiques de notre être Eglise, qui est accompagnée de façon complémentaire par celle de la célébration de l’Eucharistie, en écoutant la Parole de Dieu, en chantant, en s’approchant ensemble de la table du Pain de vie. Communion et contemplation ne peuvent pas être séparées, elles vont ensemble. Pour communiquer vraiment avec une autre personne, je dois la connaître, savoir être auprès d’elle en silence, l’écouter, la regarder avec amour. Le vrai amour et la vraie amitié vivent toujours de cette réciprocité de regards, de silences intenses, éloquents, pleins de respect, et de vénération, si bien que la rencontre soit vécue en profondeur, de façon personnelle et non pas superficielle. Et hélas, s’il manque cette dimension, même la communion sacramentelle peut devenir, de notre part, un geste superficiel. En revanche, dans la vraie communion, préparée par le colloque de la prière et de la vie, nous pouvons dire au Seigneur des paroles de confiance, comme celles qui viennent de résonner dans le psaume responsorial : « Je suis ton serviteur, el fils de ta servante : tu as rompu mes chaînes. Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce et j’invoquerai le nom du Seigneur (Ps 115,16-17).
Je voudrais maintenant passer brièvement au deuxième aspect : le caractère sacré de l’Eucharistie. Là aussi, on a, dans un passé récent, perçu un certain malentendu sur le message authentique de la Sainte-Ecriture. La nouveauté chrétienne concernant le culte a été influencée par une certaine mentalité sécularisée des années soixante et soixante-dix, du siècle dernier. Il est vrai, et cela reste toujours valable, que le centre du culte n’est plus désormais dans les rites et dans les sacrifices anciens mais dans le Christ lui-même, dans sa personne, dans sa vie, dans son mystère pascal. Et cependant, on ne doit pas déduire de cette nouveauté fondamentale que le sacré n’existe plus, mais qu’il a trouvé son accomplissement en Jésus-Christ, Amour divin incarné. La Lettre aux Hébreux que nous avons écoutée ce soir dans la seconde lecture, nous parle justement de la nouveauté du sacerdoce du Christ, « grand prêtre des biens à venir » (He 9,11), mais il ne dit pas que le sacerdoce est terminé. Le Christ « est médiateur d’une alliance nouvelle » (He 9, 15), scellée dans son sang, qui purifie « notre conscience des oeuvres de mort » (He 9,14). Il n’a pas aboli le sacré, mais il l’a porté à son accomplissement, en inaugurant un culte nouveau, qui est pleinement spirituel, mais qui cependant, tant que nous sommes en chemin dans le temps, se sert encore de signes et de rites, qui disparaîtront seulement à la fin, dans la Jérusalem céleste, là où il n’y aura plus aucun temple (cf. Ap 21,22). Grâce au Christ, le caractère sacré est plus vrai, plus intense, et, comme il advient pour les commandements, aussi plus exigeant ! L’observance rituelle ne suffit pas, mais il faut la purification du cœur, et l’engagement de la vie.
J’aime aussi à souligner que le sacré à une fonction éducative et que sa disparition appauvrit inévitablement la culture, en particulier la formation des nouvelles générations. Si, par exemple, au nom d’une foi sécularisée qui n’ait plus besoin des signes sacrés, on abolissait la procession du Corpus Domini dans la ville, le profil spirituel de Rome se trouverait « aplati » et notre conscience personnelle et communautaire en resterait affaiblie. Ou bien, nous pensons à une maman et à un papa qui, au nom de la foi désacralisée, priveraient leurs enfants des tout rituel religieux : ils finiraient en réalité par laisser le champ libre à tant de succédanés présents dans la société e consommation, à d’autres rites et à d’autres signes, qui pourraient devenir plus facilement des idoles. Dieu, notre Père, n’a pas agi ainsi avec l’humanité : il a envoyé son Fils dans le monde, non pour abolir, mais pour porter le sacré aussi à son accomplissement. Au sommet de cette mission, lors de la Dernière Cène, Jésus a institué le sacrement de son Corps et de son Sang, le Mémorial de son Sacrifice pascal. En agissant ainsi, il s’est mis lui-même à la place des sacrifices anciens, mais il l’a fait à l’intérieur d’un rite, qu’il a commandé à ses apôtres de perpétuer, comme le signe suprême du vrai Sacré, qui est Lui-même. C’est avec cette foi, chers frères et sœurs, que nous célébrons aujourd’hui et chaque jour le Mystère eucharistique et que nous l’adorons comme le centre de notre vie et le cœur du monde. Amen.
© Libreria Editrice Vaticana
Traduction de ZENIT [Anita Bourdin]
Théologien dominicain, recteur de l'Université catholique de l'Ouest de 2008 à 2011, le père dominicain Guy Bedouelle est décédé le 22 mai 2012 à Fribourg en Suisse. Nous écoutons son homélie donnée à Sorèze le dimanche 2 octobre 2011. Il y rendait hommage au Père Henri-Dominique Lacordaire, à l'occasion du 150e anniversaire de sa mort.
« Pourquoi revenez-vous sans cesse sur cette idée que ‘je fais de la politique’ ou que ‘je dois m’en garder’ », écrit à l’un de ses amis, au début de 1850, le P. Henri-Dominique Lacordaire. Et il poursuit : « La vérité est que mon crime est de ne pas faire de politique qui serait de demeurer en dehors de tous les partis et leur dire à tous, dans l’occasion, les grandes vérités sociales de l’Évangile ».
Qui est ce Lacordaire, dont nous célébrons, aujourd’hui, le 150e anniversaire de la mort, au lieu même où il est enterré ? Il était certainement, à son époque, au XIXe siècle, le personnage de l’Église de France le plus connu, qu’il soit admiré ou controversé.
Après la Révolution de juillet 1830, ce jeune prêtre fonde, avec Lamennais, un quotidien, l’Avenir, qui porte fièrement la devise : « Dieu et la liberté ». Il y réclame la séparation de l’ Église et de l’État, à une époque où ni l’Église, ni l’État, n’en veulent. Il y soutient aussi le droit des minorités nationales opprimées. Comme l’Église lui signifie que son expression est exagérée, il se soumet sans renoncer à ses opinions. Il accepte de donner un exposé progressif des vérités de la foi par les conférences de Notre-Dame, que les étudiants catholiques, dont le bienheureux Ozanam, ont réclamé à l’archevêque de Paris. Lacordaire va s’y illustrer.
C’est alors qu’il entreprend de refonder l’ordre dominicain en France, qui y avait été aboli depuis la Révolution comme les autres congrégations. Lacordaire n’entend pas réclamer des privilèges, mais que les religieux puissent simplement jouir du droit d’association, comme de simples citoyens. Et il le dit, et il l’écrit, et il le fait en ouvrant son premier couvent à Nancy.
En février 1848, c’est pour lui un moment providentiel : une Révolution et une République, certes, mais pacifiques, éprises de justice et surtout respectueuses de la religion. Tout le monde plante des arbres de la liberté que bénissent les évêques et les curés de paroisse. Sans trop y croire, il se laisse inscrire par ses amis sur des listes de candidats pour les députés de la future Assemblée constituante. Et il est élu à Marseille. Le voilà représentant du peuple, comme on disait, des Bouches-du-Rhône. Il décide de siéger, en habit dominicain, à l’extrême-gauche, ce qui n’était pas le meilleur choix pour quelqu’un qui voulait se situer au-dessus des partis. Après la tentative de prise du pouvoir par des insurgés pénétrant dans la salle des séances, violence qui, pour lui, est la dénégation de la démocratie, Lacordaire prend une de ces décisions brusques qui le caractérisent : après 14 jours de mandat, il donne sa démission de député. Comme il l’explique à ses électeurs : « dans une assemblée politique, l’impartialité condamne à l’impuissance et à l’isolement, il fallait choisir son camp. Je ne pus m’y résoudre ».
Et il précise : « Pour moi, la politique, c’est dire la vérité, la vérité la plus générale, aux riches, aux pauvres, aux croyants, aux incroyants ». Et ainsi, elle est, pour lui, inséparable des valeurs chrétiennes, des grandes vérités morales ; elle est expression de la liberté évangélique.
Lacordaire est certainement idéaliste, incontestablement romantique, et en même temps, il est ancré résolument dans la société moderne, issue de la Révolution de 1789 dont il récuse les excès ultérieurs. Mais il voit cette nouvelle société dans une perspective chrétienne. Il veut la convertir, s’adresser à l’opinion publique qui n’entend jamais parler de Dieu. C’est pourquoi aussi il veut former des chrétiens authentiques, et consacre les sept dernières années de sa vie dans ce collège, qui le confirme dans sa vocation d’éducateur et de prédicateur, à laquelle il ajoute la tâche de conseiller municipal de Sorèze.
« Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu… tout cela prenez-le à votre compte », avons-nous entendu saint Paul s’adressant aux Philippiens dans la deuxième lecture. C’était bien l’attitude de Lacordaire en son temps, et c’est, je crois, ce qui est demandé à chaque génération de chrétiens. La parole de l’Évangile du Christ est une force et une grâce : elle accueille et réveille le désir de justice et de vérité qui existe dans le cœur de chacun. Lacordaire que nous honorons aujourd’hui est un des témoins de ce service que le christianisme rend à la société.
(Source: Le Jour du Seigneur.com)
Le Père Bedouelle a été mon professeur d'Histoire de l'Église à l'Université de Fribourg. C'est lui qui a dirigé mon travail de licence sur saint François de Sales. Il était aussi mon père spirituel. R.I.P.