Élisabeth de la Trinité, Dernière retraite
" Comme la biche altérée soupire après les sources deau vive, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! Mon âme a soif du Dieu vivant ! Quand irai-je, et paraîtrai-je devant sa face ? " (Ps 41, 1-2) Et pourtant, comme " le passereau qui a trouvé un lieu pour sy retirer, comme la tourterelle qui a trouvé un nid pour y placer ses petits " (Ps 83, 3), ainsi Laudem gloriae (Louange de gloire) a trouvé en attendant dêtre transférée en la sainte Jérusalem, beata pacis visio (bienheureuse vison de paix) sa retraite, sa béatitude, son Ciel anticipé où elle commence sa vie déternité. " En Dieu mon âme est silencieuse ; cest de Lui que jattends ma délivrance. Oui, Il est le rocher où je trouve mon salut, ma citadelle, et je ne serai pas ébranlée !
" (Ps 61, 2-3).
Voilà le mystère que chante aujourdhui ma lyre ! Comme à Zachée, mon Maître ma dit : " Hâte-toi de descendre, car il faut que je loge chez toi
" (Lc 19, 5). Hâte-toi de descendre, mais où ? Au plus profond de moi-même : après mêtre quittée moi-même, séparée de moi-même, dépouillée de moi-même, en un mot, sans moi-même.
" Il faut que je loge chez toi ! " Cest mon Maître qui mexprime ce désir ! Mon Maître qui veut habiter en moi, avec le Père et son Esprit damour, pour que, selon lexpression du disciple bien-aimé, jaie " société " (1 Jn 1, 3) avec Eux. " Vous nêtes plus des hôtes ou des étrangers, mais vous êtes déjà de la maison de Dieu ", dit saint Paul (Ep 2, 19). Voilà comment jentends être de la maison de Dieu : cest en vivant au sein de la tranquille Trinité, en mon abîme intérieur, en cette " forteresse inexpugnable du saint recueillement " dont parle saint Jean de la Croix !
David chantait : " Mon âme tombe en défaillance en entrant dans les parvis du Seigneur " (Ps 83, 1). Il me semble que ce doit être lattitude de toute âme qui rentre en ses parvis intérieurs pour y contempler son Dieu et pour y prendre fortement son contact : elle " tombe en défaillance ", dans un divin évanouissement en face de cet Amour tout-puissant, de cette Majesté infinie qui demeure en elle ! Ce nest point la vie qui labandonne ; mais cest elle qui méprise cette vie naturelle et qui sen retire
Car elle sent quelle nest pas digne de son essence si riche, et elle sen va mourir et sécouler en son Dieu.
Oh ! quelle est belle, cette créature ainsi dépouillée, délivrée delle-même ! Elle est en état de " disposer des ascensions en son cur pour passer de la vallée des larmes " (cest-à-dire de tout ce qui est moindre que Dieu) " vers le lieu qui est son but " (Ps 83,6), ce " lieu spacieux " chanté par le psalmiste (Ps 17, 20), qui est, il me semble, linsondable Trinité : " Immensus Pater, immensus Filius, immensus Spiritus sanctus !
"
Elle monte, elle sélève au-dessus des sens, de la nature ; elle se dépasse elle-même : elle surpasse aussi toute joie comme toute douleur et passe à travers les nuages, pour ne se reposer que lorsquelle aura pénétré " en lintérieur " de Celui quelle aime et qui lui donnera Lui-même " le repos de labîme " (Ruysbroec). Et tout cela sans être sortie de la sainte forteresse ! Le Maître lui a dit : Hâte-toi de descendre
Cest encore sans sortir de là quelle vivra, à limage de la Trinité immuable, en un éternel présent, " ladorant toujours à cause dElle-même ", et devenant par un regard toujours plus simple, plus unitif, " la splendeur de sa gloire " (He 1, 3), autrement dit lincessante louange de gloire de ses perfections adorables. (Conrad De Meester, Dans le Ciel de notre âme, Éd. du Cerf, 1992, p. 154-157)
Benoït XVI, " Dieu est Amour ", 16-18 (2e partie)
18. Lamour du prochain se révèle ainsi possible au sens défini par la Bible, par Jésus. Il consiste précisément dans le fait que jaime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je napprécie pas ou que je ne connais même pas. Cela ne peut se réaliser quà partir de la rencontre intime avec Dieu, une rencontre qui est devenue communion de volonté pour aller jusquà toucher le sentiment. Japprends alors à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. Au-delà de lapparence extérieure de lautre, jaillit son attente intérieure dun geste damour, dun geste dattention, que je ne lui donne pas seulement à travers des organisations créées à cet effet, lacceptant peut-être comme une nécessité politique. Je vois avec les yeux du Christ et je peux donner à lautre bien plus que les choses qui lui sont extérieurement nécessaires: je peux lui donner le regard damour dont il a besoin. Ici apparaît linteraction nécessaire entre amour de Dieu et amour du prochain, sur laquelle insiste tant la Première Lettre de Jean. Si le contact avec Dieu me fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en lautre que lautre, et je ne réussis pas à reconnaître en lui limage divine. Si par contre dans ma vie je néglige complètement lattention à lautre, désirant seulement être "pieux" et accomplir mes "devoirs religieux", alors même ma relation à Dieu se dessèche. Alors, cette relation est seulement "correcte", mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de lamour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de maimer. Les saints pensons par exemple à la bienheureuse Teresa de Calcutta ont puisé dans la rencontre avec le Seigneur dans lEucharistie leur capacité à aimer le prochain de manière toujours nouvelle, et réciproquement cette rencontre a acquis son réalisme et sa profondeur précisément grâce à leur service des autres. Amour de Dieu et amour du prochain sont inséparables, cest un unique commandement. Tous les deux cependant vivent de lamour prévenant de Dieu qui nous a aimés le premier. Ainsi, il nest plus question dun "commandement" qui nous prescrit limpossible de lextérieur, mais au contraire dune expérience de lamour, donnée de lintérieur, un amour qui, de par sa nature, doit par la suite être partagé à dautres. Lamour grandit par lamour. Lamour est "divin" parce quil vient de Dieu et quil nous unit à Dieu, et, à travers ce processus dunification, il nous transforme en un Nous, qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un, jusquà ce que, à la fin, Dieu soit "tout en tous" (1 Co 15, 28).
Benoït XVI, " Dieu est Amour ", 16-18 (1e partie)
16.
Est-il vraiment possible daimer Dieu alors quon ne le voit pas ? Et puis: lamour peut-il se commander ? Au double commandement de lamour, on peut répliquer par une double objection, qui résonne dans ces questions. Dieu, nul ne la jamais vu comment pourrions-nous laimer ? Et, dautre part : lamour ne peut pas se commander; cest en définitive un sentiment qui peut être ou ne pas être, mais qui ne peut pas être créé par la volonté. LÉcriture semble confirmer la première objection quand elle dit: " Si quelquun dit: "Jaime Dieu", alors quil a de la haine contre son frère, cest un menteur. En effet, celui qui naime pas son frère, quil voit, est incapable daimer Dieu, quil ne voit pas " (1 Jn 4, 20). Mais ce texte nexclut absolument pas lamour de Dieu comme quelque chose dimpossible; au contraire, dans le contexte global de la Première Lettre de Jean, qui vient dêtre citée, cet amour est explicitement requis. Cest le lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain qui est souligné. Tous les deux sappellent si étroitement que laffirmation de lamour de Dieu devient un mensonge si lhomme se ferme à son prochain ou plus encore sil le hait. On doit plutôt interpréter le verset johannique dans le sens où aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu, et où fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu.
17. En effet, personne na jamais vu Dieu tel quil est en lui-même. Cependant, Dieu nest pas pour nous totalement invisible, il nest pas resté pour nous simplement inaccessible. Dieu nous a aimés le premier, dit la Lettre de Jean qui vient dêtre citée (cf. 4, 10) et cet amour de Dieu sest manifesté parmi nous, il sest rendu visible car Il "a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui" (1 Jn 4, 9). Dieu sest rendu visible: en Jésus nous pouvons voir le Père (cf. Jn 14, 9). En fait, Dieu se rend visible de multiples manières. Dans lhistoire damour que la Bible nous raconte, Il vient à notre rencontre, Il cherche à nous conquérir jusquà la dernière Cène, jusquau Cur transpercé sur la croix, jusquaux apparitions du Ressuscité et aux grandes uvres par lesquelles, à travers laction des Apôtres, Il a guidé le chemin de lÉglise naissante. Et de même, par la suite, dans lhistoire de lÉglise, le Seigneur na jamais été absent: il vient toujours de nouveau à notre rencontre par des hommes à travers lesquels il transparaît, ainsi que par sa Parole, dans les Sacrements, spécialement dans lEucharistie. Dans la liturgie de lÉglise, dans sa prière, dans la communauté vivante des croyants, nous faisons lexpérience de lamour de Dieu, nous percevons sa présence et nous apprenons aussi de cette façon à la reconnaître dans notre vie quotidienne. Le premier, il nous a aimés et il continue à nous aimer le premier; cest pourquoi, nous aussi, nous pouvons répondre par lamour. Dieu ne nous prescrit pas un sentiment que nous ne pouvons pas susciter en nous-mêmes. Il nous aime, il nous fait voir son amour et nous pouvons léprouver, et à partir de cet "amour premier de Dieu", en réponse, lamour peut aussi jaillir en nous.
Dans le développement de cette rencontre, il apparaît clairement que lamour nest pas seulement un sentiment. Les sentiments vont et viennent. Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il nest pas la totalité de lamour. Au début, nous avons parlé du processus des purifications et des maturations, à travers lesquelles leros devient pleinement lui-même, devient amour au sens plein du terme. Cest le propre de la maturité de lamour dimpliquer toutes les potentialités de lhomme, et dinclure, pour ainsi dire, lhomme dans son intégralité. La rencontre des manifestations visibles de lamour de Dieu peut susciter en nous un sentiment de joie, qui naît de lexpérience dêtre aimé. Mais cette rencontre requiert aussi notre volonté et notre intelligence. La reconnaissance du Dieu vivant est une route vers lamour, et le oui de notre volonté à la sienne unit intelligence, volonté et sentiment dans lacte totalisant de lamour. Ce processus demeure cependant constamment en mouvement: lamour nest jamais "achevé" ni complet; il se transforme au cours de lexistence, il mûrit et cest justement pour cela quil demeure fidèle à lui-même. Vouloir la même chose et ne pas vouloir la même chose (Salluste); voilà ce que les anciens ont reconnu comme lauthentique contenu de lamour: devenir lun semblable à lautre, ce qui conduit à une communauté de volonté et de pensée. Lhistoire damour entre Dieu et lhomme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus: la volonté de Dieu nest plus pour moi une volonté étrangère, que les commandements mimposent de lextérieur, mais elle est ma propre volonté, sur la base de lexpérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même (S. Augustin). Cest alors que grandit labandon en Dieu et que Dieu devient notre joie (cf. Ps 72 [73], 23-28).
Catéchisme de l'Église catholique 2742-2745
2742 " Priez sans cesse " (1 Th 5, 17), " en tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père au Nom de notre Seigneur Jésus Christ " (Ep 5, 20), " vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps dans lEsprit, apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints " (Ep 6, 18). " Il ne nous a pas été prescrit de travailler, de veiller et de jeûner constamment, tandis que cest pour nous une loi de prier sans cesse " (Evagre). Cette ardeur inlassable ne peut venir que de lamour. Contre notre pesanteur et notre paresse le combat de la prière est celui de lamour humble, confiant et persévérant. Cet amour ouvre nos curs sur trois évidences de foi, lumineuses et vivifiantes :
2743 Prier est toujours possible : Le temps du chrétien est celui du Christ ressuscité qui est " avec nous, tous les jours " (Mt 28, 20), quelles que soient les tempêtes (cf. Lc 8, 24). Notre temps est dans la main de Dieu :
Il est possible, même au marché ou dans une promenade solitaire, de faire une fréquente et fervente prière. Assis dans votre boutique, soit en train dacheter ou de vendre, ou même de faire la cuisine (S. Jean Chrysostome).
2744 Prier est une nécessité vitale. La preuve par le contraire nest pas moins convaincante : si nous ne laissons pas mener par lEsprit, nous retombons sous lesclavage du péché (cf. Ga 5, 16-25). Comment lEsprit Saint peut-il être " notre Vie " si notre cur est loin de lui ?
Rien ne vaut la prière ; elle rend possible ce qui est impossible, facile ce qui est difficile. Il est impossible que lhomme qui prie puisse pécher (S. Jean Chrysostome).
Qui prie, se sauve certainement ; qui ne prie pas se damne certainement (S. Alphonse de Liguori).
2745 Prière et vie chrétiennes sont inséparables car il sagit du même amour et du même renoncement qui procède de lamour. La même conformité filiale et aimante au Dessein damour du Père. La même union transformante dans lEsprit Saint qui nous conforme toujours plus au Christ Jésus. Le même amour pour tous les hommes, de cet amour dont Jésus nous a aimés. " Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, il vous laccordera. Ce que je vous commande, cest de vous aimer les uns les autres " (Jn 15, 16-17).
Celui-là prie sans cesse qui unit la prière aux uvres et les uvres à la prière. Ainsi seulement nous pouvons considérer comme réalisable le principe de prier sans cesse (Origène).
Jean-Claude Sagne, Notre vie sous la conduite de Marie
Peut-être y a-t-il (encore) trois épreuves typiques de la vie mariale. Cest dabord lexpérience dune extrême fragilité, comme dun enfant démuni. Chemin de patience et dhumiliation, le service de Marie passe souvent par le sentiment de lanéantissement, qui est une école dabandon. La deuxième épreuve typique est la vie cachée " à lintérieur ", la vie cachée à nos propres yeux, de sorte quil ny ait de connaissance distincte ni de grâces ni des lumières ni non plus des épreuves ou des purifications. Lépreuve consiste ici précisément dans lenfouissement de tout le vécu spirituel sous le vécu humain le plus ordinaire, quil soit psychique ou somatique ou relationnel. Ce quil y a de difficile ici, cest de consentir à une sorte dinexistence personnelle au point de vue spirituel. Puis la troisième épreuve de la vie mariale serait une sorte daffrontement aux puissances des ténèbres de façon inexplicable et insolite, sans doute parce quil y a recrudescence du combat pour le Royaume partout où lon veut faire connaître et aimer Marie.
La découverte de Marie dans notre vie de prière répond au dynamisme dun approfondissement dans la relation à la mère. Elle nous attire du ressentie de la joie vers ladhésion maintenue de la pure fidélité et nous fait passer de la fréquentation familière de lenfant ou de lhomme jeune vers la présence quasi-imperceptible de lembryon dans son milieu de vie nourricier. Ce qui provoque la décantation des notes sensibles du début, ce nest pas la lassitude ni la désillusion, mais bien plutôt lentrée dans la profondeur de la nuée lumineuse où Dieu habite. Quand parfois il ny a même plus de parole à entendre, cest que nous sommes davantage unis à ce qui est la condition première et indispensable de la parole humaine, telle que le Verbe a voulu la connaître au début de son Incarnation en se cachant dans le sein de Marie. Pour quun parole se donne à entendre, il faut dabord quil y ait laccueil du don de la vie
En ce qui concerne la vie mariale, lévolution habituelle est significative. Dans un premier moment, Marie semble vouloir sinscrire dans les attentes de notre imaginaire en les accomplissant. La suite de la route fait éprouver la perte de cette présence proche et ressentie. Le pivot est lunion à Jésus lui-même caché en Marie. LEsprit nous introduit plus avant dans le mystère de la vie filiale de Jésus. Lhorizon de lumière est la gloire de la vie filiale dans le cur du Ressuscité devant le Père. Laujourdhui est notre vie cachée avec le Christ en Dieu. Cest lintimité croissante avec Marie qui aboutit à une union plus profonde avec Jésus, caché dans le sein de Marie pour être de nouveau caché dans le sien du Père.
Adrienne von Speyr, Jean, Le discours dadieu, 2e tome, éd. P. Lethielleux, p. 20 21
Le détourné " sera jeté dehors " : dabord imperceptiblement par le Père, ensuite peut-être même publiquement par lÉglise
Celui qui est exclu na plus accès aux sources vives, aux sacrements
Pour pouvoir revenir comme un vrai croyant, il lui faudrait devenir un homme tout autre que ce quil est actuellement.
Mais il peut être jeté dehors uniquement par Dieu, sans que lÉglise se sépare publiquement de lui. LÉglise, comme institution visible et humaine, ne peut pas forcer laccès aux consciences. Les sacrements quelle administre dépassent de loin par leur effet ce quelle peut en vérifier. Dans ceux-ci elle noue une alliance entre les âmes et Dieu, mais la vie intime de cette alliance lui reste en grande partie inconnue. Dans cette sphère, Dieu a déjà pu procéder à un rejet, tandis que dans la sphère accessible à lÉglise tout semble encore en ordre.. Il se peut quextérieurement un chrétien participe à tout ce que lÉglise lui demande, peut-être jusquà sa mort, mais intérieurement, dans la grande question essentielle que Dieu lui a posée, il a échoué ; ce point secret de son âme, indispensable à une relation vivante avec Dieu, est desséché et mort. Il peut avoir lair dun sarment de vigne florissant, voire fécond, mais en réalité toute cette vie nest quapparence. Et lui-même en est conscient. Il ne saisit peut-être pas tout ce qui se rapporte à son état, mais il sait lessentiel : que sur un point précis, une ou plusieurs fois dans sa vie, il a dit non à Dieu. Un non qui ne se laisse pas effacer par la contrition et la confession et qui décide du sens et de lorientation de toute son existence. Cette part de lui-même qui importait à Dieu, il la lui a soustraite. Cest justement la partie par laquelle il aurait pu être fécond pour lÉglise. Il sagit de ce don tout à fait personnel qui, dans la communauté, aurait fait jaillir une source de vie. LÉglise est incapable de constater doù lui vient sa déficience ; elle ne dispose daucun contrôle sur les origines de la vie chrétienne en elle ; cest Dieu qui y dépose le grain vivant. Mais celui qui dit non sait que par sa faute la vigne na pu faire pousser un sarment que Dieu avait prévu.
Saint Thomas dAquin, Commentaire sur saint Jean, ch 15, v. 3
"Déjà, vous êtes purs, à cause de la parole que je vous ai annoncée." En effet, en nous instruisant, la parole du Christ purifie dabord des erreurs (cf. Tt 1, 9)
; ensuite, elle purifie les curs des attachements terrestres en les enflammant pour les choses du ciel
; enfin, la parole purifie par la force de la foi, car " il a purifié leur cur par la foi " (Ac 15, 9).
Da Vinci Code de Dan Brown
Selon "Newsweek ", lévénement le plus important de lannée 2006 sera la sortie ce 17 mai en introduction au festival de Cannes du film à gros budget inspiré du livre " Da Vinci Code ". Il sagit dune production de Sony-Columbia avec Tom Hanks et Audrey Tautou dans les rôles principaux.
À cette occasion de nombreuses initiatives, fermes autant que pacifiques, ont été suscitées de la part de revues, de communautés et d'auteurs chrétiens. En voici quelques exemples :
- Patrice de Plunkett, Opus dei, enquête sur le monstre, Presses de la renaissance, 17 mai 2006, 18,05 . Sortie le 18 mai.
- Roland Hureaux, Jésus et Marie-Madeleine, Perrin, "Tempus", 2006.
- La revue "Famille chrétienne consacre aussi trois numéros à cette "mystification" : "Les élucubrations de Dan Brown sur les prétendus " secrets " de l'Eglise, la personne de Jésus, ses liens avec Marie Madeleine, " l'invention " du christianisme par l'empereur Constantin ou encore les noirs desseins prêtés à lOpus Dei, auront un impact redoublé sur des spectateurs nayant, majoritairement, quune vague idée de la religion catholique. On peut s'en désoler. On peut se dire aussi qu'une opportunité nous est donnée de montrer le vrai visage de lEglise. Non seulement celle-ci na rien à cacher, mais elle s'expose pour annoncer le salut en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Dailleurs notre sondage montre aussi que si 30% des personnes ayant lu Da Vinci croient que son fondement est " plutôt vrai ", 30% le jugent " complètement faux ". Sans préjuger de leffet que produira le film, ce " ballottage " nouvre-t-il pas des pistes à une stratégie de communication -ou pour mieux dire : dévangélisation ? Cest dans lesprit du judo ce sport de combat non violent qui consiste à retourner contre lui la force de l'adversaire que nous avons conçu notre réplique au Da Vinci Code. Ce feuilleton (enquêtes, interviews, chroniques
) courra sur quatre numéros (13, 20, 27 mai et 4 juin)." (P. Oswald, dans un entretien accordé à ZENIT.org le 5 mai 2006) On pourra les recevoir gratuitement en inscrivant sa demande sur le site www.davincicode-laverite.com/ (uniquement pour la France métropolitaine !). Le premier numéro vient de sortir. Vous pouvez le feuilleter en ligne à la même adresse.
- La revue mensuelle " Il est vivant ! ", de la communauté de l'Emmanuel, propose un numéro spécial gratuit http://www.ilestvivant.com/actu/article.php3?id_article=179.
- Le livre du Père Joseph-Marie VERLINDE, Les impostures anti-chrétiennes, Des apocroyphes au Da Vinci code, vient de paraître le 4 mai dernier aux Presses de la Renaissance.
- Ensuite, Jean-Yves Riou publie : " Da Vinci Code, les coulisses dune fiction ", Editions CLD, 200 pages, 17 euros en librairie le 11 mai).
- Le Père Sesboüé publie " Da Vinci Code expliqué à ses lecteurs " (éditions du Seuil, 6 euros), un ouvrage " pour décoder Da Vinci Code sous l'angle du christianisme ". Pour en savoir plus, on peut écouter linterview réalisée pour croire.com par Catherine Sesboüé (www.croire.com).
- Le portail " jeunes " de la conférence des évêques de France signale différents points de rencontre en ligne, en papier, en direct ou non, pour rétablir la vérité par rapport aux inventions du romancier dan Brown (inxl6.org).
- Le site de la conférence des évêques de France consacre également une page au phénomène de cette recherche de la vérité déchaînée par le succès de librairie et son adaptation au cinéma t (http://www.cef.fr/catho/actus/dossiers/2006/davincicode/index.php).
- Un groupe de séminaristes de Caen ont fait un DVD que l'on peut commander au prix de 20 euros. Point de vente à Caen, librairie Publica, rue St Jean, 15 euros. Ce DVD a été produit par le centre détudes théologiques de Caen.
Enfin un site web : http://www.davinci-codex.com
Le roman autant que le film nous interpelle tous et nous provoque à un examen de conscience. Si Dan Brown connaît autant de succès, c'est aussi grâce à l'ignorance coupable de tant de chrétiens qui ne connaissent plus l'histoire de leur famille, l'Église. Mais comme vous le voyez, les occasions qui nous sont offertes pour combler les lacunes sont nombreuses. Si le portail " jeunes " de la conférence des évêques de France a pu titrer "Merci, Dan Brown", disons merci aussi à tous ceux qui nous aident par leur travaux à obéir à S. Pierre: "Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect." (1 P 3, 15-16)
Saint Augustin, Lettre 61 à Théodore
Donat soutenait que la validité d'un sacrement dépendait de la conduite morale de celui qui l'administrait. Les donatistes refusaient de réadmettre dans l'Église les "traditeurs", ceux qui avaient remis ("tradere" en latin) les livres des Saintes Écritures aux autorités civiles pour échapper à la persécution religieuse. Dans cette lettre, saint Augustin fait preuve de l'amour de la vérité autant que de la vérité de l'amour.
"Tu mas demandé comment nous recevrions les clercs donatistes qui voudraient rentrer dans lÉglise catholique, à quoi je tai répondu par une lettre, afin que si quelquun tinterrogeait à ce sujet, tu puisses montrer, par un écrit de ma main, ce que nous pensons.
Sache donc que nous ne détestons en eux que leur séparation qui les a rendus schismatiques ou hérétiques et qui les a éloignés de lunité et de la vérité de lÉglise catholique. Nous les condamnons parce quils ne sont pas en paix avec le peuple de Dieu, répandu sur toute la terre, et quils ne reconnaissent pas le baptême du Christ dans ceux qui lont reçu. Voilà le mal et lerreur que nous blâmons en eux, mais en eux aussi nous reconnaissons, nous aimons, nous respectons ce quil y a de bien : le nom de Dieu et son sacrement. Cest cela qui nous afflige et nous fait désirer de les gagner à Dieu par lamour du Christ, afin que ce sacrement quils ont pour leur perte hors de la paix de lÉglise, ils puissent lavoir pour leur salut dans la paix de lÉglise.
Si on parvenait à détruire le mal qui vient des hommes, pour honorer dans les hommes le bien qui vient de Dieu, alors on verrait régner partout une concorde fraternelle, lamitié, la paix, et la charité du Christ lemporterait dans les curs aux suggestions du mauvais.
Lorsque des donatistes viennent à nous, nous naccueillons pas ce quil y a de mal, cest-à-dire leur séparation, leur égarement, mais tout en rejetant leur hérésie comme un obstacle à la concorde, nous les embrassons comme des frères et nous demeurons avec eux, comme dit lApôtre, dans lunité de lesprit et dans le lien de la paix.
Nous reconnaissons en eux les biens qui viennent de Dieu : la sainteté du baptême, la bénédiction d elordination, la profession du célibat, le vu de chasteté, la foi en la Trinité. Ces dons spirituels et dautres semblables demeuraient stériles en eux, parce quils nétaient pas vivifiés par la charité. Qui peut prétendre avoir la charité du Christ en ne gardant pas lunité ?
En rentrant dans lÉglise, ils reprennent racine dans la charité par le lien de la paix et lunité de lesprit
Les sarments ne doivent pas se glorifier dêtre du bois de la vigne et non de celui des ronces, car sils ne sont pas unis à la racine, recevant delle leur sève et leur vie, ils seront, malgré lapparence, jetés au feu. Mais lApôtre a dit de ces branches brisées que " Dieu est assez puissant pour les enter de nouveau " (Rm 2).
Ainsi donc, très cher frère, si tu vois quelques clercs donatistes doutant du rang quils occuperaient parmi nous, montre-leur cette lettre que tu reconnais bien comme écrite de ma main. Quils la gardent même, sils le veulent. Car je prends Dieu à témoin, sur mon âme, que je les recevrai, en leur conservant non seulement le baptême du Christ quils ont reçu, mais encore le rang quils peuvent avoir dans lordination ou dans la profession du célibat."
Vatican II, Apostolicam Actuositatem, 4
Le Christ envoyé par le Père, étant la source et lorigine de tout lapostolat de lÉglise, il est évident que la fécondité de lapostolat des laïcs dépend de leur union vitale avec le Christ, selon cette parole du Seigneur : " Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits. Car sans moi vous ne pouvez rien faire " (Jn 15, 5). Cette vie dintime union avec le Christ dans lÉglise est alimentée par des nourritures spirituelles communes à tous les fidèles, en particulier par la participation active à la Sainte Liturgie. Les laïcs doivent les employer de telle sorte que, remplissant parfaitement les obligations du monde dans les conditions ordinaires de lexistence, ils ne séparent pas lunion au Christ et leur vie, mais grandissent dans cette union en accomplissant leurs travaux selon la volonté de Dieu. Cest de cette manière que les laïcs progresseront en sainteté avec ardeur et joie, sefforçant de surmonter les difficultés inévitables avec prudence et patience. Ni le soin de leur famille, ni les affaires temporelles ne doivent être étrangers à leur spiritualité, selon ce mot de lApôtre : " Tout ce que vous faites, en paroles ou en uvres, faites-le au nom du Seigneur Jésus-Christ, rendant grâces par Lui à Dieu le Père " (Col 3, 17).
Une telle vie exige un continuel exercice de la foi, de lespérance et de la charité.
Seules la lumière de la foi et la méditation de la Parole de Dieu peuvent permettre toujours et partout de reconnaître Dieu " en qui nous avons la vie, le mouvement et lêtre " (Ac 17, 28). Cest ainsi seulement que lon pourra chercher en tout sa volonté, discerner le Christ dans tous les hommes, proches ou étrangers, juger sainement du vrai sens et de la valeur des réalités temporelles, en elles-mêmes et par rapport à la fin de lhomme
Cette spiritualité des laïcs doit revêtir des caractéristiques particulières suivant les conditions de vie de chacun : vie conjugale et familiale, célibat et veuvage, état de maladie, activité professionnelle et sociale. Chacun doit développer sans cesse les qualités et les dons reçus et en particulier ceux qui sont adaptés à ces conditions de vie et se servir des dons personnels de lEsprit-Saint.