Ce premier tome de "Jésus de Nazareth" s'achève sur une méditation des "titres" christologiques que les Évangiles ont mis dans la bouche de Jésus
«Jetons un regard en arrière. Nous avons trouvé trois expressions dans lesquelles Jésus à la fois voile et dévoile son propre mystère : “Fils de l’homme”, “Fils”, “Je suis.” Ces trois expressions manifestent son profond enracinement dans la Parole de Dieu, la Bible d’Israël, l’Ancien Testament. Mais c’est en lui seulement que ces trois expressions prennent tout leur sens, comme si elles l’avaient pour ainsi dire attendu.
Ces trois expressions révèlent l’originalité de Jésus, sa nouveauté, sa caractéristique exclusive, à laquelle il n’y a pas de dérivé ultérieur. Aussi ces trois expressions ne sont-elles possibles que dans sa bouche. Au centre, on trouve le mot de la prière, le mot “Fils”, auquel correspond le mot de l’interpellation Abba-Père. Aucune des trois expressions ne pouvait donc devenir, en l’état, un langage de profession de foi de la “communauté”, de l’Église naissante.
L’Église naissante a placé le contenu de ces trois expressions centrées sur “le Fils” dans la locution “Fils de Dieu”, la détachant ainsi définitivement de ses origines mythologiques et politiques. Sur la base de la théologie de l’élection d’Israël elle acquiert maintenant une signification tout à fait nouvelle, qui avait été préfigurée dans les discours où Jésus parlait en tant que Fils et “Je suis”.
Il a fallu bien des processus complexes et laborieux de distinction et de lutte pour clarifier complètement cette nouvelle signification et la préserver des interprétations mythologiques et polythéistes aussi bien que politiques. Pour ce faire, le premier concile de Nicée (325) a recouru à l’adjectif “consubstantiel” (homoousios). Loin d’helléniser la foi, de la charger du poids d’une philosophie qui lui serait étrangère, ce mot a justement retenu l’incomparable nouveauté, l’incomparable différence apparue dans les dialogues de Jésus avec son Père. Dans le symbole de Nicée, l’Église ne cesse d’affirmer ce que Pierre disait à Jésus : “Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant” (Mt 16, 16). »