Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par Walter Covens

2. Regarde la foi de ton Eglise

    L'Eglise est, selon l'expression du Concile, une « communauté de foi, d'espérance et de charité » (LG 8, cit. CEC 771). Cette définition précède toutes les autres définitions relatives au mystère de l'Eglise. Nous allons réfléchir sur la «manifestation» de l'Eglise par l'Esprit Saint. Nous pourrions évoquer de nombreux aspects de cette manifestation publique de l'Eglise. «L'Eglise, rappelle le premier Concile du Vatican, en raison de sa sainteté, de son unité catholique, de sa constance invaincue, est elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité et une preuve irréfragable de sa mission divine. » (Denzinger-Schönmetzer (DS), Enchiridion Symbolorum, definitionum et declarationum de rebus fidei et morum, 3013 ; cit. CEC 812) Mais dans la perspective d'ensemble de cette retraite, ce sont moins ces signes extérieurs que le principe de vie intérieur de l'Eglise qui doit retenir notre attention.

«L'âme» de l'Eglise, c'est le Saint-Esprit. «C'est à l'Esprit du Christ comme à un principe caché qu'il faut attribuer que toutes les parties du Corps soient reliées, aussi bien entre elles qu'avec leur Tête suprême, puisqu'il réside tout entier dans la Tête, tout entier dans le Corps, tout entier dans chacun de ses membres. » (PIE XII, Mystici Corporis ; DS 3808 ; cit. CEC 797)

L'Esprit Saint est « le Principe de toute action vitale et vraiment salutaire en chacune des diverses parties du Corps » (Mystici Corporis, cit. CEC 798).

C'est pourquoi le cardinal Charles Journet, le grand théologien de l'Eglise, appelle l'Esprit Saint «l'âme incréée de l'Eglise», c'est-à-dire l'âme divine de l'Eglise, alors qu'il voit dans l'amour « l'âme créée de l'Eglise »(Cf. C. JOURNET, Théologie de l'Eglise, Desclée, 1987). Parmi toutes les actions vitales et vraiment salutaires opérées par l'Esprit Saint dans l'Eglise et en chacun de ses membres, les vertus théologales prédominent (Cf. CEC 798), car elles « se réfèrent directement à Dieu. Elles disposent les chrétiens à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Elles ont Dieu Un et Trine pour origine, pour motif et pour objet » (CEC 1812). «Les vertus théologales fondent, animent et caractérisent l'agir moral du chrétien. Elles informent et vivifient toutes les vertus morales. Elles sont infusées par Dieu dans l'âme des fidèles pour les rendre capables d'agir comme ses enfants et de mériter la vie éternelle. Elles sont le gage de la présence et de l'action du Saint-Esprit dans les facultés de l'être humain »(CEC 1813).

La «manifestation» décisive de l'Eglise, par la puissance de l'Esprit Saint, c'est donc ce que les théologiens appellent «la vie théologale»: la foi, l'espérance et la charité, ces vertus qui nous rendent «participants de la divine nature» (2 P 1, 4), qui nous «mettent en communion avec Jésus-Christ » (CEC 143).

Les trois prochaines méditations seront ainsi consacrées aux vertus théologales. Au long de ce parcours, nous ne pourrons faire qu'un nombre limité de suggestions pour notre méditation personnelle, tirées de ce vaste domaine constitué par la foi, l'espérance et la charité. Et nous nous intéresserons d'abord à la foi.

«Par la foi l'homme soumet complètement son intelligence et sa volonté à Dieu. De tout son être l' homme donne son assentiment à Dieu Révélateur. L'Ecriture Sainte appelle "obéissance de la foi" cette réponse de l'homme au Dieu qui révèle. » (CEC 143) C'est la « définition» que le Catéchisme donne de la foi. Elle est reprise presque textuellement de Dei Verbum. Mais on lui a reproché d'être trop intellectuelle, trop volontariste, de ne pas mettre suffisamment en relief la confiance. Peut-être en effet ne met-elle pas assez en exergue le fait que le consentement de la raison et de la volonté ne résulte pas seulement des efforts de la volonté et de l'intelligence humaines. Dans l'acquiescement, l'« assensus» de la foi, il y a plus: on y «touche» vraiment Dieu, il y a un contact réel, une véritable participation à Dieu. C'est là ce que les vertus théologales ont d'incomparable: elles « atteignent » réellement Dieu. Une «union vitale» avec le Dieu vivant, le DieuTrinité, s'instaure en elles et par elles. C'est pourquoi les vertus théologales sont «le milieu de vie» de l'Eglise, quand celle-ci est vraiment «le Peuple qui tire son unité de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint » (S. CYPRIEN, cit. CEC 810).

S. Jean de la Croix peut ainsi affirmer: «La foi nous communique et nous donne Dieu lui-même.» (Cantique spirituel A, str. Il, dans op. cit., p. 397) Pour la même raison, il dit encore que la foi «est le seul moyen prochain de l'union avec Dieu et le seul qui lui soit proportionné » (La montée du Carmel, 1. 2, c. 9, id., p. 663). On comprend aussi pourquoi S. Thomas peut écrire que la foi est l'inchoatio visionis, le commencement - certes encore obscur - de la vision béatifique (Summa theologiae, lIaIIae, q. 4, a. 1 ; cf. CEC 163). Car, de la même manière que celle-ci nous unira totalement à Dieu, la foi nous unit déjà à lui. Il n'y a pas de différence de nature entre la vision et la foi. Toutes deux nous unissent à Dieu, la foi dans l'obscurité du cheminement terrestre, la vision dans la clarté de la lumière éternelle.

Le grand cadeau du Carmel à l'Eglise, ce n'est pas seulement le nombre de saints formés à son école - si nombreux qu'un dominicain pourrait en être jaloux! C'est aussi la pratique de l'oracion, de la prière intérieure, vécue et enseignée par ces saints. Qu'est-ce que ['oracion ? Tout simplement un «contact vivant avec Dieu». Un grand maître du Carmel en ce siècle, le fondateur de l'Institut séculier Notre-Dame de Vie, le P. Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus (sa béatification est attendue pour bientôt) utilise cette image concrète pour décrire l'oraison: lorsque je fais naître en moi un acte de foi, mon âme «touche» Dieu aussi infailliblement que ma main se mouille lorsque je la plonge dans l'eau. Quel que puisse être mon état physique ou psychique, « je sais, dit en substance sainte Thérèse d' Avila, que je peux me mettre en relation avec Dieu par un simple acte de foi » ( Cf. Le chemin de la perfection, c. 28, dans Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1949, p. 711).

Mais le propre des vertus théologales, c'est d'être inaccessibles à ['expérience humaine. Ai-je la foi? Ai-je l' espérance et la charité? Je ne peux pas le savoir en me fiant à ce que je ressens, à mon expérience psychique. La vie divine est cachée en nous, mais pas moins réelle pour autant. Le P. Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus affirme: « Quelle que soit la perception psychologique ou l'absence de perception, en disant "Je crois ... sur l'autorité de Dieu" l'âme fait un acte surnaturel, la vertu de foi est entrée en action. » (Je veux voir Dieu, déjà cité, p. 464)

Et voici la leçon du Catéchisme: «Le motif de croire n'est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle. Nous croyons "à cause de l'autorité de Dieu même qui révèle et qui ne peut ni se tromper ni nous tromper". » (VATICAN 1; DS 3008; cil. CEC 156)

Croire parce que Dieu est Dieu, donc infiniment crédible : c'est là le fondement de notre foi. Mais ce qui rend cela possible, c'est Dieu lui-même qui le donne: «Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit pour toucher le cœur et le tourner vers Dieu, pour ouvrir les yeux de l'esprit et donner "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité". » (DV 5, cf. CEC 153)

C'est pourquoi accorder sa foi à Dieu, reconnaître qu'il est vraiment Dieu, c'est déjà le célébrer, l'adorer: «Je sais en qui j'ai mis ma foi» (2 Tm 1, 12). Pour cette raison il est si important que notre prédication parle de la vertu théologale de la foi et invite à l'accueillir. C'est là une nourriture substantielle pour les croyants.

Le Catéchisme enseigne que nous prêtons foi à Dieu: «La foi est certaine, plus certaine que toute connaissance humaine, parce qu'elle se fonde sur la Parole même de Dieu, qui ne peut pas mentir. Certes, les vérités révélées peuvent paraître obscures à la raison et à l'expérience humaines, mais "la certitude que donne la lumière divine est plus grande que celle que donne la lumière de la raison naturelle" (THOMAS D'AQUIN, Summa theologiae, lIa llae, q. 171, a. 5, obj. 3). "Dix mille difficultés ne font pas un seul doute". » (CEC 157, avec, à la fin, une citation de J. H. NEWMAN)

S. Jean de la Croix a défini pour cette raison la foi comme « un habitus de l'âme, certain et obscur » (La montée du Carmel, 1. 2, c. 3, dans op. cit., p. 636).

«Lumineuse de par Celui en qui elle croit, la foi est vécue souvent dans l'obscurité. Elle peut être mise à l'épreuve. Le monde en lequel nous vivons semble souvent bien loin de ce que la foi nous assure; les expériences du mal et de la souffrance, des injustices et de la mort paraissent contredire la Bonne Nouvelle; elles peuvent ébranler la foi et devenir pour elle une tentation. » (CEC 164)

Dans la tentation, tournons-nous vers les témoins de la foi: Abraham qui, «espérant contre toute espérance» (Rm 4, 18), crut, mais surtout Marie qui, selon l'expression du Concile, a effectué «le pèlerinage de la foi » (LG 58, cit. CEC 165). Le Saint Père évoque les longues années de la vie cachée dans la maison de Nazareth, des années durant lesquelles Marie « est au contact de la vérité de son Fils seulement dans la foi et par la foi ». Et il parle d'une «sorte de "nuit de la foi" » de -Marie, semblable à «un "voile" à travers duquel il faut approcher l'Invisible et vivre dans l'intimité du mystère » (Lettre encyclique Redemptoris Mater, 17). La petite sainte Thérèse dit explicitement que Marie a connu « la nuit de la foi » "Pourquoi je t'aime, ô Marie !", Poésie 54, str. 15, dans op. cit., p. 753). Durant les longs mois de sa «nuit obscure », elle a fait elle-même l'expérience de ce dont elle parle dans cette poésie: une foi assurée et sereine peut accompagner l'obscurité de l'âme la plus profonde. Les Novissima verba transmettent ces paroles de sainte Thérèse: «J'ai lu un beau passage dans les Réflexions de l'Imitation. (...) Notre Seigneur au Jardin des Oliviers jouissait de toutes les délices de la Trinité, et pourtant son agonie n'en était pas moins cruelle. C'est un mystère, mais je vous assure que j'en comprends quelque chose par ce que j'éprouve moi-même » (Le Carnet jaune de Mère Agnès, 6 juillet 1897, "Dernierrs entretiens", dans op. cit. , p. 1025)

La foi théologale est-elle ce contact vivant avec Dieu, créant une vraie communion de vie avec lui? On peut comprendre dès lors pourquoi cette vertu est nécessaire pour obtenir la vie éternelle: «Or sans la foi il est impossible de lui plaire» (He 11, 6). «Personne, à moins qu'il n'ait "persévéré en elle jusqu'à la fin" (Mt 10, 22 ; 24, 13), n'obtiendra la vie éternelle. » (VATICAN l ; DS 3012 ; cit. CEC 161)

La reconnaissance de notre faiblesse nous commande d'implorer la grâce de la persévérance dans la foi. Mais plus encore l'exigence de rester fidèle à l'amour de Dieu, de ne pas trahir la fidélité de Dieu : « Combats le bon combat, possédant foi et bonne conscience; pour s'en être affranchis, certains ont fait naufrage dans la foi» (1 Tm 1, 18-19) (Cit. CEC 162).

Je me souviens de la rencontre avec le cardinal Ignace Gon Pin-mei, évêque de Shanghai. Lors de son premier voyage à Rome et à Lourdes, lui qui avait passé trente deux ans en prison pour être resté fidèle au pape et qui était alors âgé de 87 ans, dit, à la fin de l'entrevue, qu'il avait une seule prière à adresser à ceux qui étaient là : « Priez pour moi, pour que je reste fidèle dans la foi jusqu'à la fin! »

« Seigneur, ne regarde pas nos péchés, mais la foi de ton Eglise! » Face aux menaces de l'intérieur et de l'extérieur qui pèsent sur notre foi, gardons les yeux fixés sur « la foi de ton Eglise ». «Nul ne peut croire seul, comme nul ne peut vivre seul. Nul ne s'est donné la foi à lui-même, comme nul ne s'est donné la vie à lui-même. ( ... ) Je ne peux croire sans être porté par la foi des autres et, par ma foi, je contribue à porter la foi des autres. » (CEC 166)

Ma foi, notre foi ne sont pas à proprement parler ma foi, notre foi, mais la foi de l'Eglise. C'est elle qui dit «credo» et je ne peux le dire qu'avec elle. «C'est d'abord l'Eglise qui croit, et ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. » (CEC 168)

« "Je crois" : c'est aussi l'Eglise, notre Mère, qui répond à Dieu par sa foi et qui nous apprend à dire: "Je crois", "Nous croyons". » (CEC 167)

Sa foi ne sera pas ébranlée. Elle est «la colonne et le support de la vérité» (1 Tm 3, 15).

Christoph Schönborn, Aimer l'Église, Éd. Saint-Augustin/Cerf 1998, p. 120-127)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article