Cher lecteur de Praedicatho,
Après mon article d'hier à propos de la non-participation de Benoît XVI à la consécration de la Russie et de l'Ukraine à "l'Immaculé Cœur de Marie", je vous livre aujourd'hui la traduction de l'article d'Andrea Cionci sur le sujet. Je précise néanmoins que Mgr Bergoglio, sous la pression du New York Times et du journal Le Monde, notamment, ainsi que du cardinal Tagle, président de Caritas Internationalis, a renoncé à la consécration exclusive de la Russie et de l'Ukraine, pour ne pas prêter le flanc aux critiques d'européicentrisme. En effet, à la fin de l'Angélus dominical il a déclaré :
Invito ogni comunità e ogni fedele a unirsi a me venerdì 25 marzo, Solennità dell’Annunciazione, nel compiere un solenne Atto di consacrazione dell’umanità, specialmente della Russia e dell’Ucraina, al Cuore immacolato di Maria, affinché Lei, la Regina della pace, ottenga al mondo la pace.
Ma traduction :
J'invite chaque communauté et chaque fidèle à se joindre à moi le vendredi 25 mars, solennité de l'Annonciation, pour accomplir un acte solennel de consécration de l'humanité, en particulier de la Russie et de l'Ukraine, au Cœur Immaculé de Marie, afin qu'elle, la Reine de la paix, obtenez la paix pour le monde.
Sur ce, BONNE LECTURE !
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Écrit par Andrea Cionci (21/03/2022) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
Hier est tombée la nouvelle selon laquelle "le pape émérite Benoît XVI SE JOINDRA À L'APPEL À LA PRIÈRE du pape François concernant la consécration de la Russie et de l'Ukraine au Cœur Immaculé de Marie". ICI
Par conséquent, il NE PARTICIPERA PAS directement à la consécration et NE SERA PAS PHYSIQUEMENT PRÉSENT lors de la cérémonie dans la basilique Saint-Pierre. Il "rejoindra l'appel", et non "l'intention", c'est-à-dire qu'il "répondra à l'appel" de Bergoglio, dans la prière. Mais COMMENT va-t-il s'y prendre ?
Ainsi, a priori deux possibilités se présentent : on peut croire que le Pape Benoît adhère volontiers à l'initiative de François, (peut-être, en rendant la consécration valide ?) ou, comme nous l'expliquent les théologiens, que celui-ci, au contraire, exerçant son pouvoir "kathécratique", entend atténuer par une PRIÈRE DE RÉPARATION, la grave "provocation céleste" mise en place par Bergoglio.
Pour ce que nous en savons, Benoît XVI, dans l'intimité de sa chapelle, pourrait très bien accomplir une prière spécifique pour réparer l'offense faite à Marie Très Sainte, qui, selon l'apparition de Fatima, a demandé AU PAPE LEGITIME la consécration de la seule Russie.
Encore une fois, c'est à vous de choisir votre camp : croire la première ou la deuxième possibilité, mais vous avez une énième démonstration que le Pape Benoît laisse une fois de plus la double interprétation ouverte, afin que seul "celui qui a des oreilles puisse entendre". Et pourtant, cette ambiguïté constante, impensable pour un grand théologien toujours très clair et précis, en dit long : si ce qu'une personne dit peut être interprété de deux manières opposées à chaque fois, il y a évidemment quelque chose qui ne va pas, n'est-ce pas ? Cette attitude ne peut s'expliquer que par la réalité canonique objective de la sede impedita, sur laquelle nous avons longuement écrit ICI .
Par une étrange coïncidence, cette nouvelle est arrivée alors que nous étions en train de terminer cet article consacré précisément à la prétendue concorde entre le pape Benoît et Bergoglio : RIEN N'EST COMME IL PARAÎT.
Il y a quelques jours, nous avons reçu un courriel à l'adresse de la demande, codiceratzinger@libero.it, d'une dame qui se disait très désorientée par la lecture, au chapitre 3 du livre-interview de Peter Seewald "Dernières conversations" (Arthème Fayard 2016), de soi-disant "ÉLOGES" du pape Benoît XVI à Bergoglio.
Nous traiterons de ces phrases en pur "Ratzinger Code" : comme nous l'illustrerons, avec les commentaires du professeur Gian Matteo Corrias, latiniste et essayiste historico-religieux, les expressions apparemment élogieuses que le vrai pape in sede impedita réserve à son impétrant, en réalité, elles ne le sont pas. Au contraire, on peut y lire un sous-texte opposé - et, parfois, très savoureux - obtenu grâce à l'utilisation fréquente d'amphibologies (expressions à double sens) et à un équilibre syntaxique logique et subtil inspiré de la communication du Christ avec ses accusateurs ICI .
Bien sûr, un langage aussi subtil ne peut être saisi que lorsqu'on a compris la vérité canonique incontestable et jamais réfutée : Benoît XVI, en renonçant en 2013 de manière différée au ministerium, n'a pas abdiqué, mais est entré in sede impedita (canon 412), un statut juridique où le pape est prisonnier, mais reste toujours le seul pape légitime. Et pensez-vous que ce soit une coïncidence que les canonistes de Bologne aient récemment inauguré un groupe d'étude sur le pape émérite et le pape empêché ? ICI .
Par conséquent, Bergoglio s'est fait anti-pape en occupant le pouvoir sans avoir l'investiture d'origine divine (munus). Pour un examen plus approfondi de la question, nous vous renvoyons aux chapitres 1, 2, 5 et 6 de notre enquête que vous trouverez ICI en bas de page.
Sandro Magister l'a également compris en 2020 ICI : Benoît XVI et Bergoglio ne sont PAS CES AMIS que la fiction grand public nous a imposés, notamment avec cette mystification absurde et éhontée du film Netflix "Les deux papes" ICI .
Le problème est très différent : Benoît XVI "aime son ennemi" comme Jésus-Christ aimait Judas et, en fait, comme il l'a dit dans l'un de ses célèbres discours, il espère que Bergoglio pourra "avancer avec nous tous sur ce chemin de la Miséricorde Divine, en montrant le chemin de Jésus, vers Jésus, VERS DIEU", c'est-à-dire qu'il espère que Bergoglio pourra être pardonné par Dieu en faisant un sacrifice semblable à celui de Jésus quand, trahi par Judas, il est retourné vers le Père, (vers Dieu). Nous avons analysé ICI l'intervention du pape, centrée sur l'expression Eucharistomen .
Benoît XVI ne peut cependant pas mentir sur la véracité des faits. Tout d'abord, de manière chevaleresque, il reconnaît à l'homme Bergoglio (et non au pape) une certaine force de caractère et un remarquable esprit de décision sans toutefois leur donner un caractère positif ou bénéfique. Pour dire, même Wellington aurait pu reconnaître le charisme, les compétences stratégiques et la force de caractère de Napoléon, tout en le considérant comme l'ennemi n° 1.
Voici, en effet, ce qu'écrit le pape Ratzinger :
"Je l'ai connu comme un homme très décidé, qui, en Argentine, disait avec une grande détermination : ceci est fait et ceci n'est pas fait" ; "il y a aussi le courage avec lequel il affronte les problèmes et cherche des solutions".
Lisez-vous des indices montrant que les décisions de Bergoglio sont bien orientées, ou qu'il est un bon pape ? NON.
Dans le même chapitre, Benoît XVI souligne, à plusieurs reprises, l'attention que François porte aux "autres", c'est-à-dire la facilité avec laquelle il a réussi à s'attirer immédiatement la sympathie des masses :
"La MANIÈRE dont il a prié et parlé au cœur des gens a immédiatement déclenché l'enthousiasme" ; "La MANIÈRE dont il a prié pour moi, le moment de recueillement, puis la cordialité avec laquelle il a salué les gens, de sorte que l'étincelle a été, pour ainsi dire, immédiatement déclenchée".
L'étincelle s'est déclenchée ENTRE BERGOGLIO ET LE PUBLIC, pas entre Bergoglio et Benoît. Il s'agit donc d'observations neutres, objectives, sans aucune appréciation morale : le fait que Bergoglio soit un communicateur efficace ne fait certainement pas de lui un vrai pape, ni un ami.
Benoît XVI, en effet, ne précise jamais la qualité de cette "manière", comme le confirme le professeur Corrias :
Le trait distinctif des réponses de Ratzinger à Seewald est le fait indiscutable de s’arrêter à un pas de l’univocité, comme lorsqu'il souligne "la manière dont (Bergoglio) a prié, a parlé au cœur du peuple... a prié pour moi", sans jamais préciser quelle est cette manière et encore moins à quels contenus elle s'applique.
De prime abord on peut avoir l'impression que ces commentaires du Pape Benoît ont une valeur positive et flatteuse envers Bergoglio, mais c'est une illusion : il n'en est rien.
Benoît XVI reconnaît la capacité de M. Bergoglio à s'attirer la sympathie des foules, une aptitude qui aurait même pu lui être utile. Seewald demande :
"On dit que le bon Dieu corrige un peu chaque pape dans son successeur. Comment le pape François vous corrige-t-il ?
Benoît : (Rires.) "Je dirais avec son attention aux AUTRES. Je pense que c'est très important."
Et, encore une fois, le pape continue, en frappant la même touche :
"C'est une personne très DIRECTE avec ses pairs, habituée à être toujours avec les AUTRES" ; "son amabilité, son attention aux AUTRES (pas à Benoît, ndlr) sont des aspects de lui que je ne connaissais pas" ; "Je trouve positif qu'il soit si direct avec les AUTRES". Je me demande, bien sûr, JUSQU'OÙ IL PEUT ALLER. Serrer deux cents mains ou plus chaque mercredi et ainsi de suite demande beaucoup de force. Mais laissons cela au bon Dieu.
Quoi donc ? Certainement pas la force de serrer la main, mais "jusqu'où il pourra aller" grâce à son être "direct avec les autres" qui se prévaut même - note le Pape, avec une pointe de sarcasme - des bains de foule.
En bref, la seule chose que Benoît XVI est capable de donner à son successeur légitime est la capacité de plaire aux foules et de gagner le consensus. Des allusions à la hauteur de son magistère, de sa sainteté ou de sa capacité à gouverner ? INFÉRIEUR À ZÉRO. Et attention : le fait qu'il s'appelle "Pape François" n'implique pas du tout qu'il EST un pape légitime, comme nous l'avons déjà souligné ICI .
Ensuite, les amphibologies reviennent lorsque Seewald lui offre le droit au calembour (NDT : en français dans le texte) raffiné sur la mozzetta rouge, que nous avons écrit ICI, avec lequel Benoît explique logiquement que Bergoglio s'est abusivement habillé en blanc, en tant que pape, ne se contentant pas de la mozzetta rouge DE CARDINAL qui lui revient.
Mais immédiatement après, nous lisons :
"Il ne voulait pas de la mozzetta. Cela ne m'a pas touché le moins du monde. Ce qui m'a touché, en revanche, c'est que même avant de quitter le pavillon, il a voulu m'appeler, mais il n'a pas pu me trouver car nous étions devant la télévision".
L'amphibologie porte sur le double sens de "touché", c'est-à-dire affecté/touché (également double en allemand avec berürht). Le fait que Bergoglio n'ait pas voulu porter la mozzetta rouge pontificale - explique-t-il - ne l'a pas dérangé le moins du monde (Bergoglio n'a pas été élu pape), mais Benoît a été choqué (selon le même sens premier de "touché") par le fait que Bergoglio lui ait téléphoné avant d'être annoncé au monde comme pape.
Le professeur Corrias confirme :
"Il est clair que le sens de ce "touché" est celui de "contrarié"".
Et c'est tout à fait compréhensible, étant donné que Bergoglio et Ratzinger étaient concurrents même lors du conclave de 2005, comme il le raconte lui-même dans son livre, et que la mafia de Saint-Gall voulait que Benoît XVI abdique, comme nous l'avons enquêté ICI et ICI, alors qu'il a ensuite librement choisi de s'exiler in sede impedita.
A propos du pseudo-conclave de 2013, le Pape Benoît n'est que trop explicite :
"Le Collège des Cardinaux est libre et a ses RITUELS".
C'est-à-dire que les cardinaux ont créé un conclave nul, (Benoît n'a pas abdiqué) qui n'était que leur rituel et n'a pas élu de vrai pape.
Dans ce même troisième chapitre, il y a ensuite un passage clé :
"En prenant congé de la curie, comment pourrait-il ensuite jurer une obéissance absolue à son futur successeur ?
"Le pape est le pape, peu importe qui l'est".
Le professeur Corrias commente encore :
Le sibyllin "le pape est le pape" est d'un intérêt considérable, car l'implication "et donc je ne lui ai pas prêté serment d'allégeance" s'inscrit dans le cadre interprétatif, solidement établi par la suite, de la condition du Siège empêché prévue par le Code de droit canonique".
Et en fait, pour le public d'aujourd'hui, il importe peu de savoir lequel des deux est le vrai pape, n'est-ce pas ?
Ce passage est encore plus spirituel :
"N'avez-vous même pas reçu à l'avance la première exhortation apostolique du pape François, Evangelii gaudium ?".
"Non. Mais il m'a écrit une très belle lettre personnelle avec sa petite écriture. Elle est beaucoup plus petite que la mienne. En comparaison mon écriture est très grande".
Nous avons soumis la phrase - comme si elle appartenait à un échange entre deux intellectuels anonymes - à un groupe social de perplexes qui ont immédiatement compris que derrière la note matérielle insipide de l'écriture, il y a une ironie savoureuse. En d'autres termes : les choses que Bergoglio écrites sont si petites qu'en comparaison avec lui, le magistère du théologien Ratzinger est énorme.
Benoît XVI dit ensuite plus explicitement :
"J'ai reçu l'exhortation apostolique sous une forme particulière. Et aussi relié en blanc, ce qui est généralement fait UNIQUEMENT POUR LE PAPE".
Le sous-entendu est très clair : ils m'ont donné le document relié en blanc, parce que je suis le pape.
Il ajoute :
"Quand je lis ses écrits, Evangelii Gaudium, ou même les interviews, je vois que c'est un homme RÉFLÉCHI, qui médite sur les questions d'actualité" ; "Il est certainement aussi un pape qui RÉFLÉCHIT".
En soi, cela n'a aucun mérite moral : même un ennemi peut être réfléchi, et les résultats des réflexions de Bergoglio pourraient être totalement erronés. En outre, le mot répété deux fois suggère précisément ce mécanisme de "miroir" du système anti-usurpation dont nous avons parlé ICI le pape illégitime qui a pris le ministerium petrino n'est qu'un reflet, une image inversée et illusoire du vrai pape qui conserve le munus.
En bref, Benoît XVI était heureux que, de ce conclave invalide - le "rituel" des cardinaux - soit sorti un antipape comme Bergoglio, car l'attitude de l'homme (sur lequel il n'exprime aucun jugement moral positif sans ambiguïté) le révèle très clairement, au monde, pour ce qu'il n'est pas :
"Quand j'ai entendu le nom, j'ai d'abord été incertain. Mais quand j'ai vu comment il s'adressait à Dieu d'une part et aux hommes d'autre part, j'étais vraiment content. Et heureux."
Si un personnage plus subtil et apparemment plus orthodoxe était apparu, il aurait été très difficile de le distinguer du vrai pape, l'émérite.
Toute la Magna Quaestio est basée, en fait, sur un énorme malentendu : que Benoît XVI a abdiqué, alors qu'il est resté le seul vrai pape, l'émérite, (de emereo) c'est-à-dire celui qui mérite, qui a le droit d'être pape, un titre (non canonique, mais seulement qualificatif) qui le distingue comme le vrai pape dans le "ministère élargi" avec l'antipape.
Ainsi, ce passage manifestement allusif s'explique entièrement :
"Vous ne voyez donc pas de rupture avec son pontificat ?".
"Non. Bien sûr, on peut MAL INTERPRÉTER certains points et dire ensuite que les choses se passent maintenant tout à fait différemment. Si vous prenez des épisodes individuels et que vous les isolez, vous pouvez construire des contrastes, mais cela ne se produit pas lorsque vous considérez l'ensemble. L'accent est peut-être mis sur d'autres aspects, mais il n'y a pas d'opposition".
Il n'y a pas de rupture, car le pontificat de Benoît XVI se poursuit, même si c'est depuis le Siège empêché. Il n'y a pas de conflit parce que Benoît est le pape, le seul pape légitime dont parle l'archevêque Gänswein ICI .
La guerre en cours, entre un vrai pape qui s'est sacrifié pour purifier l'Église, et un anti-pape putschiste, est donc TOTALE et eschatologique, mais menée (pour l'instant) à un niveau raréfié, insaisissable pour les masses, aussi parce que le vrai pape est obligé :
1) d'aimer son ennemi
2) de ne pas pouvoir s'exprimer librement à cause du Siège empêché.
Il est cependant tout à fait évident que dans le prétendu éloge de Benoît XVI à l'égard de Bergoglio, on ne peut JAMAIS discerner un jugement positif sur le "pape François" qui n'envisage pas la possibilité d'une lecture opposée. Et cette éventualité certifie, pour la énième fois, la situation du Siège empêché, annulant toute vision qui pourrait, même de loin, ventiler une quelconque concorde ou complicité entre Benoît XVI et Bergoglio.
Ce n'est que dans le silence, dans l'ÉCOUTE véritable et profonde des paroles du pape que l'on peut comprendre ce qu'il veut vraiment dire.
Et la phrase qui, comme une dédicace, ouvre les Dernières Conversations est celle que Benoît XVI a prononcée le 23 février 2013, quelques jours seulement après sa retraite sur le siège interdit :
"Croire n'est rien d'autre que, dans l'obscurité du monde, toucher la main de Dieu et ainsi, dans le silence, ÉCOUTER la PAROLE, voir l'Amour ".
Ceux qui savent "écouter la parole" de Benoît XVI, pourront voir l'extraordinaire acte d'amour de ce pape gigantesque qui, par son sacrifice, a sauvé l'Eglise, et peut-être le monde entier.