Bien cher lecteur,
Voici un nouvel article, publié hier par Andrea Cionci, et dont je vous propose aujourd'hui une traduction française*.
Ne manquez pas de le lire avec la plus grande attention et de le partager largement avec vos contacts. Il s'agit d'une contribution majeure au dossier de la non renonciation de Benoît XVI, dont le génie apparaît de plus en plus au grand jour comme une marque singulière et comme une grâce insigne de la Providence.
Bonne lecture et union de prière "pro Pontifice nostro Benedicto".
Écrit par Andrea Cionci (14/02/2022) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
Il y a près d'un an, nous avons avancé ICI l'hypothèse que le "Plan B" canonique avait été préparé - selon un système "miroir" - il y a au moins 40 ans par le cardinal Ratzinger en accord avec le pape Jean Paul II. Nous découvrons aujourd'hui que nous avions raison : la confirmation vient de l'un des quatre ou cinq spécialistes du DROIT DYNASTIQUE UNIVERSEL existant dans le monde : Benoît XVI a importé dans le droit canonique de l'Église la dichotomie fondamentale munus/ministerium du DROIT DYNASTIQUE DES PRINCES ALLEMANDS (le fameux Fürstenrecht). Un excellent système anti-usurpation.
Auparavant, pour renoncer à la papauté, il suffisait que le pape renonce à la fonction papale.
Depuis 1983, le cardinal Ratzinger et le pape Wojtyla ont apporté un étrange changement au droit canonique : la fonction papale a été divisée en deux entités, le munus (titre divin) et le ministerium (exercice du pouvoir). En renonçant à ceci ou à cela, deux situations spéculaires et radicalement différentes se présentent. Si le pape renonce au munus simultanément et de manière ratifiée, c'est une ABDICATION (canon 332.2). S'il renonce au ministerium de manière différée et non ratifiée (comme l'a fait Benoît XVI), il tombe dans la SEDE IMPEDITA (canon 412), où le Pape est prisonnier, enfermé, non libre de s'exprimer, mais reste Pape à part entière.
Il n'y a pas de transitivité entre munus et ministerium : un pape peut être privé par la force de son pouvoir pratique (ministerium), peut-être par un coup d'État ou par des ennemis extérieurs, mais il reste toujours pape, tandis que celui qui ne détient que le pouvoir papal pratique n'acquiert pas automatiquement le munus, le titre de pape.
Un système de MIROIR où il existe un sujet, le munus, qui a pour "reflet" le ministerium, mais où ce dernier ne peut légalement subsister sans le premier.
Selon notre article précédent, l'inspiration "mystique", disons, était due au troisième secret de Fatima, où l'on lit, précisément, qu'un évêque vêtu de blanc a été vu dans un miroir. ICI
Mais nous découvrons aujourd'hui que cette distinction entre titre et fonctions provient sans équivoque du droit dynastique des princes allemands (et pas seulement), que Joseph Ratzinger, surtout en tant que Bavarois, ne pouvait pas ne pas connaître. En effet, au XVIIème siècle, après l'usurpation du trône d'Angleterre (1558) par la protestante Elisabeth Ire (fille d'Henri VIII) au détriment de la catholique Marie Stuart (héritière légitime du trône), l'Europe s'est réfugiée dans la codification d'une distinction entre le titre dynastique et la possibilité d'exercer le pouvoir.
Ainsi, au XIXème siècle en particulier, nous disposons de plusieurs renonciations au munus signées par divers archiducs de la famille impériale autrichienne ou, partiellement, à certains droits dynastiques.
Au contraire, après la Grande Guerre, l'empereur des Habsbourg Charles Ier n'a jamais renoncé à son munus et a été exilé, ce qui l'a effectivement privé aussi de son pouvoir pratique, c'est-à-dire de son ministerium.
Quelque chose de similaire (voir discussion plus loin) est également arrivé à la monarchie italienne, puisque même Umberto II de Savoie n'a pas renoncé à son munus. Parmi ces différents exemples, entre l'Autriche et l'Italie, Joseph Ratzinger ne pouvait ignorer ce système anti-usurpation et, selon notre universitaire, a prudemment conseillé à Jean-Paul II de l'introduire dans le droit canonique, avec les effets que l'on connaît aujourd'hui. En effet, Benoît XVI reste aujourd'hui le seul pape légitime, l'"émérite", une qualification purement nominale (et non juridique) issue du verbe latin emereo qui précise lequel des deux vêtus de blanc est celui qui "a le droit", qui "mérite" d'être pape. C'est pourquoi le pape Benoît répète depuis huit ans "Il n'y a qu'un seul pape", sans jamais expliquer lequel. ICI Mais tout le monde fait semblant de s'en moquer. Cela n'a pas d'importance : les nœuds arriveront de toute façon au peigne.
Pour nous éclairer sur cette question fondamentale et délicate, Andrea Borella : Comme nous le disions, il s'agit de l'un des rares spécialistes du monde du droit dynastique, héraldiste, généalogiste, éditeur et directeur, depuis plus de 20 ans, du prestigieux "Annuario della Nobiltà italiana" (Annuaire de la noblesse italienne) ICI (un périodique qui, tous les trois ou quatre ans environ, est publié et mis à jour dans d'énormes volumes méticuleusement compilés), ainsi que directeur et fondateur d'autres répertoires consacrés à des familles royales et aristocratiques dans le monde, et chargé de cours en droit dynastique et successoral, en héraldique et en héraldique ecclésiastique, pendant plusieurs années, dans le cadre d'un master de troisième cycle d'une université pontificale. La première partie de ses livres est consacrée au droit dynastique des Maisons royales qui étaient déjà souveraines dans les anciens États italiens, un cas unique au monde.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, voici l'explication "technique" gentiment offerte par l'universitaire.
"Dans votre enquête, vous avez fait mouche : dans la sphère des Maisons royales, souveraines ou déposées, et surtout dans la sphère allemande, c'est-à-dire dans le "droit princier" comme on l'appelle dans les pays germanophones, il y a un tel dualisme entre le titre et l'exercice du pouvoir : c'est bien connu depuis des siècles. Dans les Maisons princières, on peut renoncer au Trône ou à l'exercice des droits politiques tout en restant membre d'une Maison royale et parfois (selon les dynasties, qui ont chacune leur propre droit dynastique) détenteur du titre royal ou des droits dynastiques. Cette branche du droit est appelée "Fürstenrecht" en allemand, c'est-à-dire "droit des princes". Cette distinction existe en fait depuis l'Antiquité, tout comme dans le cas du pape, qui est le souverain d'une monarchie absolue théocratique élective, une forme de gouvernement en soi extrêmement rare.
Origines et objectifs
La division entre munus et ministerium, et la clarification des droits dynastiques avec les droits politiques de la succession au trône, a été codifiée dans le contexte allemand peu avant le XVIIème siècle : Tous étaient préoccupés par l'usurpation du trône d'Angleterre par la protestante Élisabeth Ière fille illégitime d'Henri VIII, contre la catholique Marie Stuart, reine d'Écosse déchue (puis exécutée) un demi-siècle plus tôt, et craignaient surtout une éventuelle reprise des affrontements militaires, politiques et civils dévastateurs - et extrêmement sanglants - qui avaient suivi le clivage confessionnel survenu à la suite de la Réforme protestante (1517-1555) et du Schisme anglican (1534).
Il faut rappeler que les Maisons royales sont souvent apparentées entre elles et parfois héritières les unes des autres en cas d'extinction d'une Maison, notamment dans le contexte allemand : c'est ce que prévoyaient les lois dynastiques primitives, non codifiées, effectivement adoptées par les Maisons royales avant la Réforme protestante.
Avec la division entre les maisons royales catholiques et protestantes, il était nécessaire d'empêcher une maison royale catholique de devenir l'héritière d'un trône protestant et vice versa. À la même époque, il est également devenu nécessaire de faire la distinction entre le droit d'être chef de la maison princière, c'est-à-dire royale, et le droit de régner. En d'autres termes, les concepts de munus et de ministerium étaient précisés et fixés, le même concept repris par Ratzinger et codifié par écrit dans le nouveau Code de droit canonique quatre cents ans plus tard pour la succession au trône pétrinien.
Quoi qu'il en soit, la codification des lois dynastiques sous forme écrite, la subdivision et la clarification des concepts de munus et de ministerium ont toujours eu lieu dans des PÉRIODES DE CRISE OU de crainte de DOMMAGES IRRÉPARABLES À LA DYNASTIE et, par conséquent, à la succession au Trône : comme le montre l'histoire des Maisons royales, la mobilisation des pouvoirs des monarques absolus dans des Codes ou des Lois dynastiques répond toujours à la nécessité d'éviter un DANGER GRAVE IMMINENT ou raisonnablement possible dans le futur.
Entre le latin et l'allemand
La démarche de 1983 de Ratzinger, véritable âme de cette réforme du droit canonique, réforme également inhérente précisément à l'élection du Pape et à la dualité des droits résidant dans cette figure, n'est donc pas surprenante. Ratzinger est un esprit clair, animé par une intelligence hors du commun, qui a eu une pensée claire et une action sage en prévoyant cela il y a presque quarante ans.
En outre, même dans de nombreux documents dynastiques allemands, le LATIN est utilisé parce que c'est la seule langue qui NE PERMET PAS LES CONFUSIONS dans les constructions juridico-théoriques abstraites et qui, en termes de précision, devance immédiatement l'allemand lui-même, des concepts juridiques qui, dans d'autres langues - - peuvent être traduits grossièrement et avec difficulté, souvent seulement grâce à de longues périphrases. En revanche, le latin et l'allemand sont des langues parfaitement maîtrisées par Ratzinger, qui est né en Bavière et a étudié le latin.
Un système "miroir
En la personne du Pape résident normalement à la fois le munus et le ministerium, c'est-à-dire qu'il est une figure ou une personne composite, exactement comme celle de n'importe quel souverain qui est aussi le chef de sa dynastie : une personne, apparemment sans pouvoir, est en réalité la plus forte puisque celui qui exerce le pouvoir temporel dépend d'elle. Exceptionnellement, cependant, ces pouvoirs, ou des pouvoirs très particuliers, peuvent être séparés (comme dans le cas d'une usurpation).
Il s'agit bien d'un système de miroir, comme vous l'avez identifié. Pour faire une comparaison : le détenteur du munus dans le cas du Pape, qui se manifeste sous le titre de Vicaire du Christ, est la flamme brûlante de la lampe cachée derrière un coin, soustraite à la vue directe, inconnue de la plupart des gens ; l'autre, le ministerium, est la lumière de la flamme originelle qui est reflétée, atténuée, dans un miroir placé ailleurs : ce reflet est bien visible et répand la lumière, bien que moins vive.
La seconde flamme, moins brillante, bien que vive et éclairante, et qui est le résultat de la réfraction du miroir, ne peut pas donner de lumière sans la première, et même, sans elle, elle n'existerait pas : elle n'est qu'une image créée par le miroir, c'est-à-dire par les lois civiles (temporelles), et non pas directement par la flamme de la lampe, qui est sa cause, sa véritable origine.
Tout ce que j'ai dit", conclut Borella, "démontre une fois de plus la capacité supérieure, exceptionnelle, déployée, en tant que très bon juriste, par le cardinal Ratzinger de l'époque, à prévoir les faits et les événements et à adapter, à la nature très particulière du trône pétrinien, une variante des divers droits dynastiques et successoraux élaborés pour les trônes séculiers au cours des siècles passés.
Quelques exemples historiques dans l'espace germanique
À cet égard, nous avons l'exemple de la Maison des rois de Bavière, autrefois ducs souverains de Bavière : après l'annexion à l'Allemagne, les Wittelsbach ont décidé de renoncer à leur ministerium, c'est-à-dire à leurs prétentions au trône, de sorte qu'aujourd'hui, ils vivent toujours en Bavière, très riches et sans être inquiétés. Louis III de Bavière, le dernier souverain régnant de Bavière, est le premier des monarques allemands à être officiellement déposé : le 12 novembre 1918, le roi renonce officiellement par écrit à toutes ses prérogatives étatiques, civiles et militaires, mais reste chef de la dynastie. D'autres maisons princières allemandes, en revanche, estimaient que leur "ministerium" avait été usurpé par l'unification bismarckienne et les événements qui se sont déroulés en Allemagne après 1918 : toutes les maisons princières n'ont pas voulu signer les renonciations, elles n'ont jamais accepté de cesser de revendiquer leurs prérogatives dynastiques (munus) et leur droit au trône (ministerium).
Il suffit de rappeler, par exemple, le cas de l'empereur (bienheureux) Charles Ier de Habsbourg : en 1919, il n'a jamais abdiqué, il n'a jamais renoncé à son "munus" : il a seulement dû renoncer - obtorto collo et seulement de facto - au droit de régner et, pour cette raison également, il a été envoyé en exil, où il est mort : on lui a même refusé (alors qu'il n'en aurait pas eu besoin) le droit de renoncer à ses prétentions au trône.
De plus, il est désormais admis par la majorité des historiens que sa signature au bas du document d'abdication, qui n'a pas été présentée sous une forme canonique ou authentique, était fausse et a toujours été désavouée publiquement par Charles Ier. Il suffit d'observer le comportement de l'empereur en exil pour s'en convaincre.
Le système dynastique anti-usurpation, germanique et autre, garantissait que si quelqu'un exerçait le pouvoir sans droits dynastiques, il devenait de facto un usurpateur ou un dictateur. Elle était si efficace que la République autrichienne nouvellement fondée, l'un des États successeurs de la monarchie dissoute d'Autriche-Hongrie, a dû inclure une loi spéciale, dite "loi Habsbourg" (3 avril 1919), dans sa Constitution : Cette loi, afin d'être plus efficace, incorporait dans son application des concepts du droit dynastique des Habsbourg dans le but d'éliminer toute prétention au trône et donc le danger d'une restauration monarchique : cette loi, bien que presque totalement inapplicable, est toujours en vigueur dans la République autrichienne et prévoyait, entre autres, l'exil des archiducs (princes) qui ne renonçaient pas à leurs prétentions politiques et dynastiques.
En outre, il n'est guère utile de mentionner que les lois dynastiques, étant des lois internes de la Maison et non de l'État, fonctionnent indépendamment de la période de règne ou non d'une Maison royale : elles ont de nombreuses particularités qui ressemblent beaucoup à la situation actuelle du Trône Pétrinien.
Le cas de la monarchie italienne
Le roi Umberto II, dernier monarque d'Italie, s'exile : Sa Majesté le roi Umberto n'a jamais renoncé ni au munus (titre de chef de la maison) ni au ministerium (gouvernement), renonçant spontanément à la direction de la nation italienne pour favoriser la pacification nationale. Il mourut donc comme Roi, en exil, chassé de son Trône, dans la plénitude de son munus et avec l'empêchement de son ministerium, ne reconnaissant jamais la République. Quelques jours auparavant, Umberto II, en examinant la légitimité de la monarchie comme forme de régime d'une nation face au résultat du référendum, avait déclaré : "La République peut être tenue avec 51%, la Monarchie non. La monarchie n'est pas un parti. C'est une institution mystique, irrationnelle, capable de susciter chez les hommes une incroyable volonté de sacrifice. Ce doit être un symbole chéri ou ce n'est rien." Avec ces mots, il est facile de comprendre comment, dans la figure laïque du chef de la Maison royale, il y a aussi une personne mystique, comparable à certains égards à la figure mystique et religieuse du Pape en tant que Souverain Pontife de l'Église catholique.
Avant de monter sur le trône, le futur roi Umberto lui-même, le 12 avril 1944, a été nommé par son père, Vittorio Emanuele III, lieutenant après la libération de la capitale. En effet, le 5 juin 1944, Vittorio Emanuele III nomme son fils lieutenant général du Royaume, sur la base d'accords entre les différentes forces politiques qui formaient le Comité de libération nationale, qui prévoyaient de "geler" la question institutionnelle jusqu'à la fin du conflit : C'est une date qui marque le transfert de l'exercice des pouvoirs du roi à son fils Umberto, qui exerce ainsi les prérogatives du souverain depuis le Quirinal, sans toutefois posséder la dignité de roi, Vittorio Emanuele restant dans la vie privée à Salerne, conservant ainsi, pour le dire autrement, le munus et le ministerium, même si ce dernier est exercé, dans la pratique, par son fils, qui reste prince héréditaire, en sa qualité de "lieutenant du royaume".
Le 9 mai 1946, le roi Victor Emmanuel III abdique, renonçant formellement au titre de roi (le ministerium en termes canoniques) en faveur de son fils Umberto II, qui occupait déjà la fonction de lieutenant du royaume et exerçait le pouvoir par mandat paternel (le ministerium) depuis 1944. Le roi Vittorio Emanuele III ne quitte pas la Maison royale mais prend publiquement le titre de comte de Pollenzo, s'exile en Égypte et porte, tant qu'il vivra, le titre de chef de la Maison royale (c'est-à-dire le munus), auquel il n'a jamais renoncé.
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