Écrit par Andrea Cionci (09/06/2022) - Traduction française autorisée: père Walter Covens
Très Révérendissime Eminence,
Nous prenons la liberté de vous adresser publiquement ces lignes, en faisant confiance à votre charité de pasteur, avant celle de prince de l'Église, en nous souvenant de l'antique devise chrétienne "veritas summa charitas est".
Dans votre récente intervention dans le journal allemand Kath.net, rapportée par le blog de Marco Tosatti, (NDT : voir ma traduction de travail ICI) vous avez assuré que "le pape légitime est François".
Bien que dans l'article vous n'ayez pas jugé bon de développer l'affirmation, nous avons des raisons de croire que vous pourriez nous éclairer - ou faire éclairer par l'un de vos collaborateurs - sur une question angoissante qui se pose depuis neuf ans et qui a vu les interventions - dans un tout autre sens - d'érudits, de canonistes, de juristes, de théologiens faisant autorité. Ajoutez à cela les affirmations extrêmement graves de trois évêques, Mgr Gracida, Mgr Lenga et Mgr Negri, selon qui le pape Benoît n'a pas abdiqué et/ou qu'il a été contraint d'abandonner le trône pétrinien. ICI
Si toutefois, comme vous nous l'assurez, "le pape légitime est François", cela signifie que l'abdication du pape Benoît XVI s'est certainement déroulée sans aucun problème ni violation du droit canonique. Si tout s'est déroulé de manière adamantine, à ce stade, nous ne comprenons toutefois pas pourquoi les prêtres qui ne croyaient pas à la validité juridique de l'abdication ont été excommuniés/réduits à l'état laïc sans procès canonique, si tout pouvait s'expliquer si facilement.
Nous vous implorons de nous aider à comprendre pourquoi, si le canon 332,2 du droit canonique, pour l'abdication, exige la renonciation au munus petrino, il devrait être tout aussi valable si la renonciation se fait au ministerium. Rappelons que c'était le même cardinal Ratzinger qui a scindé la fonction papale en ces deux entités en 1983 selon un usage emprunté au droit dynastique allemand ICI et que celles-ci ne sont pas synonymes.
Nous aimerions donc savoir si les expressions inédites (comme l'a souligné le juriste Arthur Lambauer) utilisées dans la Declaratio "Siège de Rome, Siège de Saint Pierre" ont la personnalité juridique pour être laissées "vacantes" et s'il est vrai qu'une abdication, au lieu d'être simultanée à l'élection, peut être différée en donnant une sorte de "nomination à terme" au Seigneur Dieu pour reprendre le munus (qui dans ce cas, cependant, est le ministerium).
À cet égard, pour la paix des âmes, nous vous demandons s'il serait possible de produire enfin un document formel avec lequel le pape Benoît, juste après 20 heures le 28 février 2013, a confirmé verbalement ou par écrit sa renonciation au ministerium, étant donné qu'il a salué le monde à 17h30, soit deux heures et demi avant l'heure à laquelle ce qui a été annoncé le 11 février est entré en vigueur. L'ensemble de sa Declaratio n'a, à notre connaissance, jamais été confirmé juridiquement. Nous aimerions comprendre si le ministerium peut être canoniquement séparé du munus, ou si cela ne se produit en fait que dans le cas d'un Siège empêché. Peut-être les canonistes de l'Université de Bologne, qui travaillent depuis quelques mois sur le sujet même du pape émérite et du pape empêché, pourront-ils nous apporter des précisions utiles à ce sujet. Nous les avons interrogés à plusieurs reprises, mais en vain.
Vous poursuivez en déclarant que
"la démission du pape Benoît en 2013 a introduit une tension dans le principe pétrinien de l'unité de la foi et de la communion de l'Église qui est sans précédent dans l'histoire et qui n'a pas encore été traitée de manière dogmatique".
Devons-nous donc croire que le Saint-Père Ratzinger a volontairement maintenu jusqu'à présent 1,285 milliard de catholiques dans cette terrible et angoissante ambiguïté ? Est-il possible qu'il n'ait pas prévu à l'avance la papauté émérite - comprise comme un statut canonique d'ex-pape - jugée par divers canonistes comme théologiquement impossible ?
Ensuite, il y a des faits très étranges auxquels nous sommes sûrs que vous pourrez apporter des éclaircissements. L'un d'entre eux, par exemple, est le fait que le pape Benoît répète depuis neuf ans "il n'y a qu'un seul pape", sans expliquer qui c'est, puis qu'il donne lui-même sa bénédiction apostolique, ICI la prérogative exclusive du pape régnant. Ou comment se fait-il qu'il dise avoir gardé la soutane blanche parce qu'il n'avait "aucun autre vêtement disponible" ? Est-il possible qu'en neuf ans, personne n'ait pu lui fournir une soutane noire ? ICI
Dans les "Dernières conversations" de Peter Seewald sur sa propre "démission", le Saint Père Benoît déclare :
"Aucun pape n'a démissionné au cours du second millénaire et même au cours du premier millénaire, c'était une exception."
Avec six papes abdiquant au cours du premier millénaire et quatre au cours du second, la phrase nous a logiquement amenés à penser qu'il faisait référence à ces deux papes du premier millénaire, avant la Réforme grégorienne, qui, comme lui, ont perdu l'exercice pratique du pouvoir (car ils ont été évincés par des antipapes), mais qui ont en fait conservé si complètement leur investiture divine qu'ils ont ensuite été réintégrés sur le trône sans avoir besoin d'une quelconque réélection. ICI
À cet égard, pouvons-nous donc être certains que François possède le munus petrinus, c'est-à-dire l'investiture papale qui vient directement de Dieu et offre les garanties d'une assistance du Saint-Esprit ? ICI
Devons-nous donc supposer que lorsque le pape François intronise une divinité païenne à Saint-Pierre ou lorsqu'il se déclare "personnellement en faveur des unions civiles" (qui légalisent le deuxième des "quatre péchés qui crient vengeance au Ciel" selon la doctrine catholique), il est assisté par le Saint-Esprit ?
Vous faites référence dans votre discours au 65ème discours de sacerdoce du Pape Benoît dans lequel il a cité le mot 'Eucharistomen' comme symbolique de l'événement, ce mot avec lequel Jésus rendait grâce pour le sacrifice qu'il préparait pour ICI . Pourquoi ?
Devons-nous vraiment croire que le pape Benoît est donc devenu, depuis 2013, si insensible envers les fidèles qu'il les a jetés dans la panique avec des gestes et des phrases ambigus, alors qu'il est connu pour la clarté adamantine de sa pensée et de son discours ? ICI
Votre Éminence, peut-être aucun autre cardinal comme vous ne peut avoir la sensibilité nécessaire pour comprendre la douleur et l'angoisse de ne pas recevoir de réponse à ses "dubia", mais, après tout, s'il y a un acte juridique dans la vie de l'Église qui doit être très clair et inflexible, c'est précisément l'abdication d'un pontife, comme "papa dubius, papa nullus". L'année dernière, dans une lettre publique, nous avons demandé à notre collègue Massimo Franco (dont vous avez écrit la préface du dernier livre) de nous aider à comprendre ces questions. Franco lui-même, peut-être pas tout à fait familier avec les questions canoniques, a trouvé les questions intéressantes ICI et, en réponse, nous a invités à écrire un livre.
C'est ce que nous avons fait, avec dévouement et bonne foi, et tous ces éléments jusqu'alors non clarifiés ont fait place à une reconstruction d'une rigueur géométrique selon laquelle le pape Benoît, contraint de s'écarter des puissances mondialistes et du groupe de Saint-Gall qui, de l'aveu du cardinal Danneels, a soutenu le cardinal Bergoglio, en 2013, n'a pas du tout abdiqué, mais a "testé" ses ennemis avec une déclaration franche et sincère dans laquelle, renonçant à l'exercice du pouvoir, il s'est retiré in sede impedita, un statut canonique où le pape est prisonnier et empêché de communiquer librement. Ainsi, il est resté pape à toutes fins utiles, bien que contemplatif et privé du pouvoir de gouverner, et ses ennemis, s'emparant du premier acte qui parlait de "renonciation", sont devenus schismatiques et ont rendu nul un conclave avec un pape ni mort, ni abdiqué. Un conclave invalide qui ne pourra jamais être guéri par l'Universalis Ecclesiae Adhaesio, l'acceptation pacifique universelle par l'Église.
Ainsi serait dévoilé le mystère de la double papauté qui a suscité tant de discussions : "une sorte de ministère élargi" entre deux papes, certes, mais l'un légitime-contemplatif (Benoît XVI) et l'autre illégitime-actif (Bergoglio). Pour se distinguer de l'illégitime, Benoît serait donc l'"émérite", à comprendre non comme "le pape retraité" (juridiquement impossible et, en fait, inexistant), mais comme "celui qui est digne", "celui qui a mérité", qui "a le droit" d'être pape, du verbe emereo.
On comprendrait aussi pourquoi ces étranges déclarations du pape Benoît, désormais connues sous le nom de "Ratzinger code" et certifiées même par des spécialistes de rang universitaire ICI : étant dans un siège empêché, le pape Benoît ne peut s'exprimer librement et doit recourir à de subtils artifices logiques pour expliquer la vérité canonique.
Vous pouvez bien comprendre l'angoisse des fidèles quand même le Saint Père Benoît XVI répondant à moi, l'auteur de cette reconstruction, n'avait rien à objecter. ICI
Vous pouvez imaginer quel scandale cela représente pour la vie de l'Eglise et pour la crédibilité du Pape François à qui nous demanderions volontiers pardon si toutes les questions sur la table étaient publiquement clarifiées par l'Eglise. Peut-être, comme tant d'érudits distingués, avons-nous été victimes d'une tromperie de l'esprit dans laquelle, même selon une logique de fer, des centaines d'éléments concernant le droit canonique, la théologie, l'histoire de l'Église et les déclarations "distraites" du pape Benoît constituent un scénario extrêmement cohérent. Il ne sera donc pas difficile pour vous ou vos collaborateurs de tirer le voile de nos yeux et de démanteler l'illusion diabolique dont nous sommes victimes.
Jusqu'à présent, les objections reçues n'ont fait que recourir à l'insulte, à l'agression ad personam et aux arguments les plus vains et les plus spécieux, ICI, et cela a alimenté davantage les doutes des lecteurs.
C'est pourquoi, précisément pour éviter le scandale de telles considérations, aujourd'hui rassemblées dans un livre qui est l'une des meilleurs ventes en Italie ("Codice Ratzinger" ByoBlu ed.) que, si vous le souhaitez, nous vous enverrons, nous vous implorons de plaider pour une enquête canonique publique précisément pour protéger la légitimité du Pape François, à qui vous êtes redevable de la barrette de cardinal depuis 2014, dissipant ainsi tout doute sur la renonciation à la papauté de Benoît XVI.
Peut-être serait-il encore mieux de demander au Saint-Père émérite une conférence de presse publique, avec toutes les garanties, afin qu'il puisse lui-même émettre un jugement définitif sur la sempiternelle Magna Quaestio.
En espérant que vous nous rachéterez de l'erreur en démêlant enfin ces nœuds à la lumière du Logos, la raison qui dévoile la vérité, et que vous rassurerez enfin le peuple catholique (et pas seulement), nous vous présentons nos salutations les plus respectueuses et cordiales.