Traduction française autorisée : père Walter Covens
Cher Directeur,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre réponse aux fidèles qui ont envoyé une lettre à François à Il Foglio ICI - exprimant leur désespoir pour ce qu'il fait dans l'Eglise - et que vous avez, avec courage et ouverture, voulu publier. En outre, vous avez également cité, avec un timing parfait, une extraordinaire prophétie de Joseph Ratzinger datant d'il y a plusieurs décennies : "A l'époque, j'avais prédit, si l'on peut dire, que l'Eglise diminuerait en taille, qu'un jour elle deviendrait une église minoritaire et qu'elle ne pourrait plus exister dans les grands espaces et organisations qu'elle avait dans le passé, mais devrait trouver un arrangement plus modeste". (NDT : voir ICI)
En fait, cela semble s'être réalisé puisque, même si les médias n'en parlent pas, cette petite église, ou "petit reste" pour utiliser une expression biblique, existe déjà, avec un nombre indéfinissable de prêtres dispersés dans le monde entier qui célèbrent en communion avec le pape Benoît et désavouent François comme pape. Les détails sont ICI
Cependant, je crains que vos lecteurs avancent un argument légitime en invoquant le fait que le pape est également soumis à l'autorité du droit canonique (s'il ne le modifie pas au préalable) et qu'il ne peut pas exactement faire "ce qu'il veut" puisqu'il tire son autorité du fait qu'il est GARDIEN du depositum fidei bimillénaire.
À cet égard, permettez-moi de vous soumettre, ainsi qu'à mon très bon collègue Matteo Matzuzzi - que j'estime et apprécie - une question qui suscite un certain intérêt chez les lecteurs (comme vous pourrez le constater en consultant l'indexation des meilleures nouvelles de Google valable pour de nombreux utilisateurs) mais qui n'est toujours pas abordée par les autres journaux italiens. Et pourtant, le soi-disant "Plan B" a été hébergé par les vaticanistes Aldo Maria Valli et Marco Tosatti, qui font autorité en la matière, et a été traduit à ce jour en sept langues par des sites web étrangers.
Cette perspective serait la quadrature du cercle la plus simple pour vos lecteurs, même si elle est choquante, j'en suis conscient. Il est donc absolument nécessaire de commencer par examiner des faits objectifs et indiscutables. J'avais déjà adressé nombre de ces questions à Massimo Franco du Corriere : j'espérais qu'il pourrait les éclairer, mais il m'a invité à écrire un livre, sans fournir de réponses sur le fond. J'espère avec vous avoir plus de chance.
Eh bien, comme on le sait, la Declaratio de renonciation du pape Ratzinger est contestée depuis 2013 : elle a été rédigée de manière si "maladroite" que tous les articles possibles du Code de droit canonique ont été remis en cause : 124, 332 § 2, 188, 41, 17.
Il y a quelques jours, grâce aux mêmes déclarations de deux célèbres canonistes pro-Bergoglio, les juristes Sanchez et Acosta ont concentré - sans être contredits - que la Declaratio est une véritable bombe de nullité juridique.
ICI, vous pouvez lire comment, de l'aveu même de Mgr Scaccia et du professeur Boni :
1) il n'y a pas deux papes, ni de "papauté élargie".
2) il n'y a qu'un seul pape.
3) le pape émérite n'existe pas,
4) munus et ministerium ne sont pas synonymes au sens juridique.
5) Ratzinger a mentionné le munus au sens juridique, sans jamais y avoir renoncé, comme l'exige le canon 332 § 2.
6) il a séparé les deux entités qui, pourtant, dans le cas du Pape, sont indivisibles.
7) il a également renoncé à la mauvaise entité, à savoir le ministerium.
En raison d'une autre bizarrerie, Ratzinger a décidé de reporter l'entrée en vigueur de sa renonciation à 29h00 (corrigée ultérieurement à 20h00) le 28 février 2013. Il a fait ses adieux au monde à 17h30 ce jour-là depuis Castel Gandolfo, mais bien qu'il ait pu changer d'avis jusqu'à 20 heures, il n'a rien ratifié après cette heure. L'absence de simultanéité de l'acte et l'absence de confirmation de la Declaratio semblent rendre la renonciation invalide une fois de plus. ICI et ICI
La Declaratio comporte également deux erreurs grossières de latin, et 20 autres imperfections linguistiques qui ont été dénoncées "sur le vif" par les latinistes Luciano Canfora (dans le Corriere) et Wilfried Stroh dans la presse allemande : selon certaines interprétations, ces erreurs ont été insérées pour attirer l'attention sur un acte juridiquement invalide. ICI
Trois ans plus tard, en 2016, dans le Corriere, Ratzinger répète ce qui vient d'être publié dans "Ultime conversazioni" : "J'ai écrit le texte de la renonciation. Je ne peux pas dire exactement quand, mais au maximum deux semaines avant. Je l'ai écrit en latin parce qu'une chose aussi importante se fait en latin. De plus, le latin est une langue que je connais si bien que je pourrais l'écrire de manière décente. J'aurais pu aussi l'écrire en italien, bien sûr, mais je risquais de faire des erreurs. ICI
N'est-ce pas un peu étrange ? Considérez que Ratzinger lui-même admet dans "Ein Leben" de Seewald que la Declaratio (de seulement 1700 caractères) a été écrite par lui en pas moins de deux semaines, et qu'elle a ensuite été soumise à l'examen de la Secrétairerie d'État (sous le sceau du secret papal) pour corriger les erreurs juridiques et formelles. ICI
N'est-il pas également très curieux que Benoît XVI répète depuis huit ans que "IL N'Y A QU'UN SEUL PAPE" sans jamais expliquer explicitement qui il est ? Ce que confirme involontairement l'archevêque Gänswein lui-même ICI : pas une seule fois, en huit ans, il n'a glissé négligemment : "Un seul est pape et c'est François".
Ratzinger est considéré comme un grand intellectuel, mais il semble qu'en plus de ne pas bien connaître le latin et le droit canonique, il a aussi de grandes lacunes en histoire de l'Église. Dans le livre de Seewald, il dit à propos de sa propre démission : "Aucun pape n'a démissionné depuis mille ans, et même au cours du dernier millénaire, c'était une exception". Étant donné que six papes ont démissionné au cours du premier millénaire et quatre au cours du second, soit Ratzinger ne se souvient pas bien, soit, comme l'a confirmé l'historien de l'Église Francesco Mores de l'université de Milan, il fait référence au pape Benoît VIII qui a été contraint de renoncer au ministère au cours du premier millénaire (tout comme Ratzinger) parce qu'il avait été chassé par un antipape. En substance, Benoît XVI nous dit qu'il a "démissionné" en renonçant à des fonctions pratiques comme les très rares papes qui n'ont jamais abdiqué au cours du premier millénaire et sont restés papes. ICI
En effet, dans "Ein Leben", il affirme que la renonciation de Célestin V, l'abdicateur par excellence, ne pouvait en aucun cas être associée à la sienne, comme un précédent. ICI . D'ailleurs, ne se demande-t-on pas comment le même volume ne parle toujours que de "démission" (Rücktritt) pour Benoît XVI et d'abdication (Abdankung) uniquement pour les papes qui ont effectivement renoncé, comme Célestin V ?
N'est-il pas étrange, alors, que Ratzinger continue à s'habiller en pape, à donner la bénédiction apostolique, à se signer P.P. - Pater Patrum et à jouir de prérogatives si typiquement papales qu'elles déconcertent des millions de fidèles et suscitent la critique du cardinal Pell ? ICI et ICI
Et que dire du fait qu'avant le conclave, Benoît XVI a promis de jurer obéissance "à son successeur", mais ne l'a jamais fait pour François ? En effet, en 2016, il répondait ainsi à son collègue Peter Seewald : "En prenant congé de la curie, comment pourrait-il ensuite jurer une obéissance absolue à son futur successeur ?".
Réponse de Benoît XVI : "Le pape est le pape, peu importe qui il est". ICI
De plus, nous avons récemment redécouvert un contexte efficace décrit en 2010 par Paolo Flores d'Arcais ICI qui suggère que la question de la renonciation peut cacher une autre réalité possible que le récit officiel désormais éventé.
EN RÉSUMÉ : est-il possible que le grand latiniste Joseph Ratzinger ICI, l'un des intellectuels ecclésiastiques les plus cultivés et significatifs du XXe siècle, théologien adamantin, scrupuleux et teutoniquement rationnel, à partir de 2013, malgré la lucidité de ses publications ultérieures, se soit transformé soudainement et par moments en un vieil homme extravagant, peu préparé en latin, en droit canonique, en histoire de l'Église, "rancunier" et ambigu au point de jeter des millions de fidèles dans l'angoisse et l'incertitude ?
Eh bien, nous avons essayé de mettre en ordre les pièces de ce difficile puzzle dans une reconstruction générale ICI, appelée "Plan B", qui répond à toutes ces questions, en les composant dans un cadre unitaire et en confirmant ce qui a été dit, en termes abstraitement généraux, par le plus important philosophe italien, Giorgio Agamben. Récemment, cette reconstruction a également été confirmée par Antonio Sànchez Saez, professeur de droit à l'université de Séville. ICI
Par conséquent, je serais très heureux si vous aviez la curiosité d'examiner ce matériel avec Matteo Matzuzzi, y compris les liens vers les études approfondies, et de nous fournir votre commentaire autorisé pour aider à faire la lumière sur une question qui, en plus d'impliquer 1,285 milliard de catholiques, si elle n'est pas clarifiée, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour l'Église. ICI
UNE SEULE PRIÈRE : Avant de faire des considérations, partons de ce qui est réel, des faits, et essayons de leur donner une réponse. C'est indispensable : dans toute enquête, qu'elle soit scientifique ou judiciaire, on part de la réalité des données objectives. Beaucoup, cependant, utilisent l'astuce dialectique qui consiste à partir de l'analyse du "mobile", en affirmant que "le Pape Benoît n'aurait jamais pu faire une telle chose parce que etc. etc.
Par conséquent, la seule façon d'avancer est de reconstruire et de relier tous les faits ci-dessus selon une logique différente et alternative au plan B, mais tout aussi cohérente. Pour l'instant, la seule chance (NDT : en français dans le texte) est d'un point de vue spirituel et devrait également intéresser les milieux traditionalistes hostiles au prétendu "moderniste" Ratzinger. Il se peut, en fait, que ce "dessein intelligent" soit allé au-delà de la volonté propre de Benoît et qu'il ait été en quelque sorte "téléguidé" par le Saint-Esprit.
Je suis conscient que le traitement de cette question représente beaucoup de travail, mais nous avons affaire au cas journalistique probablement le plus intéressant de ces 700 dernières années. Je pense que ça en vaut la peine.
Dans l'attente de votre réponse, je vous adresse mes plus chaleureuses salutations et ma plus profonde estime professionnelle.
Andrea Cionci