Un livre publié en 2010 par le philosophe de gauche clarifie bien des choses aujourd'hui
Andrea Cionci
Traduction française : père Walter Covens
04 août 2021
Notre article sur l'"aide" apportée à Sa Sainteté le pape Benoît XVI par l'un de ses plus grands opposants, le journaliste et philosophe de gauche Paolo Flores d'Arcais, directeur de la revue géopolitique Micromega, a suscité un certain intérêt. Il a été repris par Il Tempo et d'autres journaux en ligne, et nous pensons faire une bonne action en vous offrant la version complète de l'article.
En attendant, pour vous donner une idée de l'affection de Flores pour le Saint-Père Benoît, lisez ce qu'il écrit dans "La sfida oscurantista di Ratzinger" (Ponte alle Grazie 2010) : "Dans le contexte de l'austérité virile de Jean-Paul II, les attentions pusillanimes du sinistre théologien allemand pour des frivolités esthétiques épuisantes, des bonnets élaborés et somptueux aux babouches rouges, en passant par une secrétaire qui semble sortir de Beverly Hills, prennent une importance très lourde".
Des considérations d'un goût que l'on n'attendrait pas du marquis d'Arcais (à qui le cardinal Ratzinger avait également offert un débat public juste et ouvert) et qui surprennent encore plus chez le philosophe. Au lieu de comprendre que le pape Benoît a récupéré les anciens vêtements de Pie IX, Jean XXIII et d'autres pontifes, - comme le camauro, les chaussures rouges et la mozzetta ou les beaux habits sacrés - pour démontrer au monde une continuité avec la Tradition de l'Église, (un élément aussi fondamental que la Parole), Flores critique la prétendue, ambiguë, vanité personnelle du pontife. Je vous laisse apprécier.
En tout cas, tout le livre est vicié par un malentendu théologique fondamental, que le fait d'être athée ne justifie pas : le pape n'est pas un politicien comme les autres, il est un chef religieux et le gardien du depositum fidei, de par son statut. Il n'est donc pas logique que M. Flores lui reproche d'accomplir ce que son Dieu lui a confié depuis 2000 ans. Ce serait comme critiquer le Dalaï Lama parce que, pour le dire crûment, "il persiste à proposer une vision profondément déméritocratique et déresponsabilisante de l'existence" puisque, selon sa croyance, après la mort il n'y aura pas de jugement divin, mais une réincarnation dans d'autres êtres vivants.
En effet, ce qui agace l'auteur, c'est précisément le fait que le Pape Ratzinger utilise la raison (qui, selon lui, devrait être l'apanage des laïcs ?) pour enquêter sur le présent et dialoguer avec le monde à travers une rationalité chirurgicale. Il l'a fait il y a quelques jours encore ICI (mais presque aucun journal, à l'exception de Libero - comme s'il obéissait à une sorte d'accord télépathique - n'a rapporté une de ses phrases qui a fait l'effet d'une bombe : "séparer les croyants des non-croyants". Trop "conflictuel" ?).
En pratique, Benoît XVI serait "obscurantiste" parce que, finalement, il ne pense pas comme Flores d'Arcais et n'a pas trahi la foi catholique en se conformant à l'avortement, à l'euthanasie, au gender, à l'homosexualisme, à l'écologisme poussé, en bref : la liste de courses du mondialisme athée-maçonnique-malthusien.
Hormis ces malentendus, on ne peut pas dire que l'auteur ne connaisse pas la politique internationale et qu'il brosse donc un tableau très efficace de la manière dont Benoît a constitué le principal obstacle à la progression d'une dynamique mondialiste écrasante et imparable.
Voici ce qu'écrit Flores : "Ses premières années de pontificat peuvent être résumées comme une restauration constantinienne qui renverse dans l'expression et dans les faits la saison et la vocation du Concile Vatican II [...] Son modèle est toujours plus explicitement le Concile de Trente, l'intégrisme du dogme et une tentative de purification morale dans l'Église. Benoît XVI est parfaitement conscient de la marche triomphale que, sociologiquement parlant, la globalisation de l'esprit, séculaire, hédoniste, consumériste, continue à faire [...] Le pasteur allemand a décidé au contraire que la modernité peut être attaquée sur tous les fronts [...] Il a planifié son pontificat comme une véritable Reconquista de la modernité à travers une attaque systématique des pierres angulaires culturelles et politiques dont elle est née [...] Il veut une restauration chrétienne dans la science [...]. Il souhaite une restauration chrétienne de la science et de la démocratie, qui renverse l'autonomie de l'homme dans un retour à son obéissance à Dieu, afin de sauver la démocratie et la science d'elles-mêmes avant que l'aventure moderne ne se termine par l'apocalypse [...] Le pape déteste le Grand Satan, ou plutôt l'Occident sécularisé, le consumérisme effréné, qui dans le primat du plaisir banalise et même justifie le massacre des innocents, le génocide qu'est l'avortement".
Le livre illustre ainsi tous les fronts de cette guerre "intolérable" (pour Flores) menée par Ratzinger contre la civilisation moderne. Avant tout, la restauration de la doctrine, ce qui suggère une révision de Vatican II (que Bergoglio a au contraire "dogmatisé"), notamment avec l'œcuménisme et la reprise de l'évangélisation (annulée ensuite par Bergoglio avec ses discours contre le prosélytisme). Là encore, Flores décrit bien l'attaque de Ratzinger contre le relativisme, le néo-malthusianisme, le modernisme, le nihilisme et les Lumières. Il exprime aussi clairement sa volonté de reconfirmer les racines chrétiennes de l'Europe et les droits non négociables, la défense de la famille traditionnelle avec la condamnation des désordres sexuels et le refus de l'avortement et de l'euthanasie. D'autres chevaux de bataille scrupuleusement cités (et critiqués) sont les considérations contre la science "comme une fin en soi" et contre un certain environnementalisme qui pourrait conduire à ignorer la dignité humaine (alors que Bergoglio a déifié l'écologie jusqu'à introniser l'idole païenne Pachamama (ICI).
On comprend donc très bien, grâce à son ennemi juré, pourquoi, compte tenu de la guerre que le pape menait contre l'ensemble du monde-mondain, la franc-maçonnerie, la gauche internationale, les différents lobbies qui comptent et les puissances dites fortes, Ratzinger devait nécessairement être écarté. Le "bras armé" de cette suppression était le groupe (ou "mafia") de Saint-Gall, dont, par coïncidence, le champion était le cardinal Bergoglio (SCRIPTA MANENT : c'est écrit (et jamais démenti) dans son autobiographie par le cardinal Godfried Danneels, primat de Belgique et membre dudit lobby des cardinaux modernistes). Un important documentaire sur le sujet vient d'être publié ICI et ICI).
En outre, Flores d'Arcais est aujourd'hui - de facto - le meilleur allié et défenseur de Ratzinger contre le tir ami de certains milieux traditionalistes qui dépeignent le pape allemand comme un "moderniste" : une fermeture émotionnelle qui empêche, comme un bloc robotique, de saisir les contingences criantes qui parlent de l'invalidité de sa renonciation, à laquelle personne ne peut donner une explication alternative au soi-disant "plan B" ICI .
(De plus, d'un point de vue spirituel, il y a aussi la lointaine possibilité que de telles coïncidences incroyables puissent être le résultat de l'action de l'Esprit Saint, au-delà de la volonté du "moderniste Ratzinger", donc on ne comprend pas pourquoi lesdits cercles traditionalistes n'arrivent pas à se faire une opinion sur ces faits objectifs).
En guise de conclusion, M. Flores nous rappelle également deux prophéties retentissantes du pape Benoît : "Seul Dieu peut nous sauver, dans le sens de sauver la démocratie, qui sans la foi se réduit à une coquille vide et sera anéantie" et encore : "Bientôt, il ne sera plus possible d'affirmer que l'homosexualité, comme l'enseigne l'Église, est un trouble objectif de l'existence humaine".
Et donc, aujourd'hui, par un coup du sort, tout s'est réalisé : on ne fait que parler - à tort ou à raison - des risques pour la démocratie découlant de ce qui est identifié comme une "dictature sanitaire" (Massimo Cacciari, Giorgio Agamben et d'autres) et de la prévarication sur la liberté de pensée que le projet de loi Zan, récemment reporté au mois d'octobre, réaliserait s'il était approuvé.
À la fin, le douteux prophète Flores d'Arcais conclut par une phrase frappante : "La reconquête de Ratzinger se dissoudra comme les rêves et les vampires à l'aube".
Sommes-nous sûrs ? Sommes-nous sûrs que le guerrier "obscurantiste" Benoît XVI, le "pape inquisiteur" comme le décrit le directeur de Micromega, aurait pu quitter le terrain sans coup férir, sous la pression des puissances internationales mondialistes et de la faction moderniste, qu'il a toujours combattue férocement ? Après toutes les prophéties annonçant exactement un tel événement ? Pourquoi, tout à coup, cette reddition à un Cerbère de la tradition, tel qu'il est décrit ?
Il est possible que dans quelque temps, Flores d'Arcais soit fortement déçu.
Afin de le préparer psychologiquement à un éventuel traumatisme, en faisant confiance à l'ouverture au "doute" propre aux Lumières, nous lui soumettons les questions que nous avons posées à Massimo Franco (restées sans réponse) ICI.
Nous avons en effet, objectivement, une renonciation qui est un cocktail d'invalidités juridiques, d'erreurs de syntaxe latine fièrement revendiquées, auxquelles s'ajoutent une flopée de messages savants et sans équivoque qui révèlent qu'il n'a jamais abdiqué ICI , en plus de la drôle d'énigme qui dure depuis huit ans : "Il n'y a qu'un seul pape" sans que Benoît XVI n'explique jamais lequel des deux. ICI .
Il est donc très réaliste que pour la Reconquista totale de Benoît, avant ou après son départ, (peu importe), il pourrait suffire de quelques cardinaux qui se décident enfin à lever le doigt et à demander une vérification canonique de sa renonciation qui, comme l'ont déterminé il y a quelques jours les juristes Estefania Acosta et Antonio Sànchez (sans être contestés) pourrait faire l'effet d'une bombe ICI.
Et nous verrons alors ce qui se dissoudra, la Reconquista de Benoît ou le livret - certes utile - de Flores d'Arcais.