"Il y aura certainement un jour où le pape Benoît XVI ne sera plus empêché et fournira une parole qui n’est plus seulement destinée à ceux qui entendent, mais au monde entier"
Écrit par Andrea Cionci (01/12/2022) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
Cher Prof. de Mattei,
La présente est pour vous remercier de votre article "A propos d'Andrea Cionci" publié hier dans Corrispondenza Romana, que j'invite tous les lecteurs à lire. Même si nous nous étions mis d'accord à l'avance, je n'aurais pas pu souhaiter une assistance meilleure et plus éloquente.
Un petit chef-d'œuvre d'un sentiment de supériorité professorale et de dépit mal dissimulé qui - sans entrer le moins du monde dans le fond de l'affaire - vous a conduit à descendre dans l'offense ad personam et dans des arguments si superficiels et méprisants qu'ils feraient rougir le professeur Zenone.
Une "sublime récapitulation" de ses prédécesseurs : l'accusation d'"incompétent" volée à Don Tullio Rotondo ; le "fou qui est dominé par l'avidité de savoir" et "a perdu sa boussole", de son directeur, Riccardo Cascioli ; les "thèses sans cervelle" de l'excellent Don Ariel Levi di Gualdo, diffuseur attentif de fausses lettres de Mgr Gänswein produites avec une licence Word à son nom.
Si vous me permettez de faire une remarque, il ne manquait qu'une note sur l'assonance de mon nom de famille avec le verbe "cianciare" (NDT : jacasser en français) et l'article aurait été parfait, mais, d'autre part, il nous a donné la preuve de votre admirable capacité de contradiction lorsque vous déclarez :
"L'abdication de Benoît XVI et la manière dont elle a eu lieu sont considérées par de nombreux universitaires et même des membres éminents du Sacré Collège comme une grave erreur".
Excellent. Qu'est-ce qui vous fait supposer qu'en Droit Canon un acte erroné (de surcroît d'une telle ampleur) dans son contenu et sa modalité, puisse être considéré comme valide ?
(Hier encore, nous parlions d'un "effet Ratzinger". : l'étrange phénomène selon lequel les ennemis de la légitimité papale de Benoît XVI sont les premiers à l'affirmer involontairement).
Imaginez ma vaine curiosité sur les virages qu'elle m'a fait prendre. L'abdication était censée être simultanée, au munus petrino et formellement et juridiquement correcte, mais au lieu de cela, elle a été différée, au ministerium, non confirmée après 20 heures le 28 février 2013 et même non sans erreurs. Pourtant, le pape Benoît affirme l'avoir écrit en latin pour "ne pas faire d'erreurs". Alors ? Se pourrait-il qu'il n'y ait jamais eu d'abdication en premier lieu ?
J'ai trouvé plaisant le stratagème consistant à me présenter, à vos nombreux lecteurs, comme un fou qui se plaint que personne n'interprète les codes mystérieux qu'il est le seul à voir. En acceptant volontiers ce drôle de rôle, puisque vous êtes historien, vous pourriez expliquer pourquoi le pape Ratzinger écrit que, comme lui, "aucun pape n'a démissionné au cours des mille dernières années et même au cours du premier millénaire, c'était une exception".
Ou pourquoi il continue à donner sa bénédiction apostolique, ou pourquoi il fait répondre à la Secrétairerie d'État que le pape émérite est le Souverain Pontife.
Et sur le fait qu'il porte toujours la soutane blanche parce que c'était la chose la plus "pratique" à faire, peut-être sera-t-il d'accord avec Don Rotondo, pour qui Benoît XVI a préféré économiser 1000 € sur une nouvelle soutane noire, sans se soucier de l'inquiétude dans laquelle il aurait jeté quelques millions de fidèles. Ou peut-être, ne vous souciant que de "ce qui est visible", croirez-vous qu'en neuf ans, aucun tailleur ecclésiastique n'a eu le temps de confectionner une soutane noire pour l'"émérite".
Au fait, n'est-ce pas vous qui avez prétendu que l'éméritat, pour le pape, n'avait pas de sens ? Dans mon avant-dernier article, je vous ai adressé quelques critiques (qui ont du poids, mais pas offensantes sur le plan personnel) sur le fait objectif et historique que vous et d'autres catholiques-conservateurs refusez d'examiner la possibilité juridique que le pape Benoît n'ait pas laissé le siège vacant, mais l'ait empêché, conformément au canon 335. Je vous le cite d'ICI car le site du Vatican dédié au CIC n'est plus accessible depuis quelques jours : 'Can. 335 - Tant que le Siège romain est vacant ou totalement empêché, rien ne doit être changé dans le gouvernement de l'Église universelle'.
Ma thèse étrange : mais n'est-il pas vrai que si le pape n'exerce pas le munus (et est donc privé de ministerium), il est empêché plutôt qu'avoir abdiqué ?
Canon 412 : "Le siège épiscopal est dit empêché quand, par suite de captivité, de relégation, d’exil ou d’incapacité, l’Évêque diocésain est dans l’impossibilité totale d’exercer sa fonction pastorale (MUNUS) dans le diocèse de sorte qu’il ne peut pas communiquer même par lettre avec ses diocésains. (...Episcopus dioecesanus plane a MUNERE pastorali in dioecesi procurando praepediatur...").
Et ne serait-ce pas précisément à cause de cette difficulté de communication imposée par l'empêchement que Benoît XVI s'exprime dans un langage subtil, mais pas trop, au point que même un journaliste (des "bas-fonds du monde des lettres", comme l'explique le professeur Zenone) a réussi à le comprendre ?
Peut-être pourrait-on demander des précisions aux canonistes de Bologne qui, un mois après ma "provocation", ont formé un groupe d'étude "sur le pape émérite et le pape empêché".
Vous serez amusés par le fait que, par une étrange coïncidence, Benoît XVI a récemment déclaré :
"La réponse se trouve dans le livre de Jérémie", où nous lisons "Je suis empêché".
Enfin, permettez-moi une remarque générale. En tant qu'historien, vous savez certainement que, pendant des siècles et des millénaires, les figures de "ces philosophes qui, remplis de l'obstination de l'aspic" ne veulent même pas examiner les thèses de leurs adversaires, mais les délégitiment quand même.
Pourtant, vous avez publié l'intéressant ouvrage "Les voies du mal". Conjurations, Complots, Conspirations', vous pourriez bien examiner la plus importante de toutes.
Je vous le dis avec "amitié personnelle" (en citant un délicieux Ratzinger code) : êtes-vous sûr de vouloir manquer ce dernier rendez-vous pour entrer dans l'histoire avec le cliché de l'universitaire prestigieux qui ne s'abaisse pas à considérer les interprétations des autres ?
Pensez-y. Ce pourrait être un grand risque car il y aura certainement un jour où le pape Benoît ne sera plus empêché et fournira une parole qui ne sera plus destinée uniquement à "ceux qui ont des oreilles pour entendre", mais au monde entier.
En tout cas, renouvelant ma gratitude, je vous salue cordialement et me tiens à votre disposition pour vous offrir un exemplaire du livre, si cela vous intéresse.
Andrea Cionci
© Reproduction réservée
L'article de "Corrispondenza romana"
Il existe en Italie un journaliste qui écrit sur les choses de l'Église et qui se plaint d'être ignoré par une série d'intellectuels et de journaux catholiques d'orientation traditionnelle, dont il donne une liste détaillée, les accusant d'esquiver une confrontation que le journaliste juge nécessaire vu l'importance du sujet. Les prétendus messages codés que le seul pape légitime, Benoît XVI, enverrait pour dénoncer l'imposture de l'antipape, Jorge Maria Bergoglio. Le journaliste ne regrette pas les nombreuses critiques qu'il a déjà reçues, mais celles qui ne sont pas encore arrivées, empêchant, par ce silence, que sa reconstruction des affaires de l'Église soit prise en compte dans "l'examen attentif, sérieux et approfondi" qu'elle mérite, selon lui.
Puisque parmi les journaux qu'il accuse de ne pas encore se prononcer sur lui et son œuvre, il y a aussi la Corrispondenza Romana, nous n'avons aucune difficulté à exaucer son souhait. Il s'agit d'Andrea Cionci, un journaliste dont nous avons apprécié les articles jusqu'au début de 2020 où, avec la pandémie, il semble avoir complètement perdu ses repères. Comme d'autres esprits prometteurs.
Cionci se vante d'avoir publié des centaines d'articles et un livre qui s'est vendu à 12 000 exemplaires et a été traduit en deux langues. Mais il se fait des illusions s'il pense que ces chiffres correspondent à une large acceptation du public. La raison de son succès réside dans la "curiosité" que ses thèses cérébrales suscitent chez les lecteurs amateurs de sensationnel. Vana curiositas, qui, comme l'explique saint Thomas, est l'aspect vicieux du désir de savoir (Summa Theologica, II-II, q. 167), est une maladie de l'esprit dont tout catholique doit se prémunir. C'est la raison pour laquelle nous ne jugeons pas nécessaire de faire connaître son livre et ses articles, sans que cela ne nous soit reproché.
La raison pour laquelle le silence a accompagné son "enquête" sur le conclave de 2013 réside également dans le fait qu'il prétend parler d'une question non seulement grave, mais dramatique concernant la vie de l'Église, sans avoir la moindre compétence pour le faire. En fait, Cionci n'a aucune connaissance théologique ou canonique, mais il semble surtout manquer de ce bon sens, avant même cet esprit catholique, qui est une condition nécessaire pour traiter des questions délicates et complexes qui touchent la vie des âmes. Les "experts" auxquels il se réfère pour justifier ses thèses sont cités à tort et à travers, car aucun d'entre eux ne les partage. Et le seul art dont il se révèle maître est malheureusement celui du sophisme.
L'abdication de Benoît XVI et la manière dont elle s'est déroulée sont considérées par de nombreux universitaires et même des membres éminents du Sacré Collège comme une grave erreur, tandis que pour Cionci, il s'agit d'une manœuvre astucieuse du "pape émérite" pour acculer son rival François. Cionci a inventé l'expression "auto-empêchement" pour décrire une situation sans précédent dans laquelle Benoît XVI, le seul vrai pape, lutte secrètement contre l'usurpateur Bergoglio. Selon lui, le pape Benoît s'exprime de manière cryptique, à travers une communication codée que seul Cionci est capable de déchiffrer.
Mais si le langage de Benoît XVI est délibérément secret, on ne voit pas pourquoi Cionci, qui est un de ses admirateurs, le révèle au monde entier. Benoît, directement ou par l'intermédiaire de son secrétaire, Monseigneur Georg Gänswein, a démenti à plusieurs reprises la thèse selon laquelle il est toujours le pape régnant, mais chaque démenti est une confirmation pour Cionci, car, selon lui, si Benoît confirmait publiquement son plan, il dévoilerait le jeu auquel il joue. Et si Benoît devait dire que Cionci est fou, il serait prêt à déclarer que, dans un sens spirituel, la folie peut représenter le passage vers un haut niveau de connaissance. Ce n'est pas une coïncidence si, dans les cartes du Tarot, le "fou" change de signification selon la façon dont il apparaît dans la pièce, positif s'il est droit, négatif s'il est à l'envers.
Cionci affirme que le professeur Roberto de Mattei, rédacteur en chef de Corrispondenza Romana, "n'a pas saisi que la question de la légitimité de Bergoglio est canonique, des années-lumière avant d'être théologique". En fait, c'est précisément le droit canonique, avant même la doctrine théologique, qui rend inconsistante la thèse de Cionci selon laquelle l'Église catholique est proche de sa fin, en raison d'une succession illégitime à la papauté. Cionci semble ignorer que l'Église est nécessairement, et par sa nature même, une société visible. Pie XII l'exprime en ces termes : "L'Église catholique est le grand mystère visible, car visible est son chef sur terre, le Vicaire du Christ, visibles sont ses ministres, visible sa vie, visible son culte, visible son œuvre et son action pour le salut et la perfection des hommes" (Discours du 4 décembre 1943).
Si l'Église catholique n'était pas visible, elle ne pourrait pas être reconnue, et elle peut et doit être reconnue par tout homme sur terre précisément en raison des propriétés visibles qui la caractérisent. Cette visibilité est donnée avant tout par la succession apostolique, un caractère que l'on ne trouve que dans l'Église catholique romaine. Ceux qui proclament l'interruption de la succession apostolique s'inscrivent dans le sillage des innombrables conventicules hérétiques dont saint Alphonse-Marie de Liguori a fait un recueil exhaustif et toujours actuel (Storia delle eresie colle loro confutazioni, Phronesis, Palerme 2022). Dans l'orgueil, note saint Augustin, ont leur racine toutes les hérésies et les apostasies de la foi (Sermo 46, n° 18).
Seul un homme plein de vanité peut faire passer sa propre opinion avant le jugement de l'Église universelle fondée par Dieu. Pour mortifier cette forme d'orgueil de l'esprit qu'est la vana curiositas, il pourrait être utile de remplacer les lectures du matin ou du soir de tant de blogs pseudo-catholiques par les méditations éclairantes sur l'Avent du grand abbé de Solesmes, Dom Prosper Guéranger (1805-1875). Les paroles de la Liturgie expliquées par don Guéranger parlent de ténèbres que Dieu seul peut dissiper et de blessures que seule sa bonté peut guérir : ce sont les blessures de l'Église et ce sont les ténèbres dans lesquelles est plongé quiconque refuse d'accepter son Mystère.