Écrit par Andrea Cionci (28/02/2022) - Traduction française autorisée: père Walter Covens
L'image de l'hélicoptère blanc qui, en ce jour fatidique il y a neuf ans, a transporté le pape actuel, Benoît XVI, du Vatican à Castel Gandolfo, où il devait faire ses adieux au monde, est restée gravée dans la conscience collective.
Le 28 février 2013, en effet, est entré en vigueur ce qu'il avait annoncé dans la Declaratio (ICI) 17 jours plus tôt, c'est-à-dire la renonciation au ministerium, c'est-à-dire sa "démission" du SEUL pouvoir pratique, qu'il rendrait lui-même visible en gardant, outre le nom pontifical, la robe blanche de pape, privée de deux éléments, la mozzetta et la fascia (ceinture), symbole des deux fonctions du ministerium auxquelles il avait renoncé : annoncer l'Évangile et gouverner la barque de Pierre ICI.
Ce n'était pas du tout une abdication puisque, comme nous l'avons dit plusieurs fois, la renonciation à la papauté, selon le canon 332.2, doit se faire au munus pétrinien, c'est-à-dire à l'investiture, au titre d'origine divine et doit être simultanée.
Le pape Benoît, en revanche, a fait exactement le contraire : il a reporté la renonciation à son ministerium, l'exercice du pouvoir, jusqu'au 28 février, ce qui l'a envoyé dans la SEDE IMPEDITA (canon 412) où le pape est prisonnier, enfermé et non libre de s'exprimer, mais reste pape à tous les effets. Par conséquent, puisqu'il n'a pas abdiqué, le conclave qui a élu Bergoglio était nul et non avenu.
Il est curieux qu'une semaine après que nous ayons évoqué pour la première fois la question du siège empêché (18 août 2021), la publicité ait été donnée à l'étude de la canoniste Geraldina Boni "“Una proposta di legge sulla sede romana totalmente impedita e la rinuncia del papa” (Proposition de loi sur le siège romain totalement empêché et l'abdication du Pape), suivie un mois plus tard (28 septembre) par le groupe d'étude - comme par hasard - "Sul Papa emerito e papa impedito" (Sur le Pape émérite et le Pape empêché) mis en place par l'Université de Bologne : https://www.acistampa.com/story/papa-emerito-e-papa-impedito-un-gruppo-di-studio-per-colmare-due-vuoti-giuridici-18100.
Nous avons récemment illustré ICI comment la division de la fonction papale en deux entités, munus et ministerium, a été introduite par le cardinal Ratzinger dès 1983 : un système anti-usurpation parfait inspiré du droit princier allemand (Fürstenrecht).
Et c'est pourquoi Benoît a pris l'hélicoptère le 28 février. Lisez ce qu'écrit Peter Seewald dans Dernières conversations, (Arthème Fayard/Pluriel, 2016) :
"Votre départ en hélicoptère s'inscrivait également dans cette dramaturgie, vu de l'extérieur en tout cas. On pourrait dire que jamais encore un pape n'est monté aux cieux de son vivant...
(Le pape rit)".
"Le pape" - c'est ainsi que Seewald le décrit en 2016, soit trois ans après sa prétendue démission - "rit" car il a mis en scène une "dramaturgie". Et de quoi s'agissait-il ?
Nous l'avons déjà écrit ICI : Benoît XVI a pris l'hélicoptère pour laisser le Siège VIDE, LIBRE, INOCCUPÉ - et non VACANT - puisque c'est ainsi que le verbe VACET se traduit littéralement en latin.
Et immédiatement après, le Pape Ratzinger a ajouté une autre phrase objective à la Declaratio :
"le conclave pour l’élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il appartient de le faire."
En fait, comme l'a récemment mis au point le latiniste Gian Matteo Corrias, la traduction française qui avait été faite ("le Conclave pour l'élection du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué, par ceux à qui il appartient de le faire") est incorrecte parce que c'est seulement le Cardinal Doyen qui convoque le Conclave, donc on aurait dû traduire : "par celui à qui il appartient de le faire". La phrase, cependant, avec un usage très raffiné du latin, se réfère précisément à "certains cardinaux", seulement à CEUX qui sont en charge.
Et qui seraient-ils ? Le pape Benoît écrit ainsi parce qu'il laisse le Siège vide, inoccupé, et ne recommande qu'une seule chose : "Sachez que le prochain vrai pape devra être élu seulement par quelques cardinaux, les vrais, c'est-à-dire ceux nommés par moi avant 2013 et non par ceux nommés par quiconque occupera, à ma place, illicitement, le Siège de Rome, le Siège de Saint-Pierre (termes qui n'existent pas en droit canonique, comme l'a fait remarquer le juriste Arthur Lambauer, puisque la terminologie exacte est Siège Apostolique). En fait, si un conclave devait se tenir aujourd'hui avec les 70 cardinaux invalides nommés par l'Antipape François, un autre Antipape serait élu, comme le confirme le professeur Antonio Sànchez de l'Université de Séville ICI.
La phrase par laquelle, peu avant de prendre l'hélicoptère, Benoît XVI a salué les cardinaux (ICI) en disant :
"Et parmi vous, parmi le Collège cardinalice, se trouve également le futur Pape, auquel je promets dès aujourd’hui mon respect et mon obéissance inconditionnels."
le confirme encore. Il a ainsi laissé entendre qu'un successeur légitime devrait être choisi uniquement parmi ces VRAIS cardinaux, désignés par lui-même ou par Jean-Paul II et non par d'éventuels antipapes. Un successeur qu'il attend encore, en vue, peut-être, de sa future abdication, mais plus probablement il a accepté docilement la réponse du prochain vrai pape (qui ne sera choisi que parmi les vrais cardinaux) sur son propre Siège empêché. Avec ce geste préventif - subtil et ingénieux - le pape Ratzinger a dit la vérité : les autres pensaient qu'il avait juré obéissance à Bergoglio, mais il ne l'a jamais fait, comme il l'a mis sur papier dans Dernières Conversations où il a répondu au journaliste Seewald en ces termes :
"En prenant congé de la curie, comment pourrait-il ensuite jurer obéissance absolue à son futur successeur ? La réponse de Benoît XVI : "Le pape est le pape, peu importe qui c'est".
Le Saint Père Benoît avait fixé l'heure X de l'entrée en vigueur de sa renonciation au ministère à 20 heures, heure du dîner, il était donc parfaitement justifié de prendre congé du monde dans l'après-midi, tôt, à 17h30, ce qui lui donnerait la possibilité de ne rien ratifier après 20 heures, comme le souligne le livre du théologien Carlo Maria Pace ICI.
À 17 h 30, il se présente au balcon de la résidence papale d'été et salue en ces termes :
"Vous savez que cette journée pour moi est différente des précédentes ; je ne suis plus le Pontife Souverain de l’Eglise Catholique. Jusqu’à 20 heures ce soir je le suis encore, mais après je ne le serai plus."
Il dit qu'il ne sera plus "pontife souverain", alors que le titre papal est "SOUVERAIN PONTIFE" (Summus Pontifex) : il n'y a pas discussion possible. Le "Pontife Souverain" N'EXISTE PAS.
Le sens, cependant, dans le pur Ratzinger Code, est très clair : il ne sera plus un pontife souverain, c'est-à-dire qu'il ne sera plus celui qui sera placé à la place la plus haute, la plus isolée et la plus importante, mais il restera un pontife caché, un ermite, caché sous l'institution de la papauté émérite. Il y aura quelqu'un d'autre qui occupera la place la plus élevée et la plus grande. Pour être précis, un antipape, ou pape illégitime.
Pour se distinguer de ce pape illégitime, avec lequel il partage une sorte de " ministère élargi" ; un lien théologique (pensez à Jésus avec Judas) comme le laissera entendre Monseigneur Gänswein ICI dans son discours de 2016 ("il n'y a qu'un seul pape légitime mais deux successeurs vivants de Saint Pierre") Benoît assume le titre de "pape émérite", qui n'existe pas canoniquement ICI, mais qui sémantiquement a un sens parfaitement clair. Emeritus vient du verbe emereo et signifie celui qui mérite, qui a le droit d'être pape.
De cette manière, le pape Benoît XVI, contraint de s'écarter du chemin des puissances fortes et de la mafia de Saint-Gall, qui, comme l'a admis l'un de ses membres ICI, le cardinal Danneels a fait de Bergoglio son propre champion, a vaincu ses ennemis, les laissant, dominés par leur soif de pouvoir, devenir antipape et schismatiques.
Ce faisant, le Saint-Père a sauvé l'Église catholique, et peut-être pas seulement cela.