Rendre hommage à Louis Bouyer en accompagnant sa pensée de celle de Joseph Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, est aussi souligner à quel point l’éminent théologien français fut, de par sa culture encyclopédique, en symbiose avec des penseurs divers, dont certains d’Allemagne, et surtout comment il chemina en des périodes ecclésiales troublées avec le futur Pape dans la création même de Communio. Le cardinal Ratzinger soulignait justement ce fait dans une de ses conférences de 2002 lors du Congrès eucharistique de Bénévent 1. Rappelant l’origine de Communio, il cite les noms d’Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar, Louis Bouyer et Jorge Medina. Et il continue en soulignant que l’Église n’est pas d’abord concilium 2 mais koinonia, non pas simplement horizontale mais d’abord verticale puisque la communio s’enracine en premier lieu dans le Saint Sacrement de l’Eucharistie 3.
Comment aspirer à une véritable communion, avec Dieu et avec autrui si la liturgie n’est plus comprise comme « l’expression traditionnelle du mystère chrétien dans toute sa plénitude de source jaillissante » 4? Louis Bouyer, zélé pour l’édification de la communio, constate que l’instrument a disparu ou a été singulièrement défiguré :
« ... Il faut dire les choses sans ambages : il n’y a pratiquement plus de liturgie digne de ce nom, à l’heure actuelle, dans l’Église catholique. La liturgie d’hier n’était plus guère qu’un cadavre embaumé. Ce qu’on appelle liturgie aujourd’hui n’est plus guère que ce cadavre décomposé 5. »
Dans sa première oeuvre magistrale qui suivit de peu sa conversion au catholicisme, il avait averti : « Gardons-nous donc contre la tentation de substituer à la liturgie vivante une reconstitution archéologique. Mais sachons retrouver, dans les sources historiques de notre liturgie présente, l’inspiration qui nous permettra de lui rendre, adaptée à notre temps, la chaude atmosphère de la vie. Alors les plis cassants de sa robe hiératique retrouveront leur antique souplesse et les traits raidis de son masque impassible se fondront dans la lumière d’un divin sourire 6. » Ce divin sourire promis par une liturgie respectueuse du sacré est le signe que ce qui est en jeu est bien la relation d’amour entre Dieu et l’homme. L’abandon de la tradition vivante ne précipite pas la communion, elle en précipite au contraire l’impossibilité majeure.
Certains hommes d’Église, à la suite du monde, ont dangereusement remplacé la continuité vivante par le changement, le mouvement chaotique, les vents contraires 7, abandonnant toute référence au passé, à ce qui provient de la Révélation. Les croyants sont tributaires du culte qui les a précédés qu’ils reçoivent comme un héritage de vie. « La liturgie, c’est la vie de prière et d’adoration d’une communauté unique : le Corps mystique du Christ, qui progresse à travers l’histoire à partir d’une source unique, l’enseignement et l’action salvatrice de Notre Seigneur, toujours actifs en nous grâce à l’Esprit saint 8», écrit Louis Bouyer.
En amont : le sacré
Louis Bouyer a toujours soutenu que la réalité du sacré ne pouvait être comprise dans sa diversité et complexité que par une étude phénoménologique sur la base d’une histoire comparée des religions. Il consacrera, entre autres écrits, tout un volume à cette question 9. Ses auteurs de référence à ce sujet sont R. Otto, G. Van der Leeuw, Mircea Eliade. La séparation, opérée par le protestantisme d’Albert Ritschl et les disciples de Karl Barth, puis par un certain catholicisme, entre foi et religion, entre transcendance et immanence, entre la grandeur de Dieu et la réalité de la création, conduit à une « athéologie », à un naturalisme radical, à un théisme « acosmique » qui rejettent Dieu.
Le désir d’obtenir un christianisme tel, purifié de ses élémentshumains, ne permet plus au divin de trouver là où se reposer. Or, rien de plus essentiel au christianisme que d’être la réconciliation, selon les mots de saint Paul, de l’homme avec Dieu que Dieu luimême opère 10. Le sacré précède le religieux, lui permet d’être car il est la manifestation rémanente de la présence, de l’activité de Dieu, signe révélateur de son existence. Il est donc essentiel au religieux, unité de toute notre existence dans notre relation au monde, qui a sa source directement en Dieu : « Refuser le sacré, c’est refuser à Dieu toute possibilité de se manifester dans le monde qu’Il a créé. Vouloir donc un christianisme où toute sacralité serait dépassée ou abolie, c’est vouloir un christianisme où Dieu ne serait plus nommé ni nommable ni exprimable, fût-ce par simple allusion. Qu’on le veuille ou non, le rejet du sacré aboutit donc à ce qu’on a appelé la “mort de Dieu”, mais qu’il faudrait appeler tout simplement “l’oubli de Dieu 11 ”. »
Transfiguration du sacré païen, le sacré hébreu, puis le sacré chrétien rétablissent l’union perdue entre Dieu et l’homme. Nous sommes là dans un domaine qui échappe à ce qui est passager, d’où la nécessité de maintenir la stabilité de la liturgie, qui exprime ce qui est inaliénable dans la relation entre le Créateur et ses créatures. Joseph Ratzinger déclarait à ce sujet : « La liturgie n’est pas un show, un spectacle qui ait besoin de metteurs en scène géniaux ni d’acteurs de talent. La liturgie ne vit pas de surprises “sympathiques”, de “trouvailles” captivantes, mais de répétitions solennelles.
Elle ne doit pas exprimer l’actualité et ce qu’elle a d’éphémère, mais le mystère du Sacré 12. » Comme le langage du sacré naturel chrétien a été capable de dire des choses jamais dites jusque-là, ce langage ne peut pas être transformé au gré des humeurs et des modes, sinon c’est toute la compréhension du mystère divin et de son lien avec l’homme qui en pâtit. Bouyer et Ratzinger ne croient pas au bénéfice de la démythologisation prônée par Bultmann. La Parole divine, qui ne peut s’exprimer qu’humainement, fait éclater le mythe (dont l’utilité fut grande pour garder au coeur de l’homme la nostalgie de ce qu’il avait perdu lors de la chute) et le refond de façon radicale 13.
La Révélation utilise les mêmes mots mais fait apparaître quelque chose de radicalement nouveau, comme le grand poète est capable de faire jaillir du vocabulaire courant des images inspirées. Aussi les symboles et les rites chrétiens reprennent-ils ce qui les a précédés mais ils sont chargés de la plénitude de la réalité. Le mythe peut être faussé dans l’interprétation qu’il donne de la réalité, mais les symboles qu’ils utilisent demeurent. La pensée humaine n’est donc pas uniquement rationnelle, mais aussi symbolique 14.
Bouyer remarque que les Pères de l’Église ont grandement fait profit de la pensée symbolique, ce qu’Hugo Rahner appelait la « théologie nautique 15», à savoir l’assimilation chrétienne des symboles contenus dans les poèmes homériques. À leur suite, Louis Bouyer cherchera dans les mythes ce qui peut être éclairé chrétiennement 16. C’est pour lui une condition essentielle afin d’échapper au déchirement humain entre Dieu et le péché. Le refuser c’est s’exposer au Mal en faisant comme s’il n’existait pas et l’épouser en se divinisant, comme ce qui advint avec le communisme et le nazisme : «L’homme ne peut pas ne pas vivre dans un monde de symboles car telle est sa situation d’être spirituel immergé dans le cosmos. Si on lui refuse les mythes vraiment fondamentaux et explicitement religieux qui, une fois refondus, seront comme des pierres d’attente pour l’arrivée au christianisme, alors il produira des mythes démoniaques, ceux de sa propre divinisation, obtenue par sa propre force et l’éviction de Dieu 17» avertit Bouyer. Celui qui prétend s’affranchir du mythe, de ce que le mythe contient de sain pouvant dévoiler le saint, se condamne à refuser le sacré, à repousser le divin, à ne pas accepter la Révélation. La puissance diabolique prend le dessus. Telle est la situation du monde contemporain qui a rejeté le mythe et le sacré et qui est dès lors envahi par un retour du mythe dans ce qu’il possède de plus primaire et démoniaque 18.
Louis Bouyer ne cache pas son inquiétude face à ce mouvement qui touche aussi l’Église de l’intérieur : « Ceux qui prétendent l’humaniser (l’Église) en la détachant du sacré, du religieux, de la transcendance, la livrent en fait à ce repliement sur soi qui est l’essence même du péché dont l’aboutissement, lorsque l’occlusion est complète, est la damnation... 19»
Avant d’atteindre l’abîme dont parle Bouyer, la conséquence pratique visible est le nivellement des actes liturgiques réduits à des auto-célébrations qui ne se différencient plus de la multitude des « fêtes » instituées par une société qui désire combler son vide métaphysique et religieux 20.
Le cardinal Ratzinger commentait sévèrement : « Une certaine liturgie post-conciliaire, devenue opaque et ennuyeuse à cause de son goût pour le banal et le médiocre, au point de donner le frisson... 21. »
Le culte qui provoque un tel tremblement d’horreur n’a plus guère de lien avec le sacré ; il est le culte de l’homme par lui-même. Le culte introduit Dieu dans l’ordre social qui, sans lui, diminuerait l’homme 22. Telle est l’expérience du peuple d’Israël dont le culte dépasse l’acte liturgique et ordonne l’existence humaine dans sa totalité, la préparant déjà, l’introduisant dès maintenant, à une anticipation de la vie future et éternelle. Cette ouverture vers le ciel donne son envergure à la vie présente. Sans elle, l’existence serait emmurée, vide, désespérante. Et lorsque le culte tombe dans l’aberration de l’adoration du veau d’or, il y a apostasie puisqu’il est un culte qui n’est pas reçu d’en-haut mais qui se crée lui-même, se célèbre avec délectation et se déclare tout-puissant.
Joseph Ratzinger, l’appliquant à nos dérives contemporaines au sein de l’Église, note : « Le récit du veau d’or constitue sans doute un avertissement : il dissuade de toute forme de culte arbitraire et égocentrique, où il ne s’agit finalement plus de s’approcher de Dieu mais de se fabriquer de toutes pièces un monde alternatif. À ce stade, la liturgie n’est plus qu’un jeu 23 vide de contenu. Pire encore, c’est une apostasie sous le manteau du sacré. Que peut-il en résulter si ce n’est un sentiment de frustration, une sensation de vide – très éloignés de l’expérience libératrice qui toujours se produit lors de la véritable rencontre avec le Dieu vivant 24. »
Dans l’Histoire sacrée, trois étapes ont été repérées par les Pères lisant les Saintes Écritures 25 : de l’ombre à l’image, puis de l’image à la réalité. Nous situant entre l’image et la réalité, nous avons besoin des symboles qui nous relient à ce qui est en même temps déjà présent et encore caché en partie. Voilà pourquoi nous avons encore besoin, aveugles partiels que nous sommes, d’un lieu sacré, d’un temps sacré, de signes, de symboles car ce sont eux, images, qui nous entrouvrent les cieux.
Joseph Ratzinger compare ce moment à la marche du Bon Pasteur qui nous a pris sur ses épaules et qui nous ramène à la Patrie perdue : « La liturgie accomplit le renversement de l’exitus au reditus, de la dispersion au recueillement, de la descente de Dieu à notre ascension. Grâce à elle, le temps terrestre entre dans le présent du Christ. Elle est le grand tournant dans le processus de la rédemption. Le berger prend la brebis perdue sur ses épaules et la ramène à la maison 26. »
Une telle conception s’éloigne radicalement des théories sociologiques de la religion développées par Lévy-Bruhl et Durkheim 27. Le mythe et les symboles qui introduisent peu à peu au sacré ne sont pas d’abord étiologiques mais bien cultuels. Le rite n’est pas une action artificielle, en dehors de la vie rationnelle et de la vie tout court, mais il est essentiellement vital, donnant son sens à l’existence, découvrant la présence de Dieu à l’homme, à l’univers, et ainsi la présence de l’homme au cosmos 28.
Louis Bouyer conclut en affirmant : « C’est pourquoi le sacré, c’est-à-dire tout ce qui évoque en ce monde la mystérieuse réalité divine, doit être considéré comme à l’origine des efforts de l’homme aussi bien pour concevoir sa situation dans le monde que pour s’y établir : se rendre maître de sa propre vie en se soumettant à la loi, ou pour mieux dire l’inspiration fondamentale, de toute vie, de tout être 29. »
L’essence de la liturgie
La particularité de la théologie chrétienne est d’être eucharistique, ceci contrairement à toutes les autres religions qui opposent toujours l’action de grâces pour les biens reçus de Dieu et la louange vis-à-vis de sa transcendance 30. La liturgie révèle donc à l’homme qu’il est adopté par Dieu, ainsi que toute la création.
Louis Bouyer souligne : « Son objet (de la prière eucharistique) n’est-il pas que l’homme devienne enfant de Dieu et que tout le cosmos dont l’homme est indétachable, non seulement soit adopté en son Fils unique, mais, si l’on peut dire, épouse en celui-ci sa propre filiation ? 31»
Le fruit recueilli est ainsi le plus précieux qui soit. La liturgie est vraiment catholique, universelle, embrassant en un même geste hommes et cosmos. La réduire à une action personnelle, indépendante de la tradition à laquelle elle appartient, revient à priver l’univers de ce qui le fait vivre, ni plus, ni moins.
Joseph Ratzinger insiste : « La catholicité n’est pas simplement un débordement pléromatique, encore moins un appareil extérieur pour l’organisation de l’ensemble. Elle est une dimension interne centrale du mystère eucharistique lui-même. Et il ne faut pas la séparer de l’apostolicité. La condition de l’apostolicité c’est la catholicité ; le contenu de la catholicité, c’est l’apostolicité 32. »
Louis Bouyer et Joseph Ratzinger partagent tous deux la conviction – qui devrait couler de source pour tout croyant mais qui hélas n’est plus une évidence –, qu’on ne dispose pas de l’Eucharistie et de la liturgie comme on veut, sinon le souci de l’unité et de l’universalité disparaît. Lorsqu’on réduit ou évince la dimension catholique de la liturgie, cette dernière ne cesse de bouger, de s’appauvrir, de se transformer en nombrilisme de communautés 33.
Le cardinal Ratzinger poursuit : «L’Eucharistie devient alors un repas communautaire, le lieu où se réalise la communauté en y trouvant le symbole de l’action réciproque de ses membres (...) En même temps que la sacramentalité, la sacralité apparaîtra vite comme une notion choquante, et on voit se dessiner en fait, en lieu et place du service sacramentel, une organisation qui décide d’elle-même et ne peut plus alors proposer que des fonctions et non plus de véritables vocations. Le danger s’avère alors menaçant de voir la communauté se muer en un simple club 34. »
Méditant sur la signification symbolique et artistique de la chaire de saint Pierre du Bernin dans la basilique du Vatican, alors qu’il n’est pas encore Souverain Pontife, Joseph Ratzinger insiste sur le fait que l’Eucharistie constitue le fondement de l’Église et que l’ordre, comme l’amour, lui est inhérent. Cet ordre présent dans l’Eucharistie est même, selon lui, le « noyau dur » de l’ordre de l’Église. La chaire de saint Pierre renvoie à cette unité de l’ordre et de l’amour présidant à la sainte liturgie : « Elle indique que la messe est au centre même de l’Église, que l’Église ne peut faire qu’un avec le Christ crucifié eu “égard” à la communauté qu’elle forme avec lui. Son unité ne saurait être garantie par une quelconque disposition organisationnelle (...) L’Église n’est pas gouvernée par des décisions à la majorité, mais par la foi qui mûrit dans la rencontre eucharistique avec le Christ 35. »
Et plus loin, il ajoutera que le trône de l’Eucharistie n’est pas un trône de domination mais la chaise inconfortable du service avant de conclure par ces lignes : « (...) La Messe peut être comparée à la lumière éternelle pénétrant dans notre monde et comme le son de la joie de Dieu retentissant ici bas. C’est en même temps la manière que nous avons de venir toucher l’éclat réconfortant de cette lumière à partir de la profondeur de nos interrogations et de nos troubles. La Messe est l’échelle menant de la foi à l’amour et ouvrant ainsi le regard sur l’espérance 36. »
Louis Bouyer, quant à lui, utilise la Parabole de l’enfant prodigue pour illustrer le mouvement qui nous porte à la liturgie. Tout chrétien ne vit que pour ce retour au Père. La Messe est ce qui dresse devant chaque croyant le mystère de la Parole divine qui le cherche et l’appelle. Et qui le broie pour le recréer dans l’immolation eucharistique, le rendant conforme à la Croix du Christ, le transformant en un autre Christ. C’est ainsi que la Messe est Eucharistie, c’est-à-dire action de grâces exultante, jubilante pour ce retour vers Dieu, pour cette redécouverte de la beauté de la création : « Malgré son aspect initial, fondamental, d’immolation, la Messe ainsi comprise, comme le retour à Dieu enfin réussi de l’humanité prodigue et perdue loin de lui, déborde et ruisselle de joie. C’est en elle, c’est-à-dire en y participant, en y faisant, par une foi vive, rentrer toute notre vie, que nous comprenons comment la liturgie peut dire que par le bois de la croix, la joie est venue au monde 37. »
Si la liturgie, dans tous ses sacrements, est communion à la Croix du Christ, elle pâtira à chaque fois que la foi christologique devient vague, plonge de nouveau dans quelque hérésie ressortie des placards.
Le cardinal Ratzinger pense que le renouveau et la restauration liturgiques passent par la question présente en l’Évangile de saint Matthieu : « Qui est pour vous le Fils de l’homme ? 38» Il affirme : « La théologie et la pratique de la liturgie ne peuvent connaître un développement fécond qu’en étroite connexion avec la christologie 39. » Il rejoint la conviction de Louis Bouyer citée ci-dessus.
L’influence des Lumières amènera peu à peu bien des croyants à ne plus voir que le Christ historique d’hier, écartant saint Paul et même les synoptiques, afin de garder un Jésus véritable qui n’a jamais existé que dans l’abstraction. Le temps n’est pour eux que l’instant qui s’évanouit irrévocablement et rien ne peut être saisi. Or, l’Épître aux Hébreux insiste sur le fait que « Jésus est le même, hier et aujourd’hui ; il le sera pour l’éternité 40 ». Connaître le Christ est donc un chemin qui se déploie dans les trois dimensions du temps.
Joseph Ratzinger cite saint Augustin : «Viens au Christ toi aussi... Ne pense pas à de longs voyages... C’est par l’amour seul, non en parcourant les mers, qu’on le rejoint, lui, l’omniprésent. Mais parce que ce voyage comporte suffisamment de vagues et de tempêtes de tentations les plus diverses, pense au crucifié, pour que ta foi puisse monter sur le bois. Alors tu ne sombreras pas... 41»
Seule la foi dans ce Christ peut conduire à un sursaut salutaire dans le domaine liturgique. Si le Fils de Dieu n’est pas venu dans le monde pour nous sauver du péché en mourant sur la Croix, si son agonie n’est pas jusqu’à la fin des temps – pour reprendre des termes pascaliens –, alors l’objet premier du culte n’est pas le Dieu de Jésus-Christ, mais le « nous » de ceux qui célèbrent, à commencer par le « moi » du prêtre 42. Dans une telle liturgie, l’adoration et le sacrifice n’ont plus raison d’être : « Il s’agit (...) pour les participants de s’assurer de leur communauté mutuelle et de sortir ainsi de leur isolement, dans lequel l’existence moderne enferme l’individu. Il s’agit de nourrir des sentiments de libération, de joie, de réconciliation, de dénoncer ce qui est nuisible et de donner des impulsions pour l’action. C’est pourquoi il revient à la communauté de créer elle-même sa liturgie et non de la recevoir de traditions devenues incompréhensibles ; la communauté se représente et se célèbre elle-même 43. » Une telle manière de faire est à l’opposé d’une conception de la liturgie telle que celle de Romano Guardini qui la considérait comme la vie devenue art 44.
Tel est aussi l’esprit qui guidait Louis Bouyer dès 1943, c’est-àdire juste après sa conversion et un an avant son ordination comme prêtre catholique, dans sa fameuse lettre au Père Pie Duployé o.p, au moment de la fondation du Centre de pastorale liturgique 45. Il émet le triple souhait de rendre et de cultiver l’intelligence de la liturgie, d’y apporter une explication historique revivifiante et non point fastidieuse ou archéologique et enfin de donner accès à tout le monde spirituel dans lequel elle baigne. Il semble bien que ce triple but n’ait pas été atteint pour des raisons qui tiennent à la crise de l’autorité au sein de l’Église alors que la réforme liturgique était en cours et à la main mise sur la liturgie par des éléments dont le but premier était de remplir leur propre agenda et non pas de redonner du lustre à l’oeuvre d’art léguée par les siècles de foi. Louis Bouyer constatera tristement au fur et à mesure que les années s’écoulent : «La liturgie catholique a été renversée sous le prétexte qu’elle ne pouvait plus être acceptée par les masses sécularisées 46. »
Pour un renouveau de la liturgie
Pour les deux théologiens qui nous intéressent ici, il ne fait pas de doute que la liturgie présuppose que le ciel s’ouvre, se déchire, sinon elle n’est qu’un jeu de rôle où il ne se passe rien. La liturgie est un opus Dei, agir de Dieu sur nous et avec nous. Romano Guardini soulignait le fait que l’essentiel de la liturgie n’est pas de faire quelque chose, mais d’être. L’activité n’est pas une valeur du tout 47. Elle cache souvent une interprétation fausse de ce qu’est l’Église.
Comme la liturgie doit procéder d’une christologie catholique, elle doit aussi naître d’une ecclésiologie catholique où l’Église n’est pas vue que comme une institution, une bureaucratie cultuelle et où le sacerdoce n’est pas considéré comme la monopolisation de privilèges sacrés.
Le cardinal Ratzinger écrit : « Si nous voulons que la liturgie survive, voire se renouvelle, il est élémentaire que nous redécouvrions l’Église. J’ajouterai : si nous voulons libérer l’homme de son aliénation, si nous voulons qu’il redécouvre son identité, il est indispensable qu’il redécouvre l’Église, qui n’est pas une institution misanthrope, mais ce nouveau Nous hors duquel le Je ne peut trouver son enracinement et sa demeure 48. »
En effet, le véritable sujet de la liturgie est l’Église, communio sanctorum de tous les temps et de tous les lieux. Aussi, non seulement la liturgie n’est-elle pas créée par l’arbitraire d’un individu ou d’un groupe mais plus profondément encore déploie-t-elle trois dimensions ontologiques, décrites par Guardini et que l’on retrouve dans toute l’oeuvre de Bouyer et de Ratzinger : le cosmos, l’histoire et le mystère.
Ratzinger constate que la liturgie qui n’est pas enracinée dans ces trois éléments déraille : «La liturgie de groupe (...) n’est pas cosmique, elle tient sa vie dans l’autonomie du groupe. Elle n’a pas d’histoire : ce qui la caractérise c’est précisément l’émancipation par rapport à l’histoire et le faire par soi-même, même si l’on utilise des décors historiques. Et elle ne connaît pas le mystère, parce que tout s’y explique et doit être expliqué. C’est pourquoi le développement et la participation lui sont aussi étrangers que l’obéissance, qui ouvre sur un sens qui surpasse le seul explicable.
En lieu et place de tout cela, nous avons maintenant la créativité, qui tente de confirmer l’autonomie de ceux qui se sont émancipés 49. » La liturgie enracinée dans la christologie et l’ecclésiologie catholiques est le fruit d’un développement historique continu et naturel 50.
Ce processus millénaire a été brisé dans les dérives post-conciliaires : « À la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication, produit banal de l’instant 51 ».
Si la christologie et l’ecclésiologie sont ébranlées, la crise de la liturgie ne peut qu’advenir, renforcée encore par le trouble secouant le corps sacerdotal pour lequel la passion de la vérité semble parfois faire défaut.
Le cardinal Ratzinger cite Bernanos à ce propos lorsque ce dernier dépeint le personnage de l’évêque Espelette : « La hardiesse de ce prêtre ingénieux n’abuse toutefois personne que lui. Sa lâcheté intellectuelle est immense (...) Hélas ! nul n’est moins digne d’amour que celui-là qui vit seulement pour être aimé. De telles âmes, si habiles à se transformer au goût de chacun, ne sont que des miroirs (...) Je suis de mon temps, répète-t-il, et de l’air d’un homme qui rend témoignage à lui-même (...) Mais il n’a jamais pris garde qu’il reniait ainsi chaque fois le signe éternel dont il est marqué 52. »
Lorsque la souffrance de la vérité est repoussée par un prêtre, une communauté, la liturgie se construit sur du sable et devient mouvante comme lui 53. Lorsque le Je du Christ par la personne du prêtre devient simplement le je du prêtre qui désire plaire à sa communauté ou bien lui imposer ses vues, le mystère eucharistique est dégradé en spectacle.
Le Père Louis Bouyer, avec son humour habituel qui ne lui valut pas que des amis dans le monde, s’écriait : « Que dire alors de ce nouveau type du prêtre-cabotin, attirant toute l’attention sur lui et pérorant comme un vulgaire bistrotier derrière son contoir (sic), pour le bénéfice d’une foule toute passive ? 54»
Or la liturgie est école de vérité et elle devrait transformer le prêtre dans les mystères sacrés qu’il célèbre. Le cardinal Ratzinger rappelait à des séminaristes : « Ce qui fait de l’Eucharistie une mission terrifiante, c’est que le prêtre est autorisé à parler avec le Je du Christ.
Devenir prêtre et être prêtre, c’est avancer constamment sur le chemin de cette identification. Nous n’en aurons jamais fini, mais si nous cherchons cette identification, nous sommes sur la bonne voie : sur la voie qui conduit à Dieu et aux hommes, sur le chemin de l’amour 55. » Pour que la liturgie retrouve son caractère sacré, il est nécessaire que le prêtre soit conscient du caractère sacré qui l’investit en dépit de sa faiblesse humaine. Il s’intègre alors, non pas à une communauté particulière soucieuse de son image et de se divertir, mais à la totalité de la contemplation cosmique, celle qui est imprimée sur les façades et les tympans de Moissac, Conques, Vézelay, Autun, Chartres et bien d’autres, celle qui s’exprime somptueusement dans la liturgie de Byzance et qui s’exprimait encore, il y a peu de temps de cela, dans le Rite Latin 56.
Le renouveau spirituel nécessaire de la liturgie passe par un retour au vrai sens et à la réalité de la Tradition. La constitution conciliaire sur la liturgie soulignait le fait que le culte chrétien est la méthode la plus efficace pour enseigner ce qu’est le christianisme 57.
En effet, tous les sens, et pas simplement l’intelligence, y sont invités et nourris : « (...) dans la liturgie, on ne comprend pas seulement de manière rationnelle, comme lorsque je comprends un cours, mais d’une manière complexe, avec tous les sens, et on est admis à une fête qui n’est pas inventée par une commission quelconque, mais qui vient à moi du plus profond des millénaires, et, en fin de compte, de l’éternité 58» précise Joseph Ratzinger.
Mais la pensée y est particulièrement aiguillonnée car la spiritualité et la liturgie ne peuvent être des domaines réservés aux émotions. Louis Bouyer souligne le danger qui guette un culte faisant fi de l’intelligence :
« L’effort pour faire une liturgie vivante abandonne non seulement la Tradition, mais aussi le dogme, la croyance révélée pour susciter des émotions en intéressant l’homme simplement à ses perspectives humaines, terrestres, et en ne voyant en Dieu que le moyen de galvaniser, d’auréoler d’un prestige nouveau, d’un éclat nouveau, la simple conscience que l’homme prend de lui-même et de ses possibilités 59. »
Voilà pourquoi rien n’est neutre dans l’utilisation liturgique de la langue, du vocabulaire, des symboles, de l’architecte, de la musique, des arts plastiques, de l’orientation dans l’espace, du silence, de la parole...
Ces notes n’ont pas pour objet de présenter les développements de Joseph Ratzinger et de Louis Bouyer quant à ces problèmes spécifiques, cruciaux pour une célébration vraiment sacrée. Il suffit de consulter leurs nombreux et éclairants écrits sur le sujet.
Un élément essentiel est bien sûr l’orientation de la célébration, toujours tournée vers la présence de Dieu. La direction de l’autel révèle, plus encore que la langue utilisée, la théologie sous-jacente. Il n’est pas étonnant que l’ouvrage du grand liturgiste Klaus Gamber, Tournés vers le Seigneur !, soit préfacé par le cardinal Ratzinger et postfacé par le Père Bouyer 60.
Ce dernier inspira d’ailleurs Gamber, comme il est repris aussi par Ratzinger, pour certains de ses ouvrages comme par exemple Architecture et liturgie 61.
L’adhésion de Louis Bouyer et de Joseph Ratzinger au mouvement liturgique en France et en Allemagne fut rapidement tempérée, puis atterrée, par les réformes instituées et les mises en pratique. Tous deux dénoncèrent très tôt les dérives provenant des travaux des commissions et des centres « spécialisés ». Ils furent des pionniers pour réclamer un mouvement liturgique capable de corriger les erreurs du mouvement liturgique !
Le cardinal Ratzinger avoue qu’il éprouva, bien avant le dernier Concile, une réserve vis-à-vis du rationalisme et de l’historicisme de certains représentants de la réforme liturgique. Conquis par le contenu de la constitution conciliaire sur la liturgie – alors qu’il était conseiller théologique du cardinal Frings –, il fut surpris et inquiet de la tournure quasi immédiate prise par la liturgie dans son application post-conciliaire : « Je ne pouvais prévoir que les aspects négatifs du mouvement liturgique réapparaîtraient de plus belle, conduisant tout droit à l’autodestruction de la liturgie 62. »
La liturgie, dans son état actuel – qui n’est pas irréversible –, est sans doute une des marques les plus visibles de l’enlisement de l’espérance et de l’amour qui touche le monde contemporain et par ricochet l’Église elle-même. Saint Paul parlait de la tristesse de ce monde conduisant à la mort 63, les Pères du désert combattirent l’acédie qui ronge le coeur et saint Thomas d’Aquin parle d’une indolence métaphysique qui est plus qu’un manque de goût mais plutôt le rejet de ce qui est bon et beau. Et le Docteur angélique de nommer les filles de l’indolence : désespoir, agitation vagabonde de l’esprit, verbosité, curiosité, inquiétude intérieure, instabilité du vouloir et de l’être, torpeur, pusillanimité, rancoeur, malice 64. Voilà une nombreuse famille qui reflète très justement la situation psychologique aujourd’hui la plus répandue en Occident.
Ce diagnostic est sévère mais il comporte son propre remède : « Seul le courage de retrouver la dimension divine de notre être et de l’accepter peut redonner une nouvelle stabilité intérieure à nos âmes et à notre société 65. » Il n’est pas étonnant que dans un tel marasme, alors que les filles de l’indolence ne cessent de nous entraîner dans la danse macabre, la liturgie soit la première à en souffrir. Mais de même, elle peut être un instrument privilégié de guérison si elle aide à diriger son regard vers le sacré. Tradition et renouveau vont de pair : « (...) Vouloir choisir entre les deux ou les opposer c’est exactement faire comme si on voulait qu’un chêne déploie sa ramure en coupant le plus qu’on peut ses racines. C’est au contraire dans la mesure où ses racines sont enfouies très profondément dans la terre que la ramure peut se développer plus amplement 66», note Louis Bouyer
Le temps est venu de retrouver ses racines, car toutes ne sont pas mortes et il suffirait qu’elles soient abreuvées pour que le chêne recouvre sa verdeur et continue à croître 67.
Conclusion : dans l’espérance
Le cardinal Hans Urs von Balthasar considérait le christianisme comme la religion du et, non point du ou, non point pour l’addition de choses qui resteraient extérieures l’un à l’autre ou pour la confusion des identités, mais pour une profonde communion. La liturgie exprime bien ce et. En effet, elle est la réconciliation, toujours actuelle et renouvelée de l’humanité et de la divinité du christianisme.
Louis Bouyer et Joseph Ratzinger ont su rappeler à l’Église, avec foi et brio, courage et ténacité, au coeur d’une crise sans précédent, qu’elle risquait de perdre son âme en bradant la liturgie, en évacuant le sacré. Chacun dans son domaine et en remplissant la vocation et la tâche qui leur étaient propres, ils n’ont cessé de réveiller notre intelligence, notre conscience. Louis Bouyer a rejoint les vieillards de l’Apocalypse et participe désormais, avec la grâce de Dieu, au choeur de la liturgie cosmique, après s’être battu comme Gandalf le Cavalier Blanc de Tolkien.
La Divine Providence a placé sur la chaire de saint Pierre, objet de méditation eucharistique du cardinal bavarois, Joseph Ratzinger. Désormais, Benoît XVI est à même de mettre en place les réformes qui s’imposent et qu’il appela de ses voeux dans son oeuvre de théologien, dans son coeur de prêtre :
« (...) L’Eucharistie est notre terre, elle est devenue notre part, celle dont nous pouvons dire : Le sort m’a attribué un enclos de délices et mon héritage est magnifique 68. »
L’un et l’autre, si proches et si concordants par la pensée, nous offrent les matériaux nécessaires pour restaurer ce que notre manque de foi a défiguré.
Semaine Sainte 2006
Communio, n° XXXI, 4 – juillet-août 2006
1. « Eucharistie-Communion-Solidarité » dans Chemins vers Jésus, Éd. Parole et Silence, Paris, 2004, 170 p., p. 110-132.
2. Joseph RATZINGER présente alors une critique de la vision de Hans Küng dans son livre Strukturen der Kirche 1962. La revue Concilium est née en 1965.
3. Chemins vers Jésus, p. 119.
4. Louis BOUYER, La décomposition du catholicisme, Aubier-Montaigne, Paris, 1968, 153 p., p. 145.
5. Ibid., p. 144.
6. Louis BOUYER, Le Mystère pascal, Éd. du Cerf, Paris, 1947, 472 p., p. 98.
7. À ce sujet voir par exemple les analyses de Philippe MURAY dans les volumes de ses Exorcismes spirituels, Les Belles Lettres.
8. Louis BOUYER, Architecture et Liturgie, Éd. du Cerf, Paris, 1991, 108 p., p. 11.
9. Le Rite et l’Homme, Éd. du Cerf, Paris, 1962, 308 p.
10. Voir Le métier de théologien, Entretiens avec Georges Daix, Éd. Ad Solem, Genève, 2005, 312 p., p. 98 s.
11. Ibid., p. 103.
12. Entretien sur la foi, avec Vittorio MESSORI, Fayard, Paris, 1985, 252 p., p. 150.
13. Voir notamment Mircea ELIADE, Aspects du mythe, Gallimard, Paris, 1963 et Le sacré et le profane, Gallimard, Paris, 1963 ; Rudolf OTTO, Le sacré, Payot, Paris, 2001.
14. Voir la position de Whitehead à ce sujet.
15. Dans Mythes grecs et mystère chrétien.
16. D’où sa passion pour le mythe du Saint-Graal et son amitié avec J. R. R. TOLKIEN, auteur du Seigneur des anneaux, Christian Bourgois, Pocket, Paris, 1973, 3 volumes.
17. Le Métier de théologien, p. 117. Des théologiens comme les cardinaux Hans Urs von Balthasar et Jean Daniélou partagent le même souci.
18. Halloween est un exemple de cette revanche du mythe néfaste. La réponse n’est pas d’utiliser les mêmes moyens et ficelles inversées (Holy Win), ce qui est entrer dans le jeu de l’Adversaire, mais de réintroduire le sacré par la liturgie.
19. Le Métier de théologien, p. 119.
20. Fêtes de la musique, rave parties, techno parades, gay prides, festivals à tous les coins de rue, journées à thèmes... le tout glissant dans une vulgarité attristante et le désir d’en finir avec le silence, l’ordre, le sacré.
21. La Célébration de la foi : essai sur la théologie du culte divin, Téqui, Paris, 1985.
22 .Voir Joseph RATZINGER, Chemins vers Jésus, p. 121 et aussi Henri de LUBAC, Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme, Éd. du Cerf, Paris, 1937, 393 p.
23. Sur le thème du jeu dans la liturgie se rapporter à Romano GUARDINI, L’esprit
de la liturgie, 1918.
24. Joseph RATZINGER, L’esprit de la liturgie, Ad Solem, Genève, 2001, 184 p.,
p. 20.
25. Saint PAUL, Galates, 3. 18,28. Et aussi Hébreux, 4.7ss.
26. Ibid., p. 51.
27. Voir du premier Le Surnaturel et la Nature dans la mentalité primitive, Paris, 1963, et du second son célèbre Les Formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, Paris, 1968.
28. Voir à ce sujet les études majeures de E. O. JAMES, Mythes et rites dans le Proche-Orient ancien, Paris, 1960 ; Joachim WACH, Sociologie de la religion, Paris, 1955 ; C. G. JUNG, L’Homme à la découverte de son âme, Payot, Paris, 1962, et bien sûr R. OTTO et Mircea ELIADE.
29. Sophia ou le Monde en Dieu, Paris, Éd. du Cerf, 1994, 212 p., p. 15.
30. Voir Cl. WESTERMANN, Théologie de l’Ancien Testament, Genève, 1985.
31. Ibidem, p. 197.
32. Les Principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Téqui, Paris, 1982, 445 p., p. 329.
33. À noter que ce terme est d’un emploi récent dans le catholicisme (à partir de l’époque du concile de Vatican II qui, lui, n’en parle presque pas, sauf parfois dans les derniers textes), car il avait été utilisé par Luther pour remplacer le terme Église. Le dernier Concile reprend les termes traditionnels d’Ecclesia universalis, Ecclesia localis et Ecclesia particularis.
34. Ibid., p. 329-330.
35. La gloire de Dieu aujourd’hui, Parole et Silence, Paris, 2006, 211 p., p. 46.
36. Ibid., p. 48.
37. Le sens de la vie monastique, Brepols, Tournai-Paris, 1950, 313 p., p. 293.
38. Matthieu 16, 13.
39. Un chant nouveau pour le Seigneur, Desclée-Mame, Paris, 1995, 262 p., p. 8.
40. Hébreux 13, 8.
41. Cité dans ibid. p. 23. Sermon 131, 2. Patrologie Latine de Migne, t. 38, p. 730.
42. Sur la christologie voir Joseph RATZINGER, Introduction to Christianity, Herder and Herder, New York, 1969, 280 p.
43. Ibid., p. 49. Le cardinal RATZINGER écrira dans La Célébration de la foi : «Y a-t-il encore un Rite Latin ? Il n’y a certainement guère de conscience de cela. Pour la plupart des gens, la liturgie apparaît bien plutôt comme quelque chose que chaque communauté individuelle peut arranger. »
44. Voir son Esprit de la liturgie.
45. Voir Annexes dans Le Métier de théologien p. 273-285. Louis BOUYER, comme l’on sait, quittera par la suite ce groupe lorsque l’idéologie du changement pour le changement, sans lien avec la tradition, s’emparera de ses membres.
46. Religieux et clercs contre Dieu, Aubier, Paris, 1975, 128 p., p. 12. Un certain artisan du mouvement liturgique en France, le Père Joseph GÉLINEAU s.j., n’hésitait pas à publier dans un ouvrage de la même époque : « Il est nécessaire de le dire sans ambiguïté : le Rite Romain tel que nous le connaissions n’existe plus. Il a été détruit » ; et encore : « La liturgie est un atelier permanent » (Demain la liturgie, Paris, 1975, p. 9-10).
47. Voir L’Église du Seigneur. Méditations, 1965 qui est son oeuvre ultime, la dernière année du concile Vatican II. « (...) Ce qui se passe aujourd’hui ne doit pas conduire à un aplatissement ou à une édulcoration de l’Église, mais nous devons toujours rester clairement conscients que l’Église est mysterium et qu’elle est rocher », p. 18 et aussi « (...) en dépit de toutes les contingences temporelles, l’Église doit se maintenir inébranlable dans la distinction du vrai et du faux. Parce que seule la vérité et l’exigence de la vérité signifient respect authentique, tandis que se montrer trop accommodant et laisser passer est signe de faiblesse qui n’ose pas exiger de l’homme la majesté du Dieu qui se révèle ; c’est, au fond, mépris de cet homme... » ibid. Reprendre aussi dans ce contexte, comme y invite le cardinal Ratzinger, le maître ouvrage du cardinal Henri de LUBAC, Méditation sur l’Église, Aubier, Paris, 1953, 334 p., réédité en 1985 chez Desclée De Brouwer.
48. Un chant nouveau pour le Seigneur, p. 156.
49. Ibid., p. 158.
50. C’est ce qu’exprimait J. A JUNGMANN dans Missarum Sollemnia, Aubier, Paris, 1951, 3 volumes.
51. Joseph RATZINGER, « L’intrépidité d’un vrai témoin » dans La réforme liturgique en question par Mgr Klaus GAMBER, Éd. Sainte-Madeleine, Le Barroux, 1992, 115 p., p. 8.
52. L’imposture, Plon, Paris, 1927, 279 p., p. 100-102.
53. Au sujet de la vérité, voir Joseph RATZINGER, Fede, Verità, tolleranza. Il cristianesimo e le reliogioni del mondo, Cantagalli, Sienne, 2003, 295 p.
54. Postface à Tournés vers le Seigneur par Mgr Klaus GAMBER, Éd. Sainte-Madeleine, Le Barroux, 1993, 81 p., p. 68.
55. Un Chant nouveau pour le Seigneur, p. 233.
56.Voir Louis BOUYER, Cosmos. Le monde et la gloire de Dieu, Éd. du Cerf,
Paris, 1982, 397 p., p. 325.
57. Voir Constitutio De Sacra Liturgia, 2 et Catéchisme de l’Église catholique, 1074.
58. Le sel de la terre. Le christianisme et l’Église catholique au seuil du troisième millénaire, Flammarion-Éd. du Cerf, Paris, 1997, 278 p., p. 170.
59. Le Métier de théologien p. 148. Louis BOUYER est ici en désaccord avec Jacques et Raïssa MARITAIN, Liturgie et contemplation, Desclée de Brouwer, Bruges, 1959, 98 p. Voir aussi Louis BOUYER, Introduction à la vie spirituelle. Précis de théologie ascétique et mystique, Desclée de Brouwer, Tournai, 1960, 320 p.
60. Op. cit.
61. Op. cit., et aussi Le rite et l’homme. Sacralité naturelle et liturgie, Éd. du Cerf, Paris, 1962, 308 p. Voir Joseph RATZINGER, L’esprit de la liturgie et Klaus GAMBER dans ses deux ouvrages cités.
62. Ma vie. Souvenirs 1927-1977, Fayard, Paris, 1998, 144 p., p. 68.
63. 2 Corinthiens 7, 10.
64. Voir Somme Théologique IIa-IIae, q. 35, a. 4 Saint Thomas reprend Cassien, Isidore et Grégoire.
65. Joseph RATZINGER Regarder le Christ. Exercices de foi, d’espérance et d’amour, Fayard, Paris, 1992, 154 p., p. 92. Voir le chapitre sur Espérance et Amour.
66. Le Métier de théologien, p. 81.
67. Les mots de Léon Bloy résonnent ici avec toujours autant de force : «L’Église, ici, n’a besoin d’aucune rigueur. Le néant de ceux qui l’outragent est surabondamment notifié par sa silencieuse et indéfectible présence. Elle est comme Dieu est, simplement, uniquement, substantiellement, et les nouveautés lui sont hostiles. Or c’en est une effroyable que de prostituer sa liturgie. Il n’existe pas de profanation plus grave et celui qui l’ose vient se placer, de son propre mouvement, sous l’anathème. » La Femme pauvre, Mercure de France, Paris, 1972, 435 p., p. 227.
68. Le Ressuscité, Desclée de Brouwer, Paris, 1986, 180 p., p. 175.
Jean-François Thomas, jésuite, né en 1957 à Nancy. Thèse de philosophie à la Sorbonne en 1981 sous la direction de Claude Bruaire. Maîtrise de théologie à Cambridge (États-Unis) en 1988. A enseigné dans divers séminaires et facultés. Depuis 1995, il s’occupe à Manille des enfants des rues, bidonvilles, chiffonniers (Tulay ng Kabataan Fundation), où il enseigne aussi la philosophie à l’Atheneo Manila. Publications : Souffrance et malheur chez Simone Weil et Edith Stein (Culture et Vie, Brepols), L’ardent combat, Comme un bruissement d’ailes (romans, Éd. du Jubilé). Il intervient régulièrement au Club des hommes en noir, l'émission en ligne de la revue catholique L'Homme nouveau, ainsi qu'aux Belles figures de l'histoire sur CNews. C'est aussi un chroniqueur régulier du site d'actualités catholique Aleteia et du site royaliste légitimiste Vexilla Galliae, ainsi que de la revue papier née de ce dernier.