Écrit par fr Alexis Bugnolo (05/11/2022) - Traduction française autorisée : Louis Lurton
L'affirmation gratuite selon laquelle le Pape Benoît XVI avait l'intention de renoncer à la papauté, en renonçant au ministerium pétrinien, est absurde à première vue, comme le démontre son homélie du 7 mai 2005, lorsqu'il a débuté son pontificat.
La principale affirmation gratuite de ceux qui soutiennent que Jorge Mario Bergoglio est le Pape François, est qu'en renonçant au ministerium pétrinien, le Pape Benoît XVI a renoncé au munus pétrinien, et a ainsi ouvert la voie à l'élection canoniquement valide de Jorge Mario Bergoglio, comme vicaire du Christ.
Cet argument est gratuit car, jusqu'à présent, personne n'a tenté de le prouver.
Mais il existe de nombreuses contre-preuves, qui ont été mises en lumière par les enquêtes d'Andrea Cionci, de l'avocat Acosta, du père Kramer et de moi-même, selon lesquelles le pape Benoît XVI se considère toujours comme le détenteur de l'autorité papale, même si l'on devait ignorer ce que ses propres yeux voient, à savoir que le pape s'habille en pape depuis maintenant 9 années consécutives.
Nous devons nous rappeler ici que le monde catholique est victime d'une opération psychologique. Une opération psychologique est le terme utilisé dans les guerres militaires pour désigner une tromperie destinée à empêcher vos ennemis de voir ce qu'ils voient. Et c'est ce qui a été réalisé le 11 février 2013, comme je l'ai expliqué dans le documentaire "Un message dans une bouteille". Car le monde entier dit que Benoît XVI a abdiqué, alors que Benoît XVI n'a jamais rien fait de tel.
Car ce jour-là, le pape Benoît XVI a déclaré : "Je déclare renoncer au ministère [ministerio] qui m'a été confié par les cardinaux le jour de mon élection..." (source et traductions ICI).
Mais le canon 332, section 2, exige qu'un pape renonce à son munus, pour abdiquer validement.
Si contingat ut Romanus Pontifex muneri suo renuntiet ... (source ICI)
Et que le Pape Benoît XVI ne considère pas le munus de la fonction du Pape (munus pétrinien) comme étant simplement identique au ministère du Pape (ministerium pétrinien) peut être vu dans son homélie du 7 mai 2005, pour la célébration de sa prise de possession de la Basilique du Latran, en tant qu'évêque de Rome, un moment très solennel, au début de son pontificat.
Car dans cette homélie, il a prononcé ces mots en italien (Vatican.va) :
Questa potestà di insegnamento spaventa tanti uomini dentro e fuori della Chiesa. Si chiedono se essa non minacci la libertà di coscienza, se non sia una presunzione contrapposta alla libertà di pensiero. Non è così. Il potere conferito da Cristo a Pietro e ai suoi successori è, in senso assoluto, un mandato per servire. La potestà di insegnare, nella Chiesa, comporta un impegno a servizio dell’obbedienza alla fede. Il Papa non è un sovrano assoluto, il cui pensare e volere sono legge. Al contrario: il ministero del Papa è garanzia dell’obbedienza verso Cristo e verso la Sua Parola. Egli non deve proclamare le proprie idee, bensì vincolare costantemente se stesso e la Chiesa all’obbedienza verso la Parola di Dio, di fronte a tutti i tentativi di adattamento e di annacquamento, come di fronte ad ogni opportunismo. Lo fece Papa Giovanni Paolo II, quando, davanti a tutti i tentativi, apparentemente benevoli verso l’uomo, di fronte alle errate interpretazioni della libertà, sottolineò in modo inequivocabile l’inviolabilità dell’essere umano, l’inviolabilità della vita umana dal concepimento fino alla morte naturale. La libertà di uccidere non è una vera libertà, ma è una tirannia che riduce l’essere umano in schiavitù. Il Papa è consapevole di essere, nelle sue grandi decisioni, legato alla grande comunità della fede di tutti i tempi, alle interpretazioni vincolanti cresciute lungo il cammino pellegrinante della Chiesa. Così, il suo potere non sta al di sopra, ma è al servizio della Parola di Dio, e su di lui incombe la responsabilità di far sì che questa Parola continui a rimanere presente nella sua grandezza e a risuonare nella sua purezza, così che non venga fatta a pezzi dai continui cambiamenti delle mode.
Ces mots concernent le pouvoir de la fonction papale, et je les traduis ainsi en anglais :
This power of teaching frightens so many men, inside and outside of the Church. They ask themselves whether this is not a threat to freedom of conscience, whether it be a pretense [presunzione] set against the liberty of thought. It’s not like that. The power conferred by Christ upon Peter and upon his successors is, in an absolute sense, a mandate to serve [mandato per servire]. The power to teach, in the Church, conveys a commitment to service [impegno a servizio]. The Pope is not an absolute sovereign, whose act of thinking and willing [pensare e volere] are law. On the contrary: the ministry [ministero] of the Pope is a guarantee [garanzia] of obedience to Christ and to His Word [Sua Parola]. He ought not proclaim his own ideas, but rather bind himself and the Church constantly to obedience to the Word of God [Parola di Dio], in the face of every temptation to adapt and water it down, in the face of every opportunism. This did Pope John Paul II do, when, facing every temptation, apparently good-willed toward man, in the face of the erroneous interpretations of freedom, he underlines in an unequivocal manner the inviolability of the human being, the inviolability of human life from conception until natural death. The freedom to kill is not a true freedom, but is a tyranny which reduces the human being to slavery. The Pope is conscious of being, in his great decisions, bound to the great community of the Faith of all times, to the binding interpretations grown up along the pilgrim path of the Church. In this manner, his power is not above, but is at the service of this Word of God, and upon him there is incumbent the responsibility to make sure that this Word continues to remain present in its greatness and to resound in its purity, such that it is not broken into pieces by continual changes according to fads.
Traduction officielle en français :
Cette autorité d'enseignement effraie un grand nombre d'hommes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Eglise. Ils se demandent si celle-ci ne menace pas la liberté de conscience, si elle n'est pas une présomption s'opposant à la liberté de pensée. Il n'en est pas ainsi. Le pouvoir conféré par le Christ à Pierre et à ses successeurs est, au sens absolu, un mandat pour servir. L'autorité d'enseigner, dans l'Eglise, comporte un engagement au service de l'obéissance à la foi. Le Pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté font loi. Au contraire: le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole. Il ne doit pas proclamer ses propres idées, mais se soumettre constamment, ainsi que l'Eglise, à l'obéissance envers la Parole de Dieu, face à toutes les tentatives d'adaptation et d'appauvrissement, ainsi que face à tout opportunisme. C'est ce que fit le Pape Jean-Paul II lorsque, face à toutes les tentatives, apparemment bienveillantes envers l'homme, face aux interprétations erronées de la liberté, il souligna de manière catégorique l'inviolabilité de l'être humain, l'inviolabilité de la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle. La liberté de tuer n'est pas une véritable liberté, mais une tyrannie qui réduit l'être humain en esclavage. Le Pape est conscient d'être, dans ses grandes décisions, lié à la grande communauté de foi de tous les temps, aux interprétations faisant autorité qui sont apparues le long du chemin du pèlerinage de l'Eglise. Ainsi son pouvoir ne se trouve pas "au-dessus", mais il est au service de la Parole de Dieu, et c'est sur lui que repose la responsabilité de faire en sorte que cette Parole continue à rester présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, de façon à ce qu'elle ne soit pas rendue vaine par les changements continuels des modes.
Commentaire
Pour décortiquer l'enseignement du Saint-Père sur le munus et le ministerium, il faut regarder attentivement le texte ci-dessus, et voir comment le Saint-Père utilise différentes expressions pour s'exprimer en italien.
Je les énumère ici :
Le pouvoir conféré par le Christ à Pierre et à ses successeurs est, dans un sens absolu, un mandat pour servir [mandato per servire].
Le pouvoir d'enseigner, dans l'Église, est un engagement à servir [impegno a servizio].
Au contraire, le ministère [ministero] du Pape est une garantie [garanzia] d'obéissance au Christ et à sa Parole [Sua Parola].
Ainsi, son pouvoir n'est pas au-dessus, mais au service de cette Parole de Dieu, et il lui incombe la responsabilité [responsibilità] de faire en sorte que cette Parole continue à être présente dans sa grandeur et à résonner dans sa pureté...
Je rappelle ici à ceux qui ne connaissent pas bien le latin, qu'il y a 3 termes latins utilisés en droit canonique pour la gouvernance : mandatum, munus et ministerium. En ce qui concerne la fonction papale, le mandatum est donné par le Christ. Ce mandatum concerne le double commandement que le Christ donne à Pierre : "Pais Mes brebis et Mes agneaux" (Jean 21:15) et "confirme tes frères" (Luc 22:32 - cité par le Saint Père dans le paragraphe précédent de son Homélie). Le munus est ce que Pierre reçoit du Christ dans ces commandements. C'est la charge de l'autorité, de l'exercice du pouvoir, et la responsabilité de l'exécution des commandements. Le ministerium est ce que Pierre fait en exécutant les commandements.
Mais, dans la langue maternelle du Saint-Père, l'allemand, les mots munus et responsabilité sont le même mot, Verantwortung. Le canon 145 considère que chaque office [officium, ufficio, Amt] est une charge [munus, incarico, Verantwortung]. Mais le canon 332 §2 exige qu'un Pape renonce à son munus.
Or, l'italien a un mot, impegno, qui n'a pas d'équivalent exact en anglais. Plus haut, je l'ai traduit par engagement, mais il pourrait être traduit par charge, obligation ou devoir. En effet, en allemand, il est souvent traduit par Verpflichtung qui est un synonyme de Verantwortung ! Je pense donc que l'on peut dire sans risque de se tromper que par "engagement au service", le Saint-Père signifie ou du moins fait référence au munus ad ministrandum en latin. Et garanzia en italien [Garantie en allemand] signifie l'assurance de l'accomplissement d'un impegno ! - Ainsi, en italien, il est indiscutable que le Saint-Père considère que le ministerium est distinct du munus, tout comme en allemand.
De tout ceci il ressort que dans l'esprit du Pape Benoît XVI, dès les premiers jours de Son Pontificat, il comprend la distinction entre munus et ministerium et ne les considère pas comme des concepts identiques ou des mots qui signifient la même chose. Car tout être humain qui utilise des mots différents pour signifier des choses différentes, reconnaît que la différence des choses signifiées est la cause de la différence des mots.
Et donc, puisque Benoît XVI sait qu'en renonçant au ministerium papal, il ne renonce PAS au munus papal, il sait que le 11 février 2013, il n'a PAS renoncé à la papauté.