Écrit par Andrea Cionci (25/10/2022) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
Lorsque le pape Ratzinger écrit, l'erreur la plus courante est de lire de manière superficielle. C'est également le cas de la lettre envoyée le 7 octobre par le vrai pape à l'Université franciscaine de Steubenville, aux Etats-Unis, où un symposium international traite de son ecclésiologie.
La missive a été interprétée comme l'appréciation par le pape Benoît du Concile dans un sens moderniste, ce qui a réjoui l'aile sédévacantiste traditionaliste qui le déteste sans SOUHAITER comprendre quoi que ce soit à la Magna Quaestio.
Nous devrions consacrer un autre volume, encore plus lourd que "Codice Ratzinger" (éd. Byoblu 2022) à l'étude de ce qu'on appelle le "Proto-Codice Ratzinger", c'est-à-dire le langage et la politique avec lesquels le grand théologien allemand a réussi à "survivre" en tant que Préfet de la Foi puis en tant que pape actif de l'Église jusqu'en 2013.
Tout ce qui a été considéré au cours des dernières décennies comme son approbation du Concile dans un sens moderniste doit être complètement inversé. Un exemple plastique de ce processus indispensable de compréhension est l'adoption de la mitre d'évêque sur les armoiries papales par le nouveau pape Benoît XVI en 2005, supprimant ainsi la tiare traditionnelle.
Ce geste a rassuré ses ennemis modernistes, qui l'ont accueilli comme celui d'un pape qui se propose comme évêque primus inter pares, allant jusqu'à réduire l'absolutisme traditionnel du pape, mais a fortement irrité les traditionalistes, qui y ont vu une concession au modernisme. Il aurait fallu attendre 2021, année où, sur Libero, on s'est aperçu que la Declaratio était l'annonce d'un Siège empêché, pour comprendre la géniale clairvoyance de la mesure du Saint-Père.
En vue d'un éventuel et nécessaire plan d'urgence anti-usurpation - l'auto-exil in sede impedita - pour lequel le cardinal Ratzinger avait déjà préparé en 1983 la dichotomie munus/ministerium en droit canonique, et Jean-Paul II avait fait construire la "forteresse" dans laquelle le pape empêché pouvait s'enfermer (le monastère Mater Ecclesiae). ICI, la mitre d'évêque, inoffensive et discrète, aurait permis au pape empêché de conserver ses armoiries sans devoir renoncer à une tiare volumineuse et éloquente, la "couronne" symbole de la souveraineté du pape. De cette façon, il a pu maintenir les insignes symbolisant son "droit dynastique" papal sans dévoiler le Siège empêché avant l'heure. Et c'est ce qui s'est passé, comme nous l'avons vu ICI.
Et voici comment cela s'est passé : le pape s'est retiré in sede impedita, laissant à un antipape manifestement apostat un champ libre et toute latitude pour se montrer tel qu'il est, jusqu'à sa combustion eschatologique finale, qui aura lieu avec l'officialisation du siège empêché.
D'où la fameuse "herméneutique de la continuité" de Ratzinger, qui n'a jamais été comprise ni par l'extrême gauche moderniste ni par l'aile hyper-traditionnaliste-sevacantiste. Le Concile n'était pas un élément de discontinuité entre une église de l'avant et une église de l'après, (comme certains le croient de différents côtés) mais UNE PHASE NECESSAIRE, le début d'une épouvantable infection, qui produirait un abcès qui, en éclatant, purifierait finalement l'Église.
D'où la "gratitude" du pape Ratzinger envers le Concile, qui a été constamment déformé. C'est pourquoi en 2012, au seuil de sa retraite in sede impedita, il s'exprimait ainsi ICI : "
Le grand Concile œcuménique avait été inauguré ; nous étions sûrs qu’un nouveau printemps de l’Église allait arriver, avec une nouvelle présence forte de la grâce libératrice de l’Évangile.
Aujourd’hui aussi, nous sommes heureux, nous portons la joie dans notre cœur, mais je dirais qu’il s’agit d’une joie sans doute plus sobre, d’une joie humble. Au cours des 50 dernières années, nous avons appris et fait l’expérience que le péché originel existe et se traduit toujours à nouveau en péchés personnels, qui peuvent également devenir des structures de péché. Nous avons vu que dans le champ du Seigneur, il y a toujours aussi l’ivraie. Nous avons vu que dans le filet de Pierre, il y a aussi de mauvais poissons. Nous avons vu que la fragilité humaine est présente également dans l’Église, que le navire de l’Église navigue aussi avec le vent contraire, avec des tempêtes qui menacent le navire et parfois, nous avons pensé : "le Seigneur est endormi et il nous a oubliés".
Alors : comment un fan du Concile au sens 'moderniste' pourrait-il être un théologien qui s'exprime avec des considérations aussi sombres ?
Ce long postulat fondamental étant posé, venons-en à la récente lettre de Benoît XVI, qui montre combien il est toujours d'une extraordinaire lucidité prophétique :
"Lorsque le pape Jean XXIII l'a annoncé (le Concile), à la surprise générale, il y avait de nombreux doutes quant à l'utilité, voire à la possibilité, d'organiser les idées et les questions dans l'ensemble d'une déclaration conciliaire et de donner ainsi à l'Église une direction pour la suite de son chemin. En fait, un nouveau Concile s'est avéré non seulement utile, mais nécessaire".
Remarquez : le Concile s'est avéré nécessaire, rétrospectivement. Tout comme, par exemple, il a fallu que le Fils prodigue aille dans le monde et se ruine avant de revenir dans la maison du Père.
Pour la première fois, la question d'une théologie des religions s'était manifestée dans sa radicalité. Il en va de même pour la relation entre la foi et le monde de la simple raison. Ces deux sujets n'avaient jamais été envisagés de cette manière.
On ne s'attendait pas à ce que l'Église doive un jour affronter d'autres religions, ni à ce que le rationalisme séculaire doive rendre compte des raisons de la foi.
Cela explique pourquoi le Concile Vatican II menaçait initialement de perturber et de secouer l'Église plus que de lui donner une nouvelle clarté pour sa mission.
Ces nouvelles instances semblaient défier l'Église, mais elles allaient au contraire la tempérer dans le feu de l'épreuve.
Entre-temps, la nécessité de reformuler la question de la nature et de la mission de l'Église est progressivement devenue évidente. De cette façon, le pouvoir positif du Concile émerge aussi lentement.
Au cours de cette période, il est devenu encore plus clair quelle est la tâche ultime de l'Église : le blé a été séparé de l'ivraie, ce qui permettra à une nouvelle Église purifiée de naître et d'éclairer le monde. D'où le pouvoir positif du Concile, l'autre côté de la médaille, au-delà des désastres négatifs et apparents. Pour en revenir à la métaphore de l'infection, il existe un pouvoir négatif de la maladie qui produit de la souffrance, mais aussi un pouvoir positif, libérateur, purificateur qui conduit à l'expulsion des bactéries, à la séparation de la partie nécrosée et à la guérison complète. Une guérison qui permettra à l'Église de donner les réponses les plus efficaces à la modernité. Un peu comme lorsque le Père se réjouit du retour du fils prodigue : avec son expérience du monde et du péché, il est plus conscient que l'autre fils qui est toujours resté à la maison. Le processus est presque arrivé à son terme : "Le prisonnier sera bientôt libéré", comme l'a indiqué le Pape en se référant au livre d'Isaïe ICI.
Il y faudrait examiner aussi la question plus complexe de la Civitas Dei de Saint Augustin et de l'invasion de Rome par les Wisigoths, avec le saccage qui l'a accompagné. La référence est, bien sûr, à ce qui se passe actuellement, avec l'église démoniaque ticonienne qui s'empare du pouvoir et met à sac l'Église catholique et sa doctrine. Mais ce qui a déjà été analysé est suffisant.
Cet article est une contribution très modeste par rapport à la profondeur des écrits du Pape, mais nous pensons avoir au moins offert, en principe, la bonne clé de lecture et non une interprétation.
En fait, toute la structure est fondée non pas sur le sable de la conspiration et de la suggestion, mais sur la roche granitique d'une réalité canonique incontestable : le pape Benoît n'a jamais abdiqué parce que pour ce faire, il devait renoncer au munus petrino, (l'investiture papale d'origine divine) de manière formellement correcte et simultanée. Et il a reporté la renonciation au ministerium (l'exercice du pouvoir) dans un document plein d'erreurs formelles et juridiques sans rien ratifier après le temps imparti. Et c'est le pape Benoît lui-même qui confirme, avec son style communicatif logique - le Ratzinger Code certifié par des dizaines de spécialistes ICI - qu'il ne s'agissait pas d'une renonciation à la papauté, mais de l'annonce d'un empêchement. Et si cela ne suffisait pas, il vous a également dit l'autre jour que la réponse pour ceux qui ne croient pas est contenue dans le livre de Jérémie où il est écrit - comme par hasard - "JE SUIS EMPÊCHÉ".