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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Père Daniel-Ange, Viêt-Nam: peuple à genoux où Dieu se fait la joie des pauvres

Publié par Walter Covens sur 14 Juin 2007, 23:44pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    Après avoir pu baiser les mains de tant d 'héroïques martyrs contemporains, de l'Albanie à la Lituanie, de l'Arménie à la Roumanie, avec quelle émotion ai-je rencontré des confesseurs de la foi du Vietnam contemporain: ces prêtres, séminaristes, catéchistes, sortis de dix, quinze ans de prison et camps... D'eux -mêmes, ils n'en parlent jamais. Leurs visages sont tellement apaisés par un pardon donné, qu'on ne peut soupçonner de quel enfer ils sortent. Parfois, c'est au détour d'une conversation que j'apprendrai que mon voisin a derrière lui des années de détention ...

    Jamais je n'oublierai ce séminariste à qui, après six ans de camps, on promet la liberté, à condition de se marier. Il refuse, demeurant fidèle à l'appel de Dieu. Il est immédiatement condamné à encore six ans de prison. Il a souffert tout cela pour devenir un jour prêtre. Et il ne le peut toujours pas, les autorités s'y opposant, malgré les demandes réitérées de son évêque. Ou cet autre, ordonné en tant que séminariste après sept ans de prison, et immédiatement renfermé après son ordination.

    Émotion encore de pouvoir prier dans la cathédrale de Hué, sur la tombe de Mgr Philippe Kim Diên, que j'avais eu la grâce de connaître lorsqu'il était Petit frère de l’Évangjle. Une des figures les plus lumineuses de l'épiscopat vietnamien. Il écrivait quelques semaines avant son départ: « C'est une grâce pour moi de participer concrètement à la flagellation de notre bien-aimé Jésus. Depuis 27 ans, ce sera la première fois que je ne pourrai pas célébrer la Semaine Sainte. Je ne demande ni santé, ni maladie, mais que sa volonté soit faite en moi et en toutes les créatures. Plus les douleurs se font intenses, plus la prière d'abandon monte dans mon cœur. » (Lettre du 31 mars 1988 à une carmélite)


Ces villages où palpite le Cœur de Dieu


    Fruit étonnant de ces générations de martyrs: les villages chrétiens, entre autres au Nord. Les moments de ce pèlerinage qui m'ont sans doute le plus marqué: les journées passées parmi ces chrétientés perdues dans les montagnes ou les vastes rizières, à visiter de simples familles paysannes vivant durement de leur labeur quotidien. Délicatesses de l'accueil. Retrouver partout des frères, des sœurs de chair et de sang: de la Chair, du Sang du même Seigneur! Découvrir sa propre famille, là présente dans ce qui paraît « le bout du monde », mais qui est en réalité le cœur du monde, car Dieu y a dressé sa tente.

    Cœur palpitant de ces villages : la maison de Dieu. De loin la plus grande, la plus belle de toutes. Parfois, du milieu des petites maisons, souvent en torchis et chaumes, surgit - irréelle! - une véritable cathédrale. Construite des mains mêmes de tous les villageois, avec leurs économies accumulées depuis des décennies. On préfère avoir un peu plus faim, mais que Dieu ait sa maison parmi les nôtres. Dans tel village, c'est un jeune qui est descendu à Saigon pour y travailler, y quêter, en vue d'une église pour les siens. Deux ans plus tard, il réussit enfin à remplir une jonque de matériel. Après mille kilomètres le long des côtes, elle se renverse à l"arrivée ... Tout est à recommencer! II recommence tout! Re-travail. Re-quête. Re-expédition.

    Aujourd'hui, dans ce village pauvre entre tous, une superbe église toute blanche, au clocher visible des rizières les plus lointaines. Comme le village en est fier! Maison du peuple par excellence : tous s'y retrouvent trois fois par jour. On y passe plus de temps que dans sa propre maison (nuit de sommeil mise à part). Dès 4 heures du matin, la cloche sonne. 4 heures 15 : les premiers enfants, vite débarbouillés, sont déjà là. À genoux, bien droits sur les dalles humides. II fait encore nuit. Crachin et brouillard au rendez-vous. On gèle (pas de pulls à se mettre). Mais flambe dans l'église rien de moins que le Buisson ardent.

    Qu'on le croie ou non, c'est tout le village qui est là, comme un seul homme. Des mômes de quatre ans aux mémés de soixante-dix! Hommes à gauche, femmes à droite. Avec les jeunes filles en Ao Dàï immaculé (signe de virginité), qu'on prendrait pour des novices!

    4 heures 30 : prières préparatoires à la messe. 5 heures : la messe ou - si pas de prêtres - lectures de la messe et sainte communion donnée par un catéchiste. Messe impeccablement servie par des enfants de chœur ultra-stylés, avec bien sûr toujours de l'encens, parfois des danses d'offertoire. À la tribune: la chorale aux polyphonies raffinées.

    Un matin, je découvris dès 4 heures 30 une cathédrale (une vraie, celle-ci), remplie de quelque 5 000 baptisés. Un jour de semaine! Le dimanche, jour où les villages chrétiens ne travaillent pourtant pas, la messe demeure tout de même à 5 heures du matin. Toute l'année. En villes et villages ..

    6 heures: prières d'action de grâce. 6 heures 30: premières lueurs du jour. La longue veille peut finir. Avec Dieu, on va au travail.

    7 heures 30: départ aux rizières. Naguère, comme dans les kolkhozes, tous étaient forcés d'y être aux mêmes heures. Sorties et rentrées chronométrées .. Mais l'étau s'est enfin desserré. Alors les petits groupes s'égrènent, se dispersent dans les rizières, silencieusement, dans la brume matinale. Vision de calme et paisible beauté! Les enfants sur leurs chers buffles. On y grimpe par devant, les cornes servant de marchepied. Parcourant les rizières un peu plus tard, j'en verrai, dormant tranquillement sur leur crinière. (Au Cambodge, un enfant réfugié pleure de nostalgie son village. « Tu veux revoir tes parents? - Non, mon buffle! »)

    Midi : Angelus. Ceux qui sont restés au village reviennent à l'église pour la «visite au Saint Sacrement ». Au nom de ceux qui sont au loin. 18 heures: après le retour harassé, prières du soir et chapelet. Encore une bonne heure dans la maison de Dieu, une fois encore pleine à craquer.

    Bref, une journée quasiment monastique, vécue par un village tout entier. Là-bas, loin des regards des hommes. Sous le seul regard du Père qui en a le Cœur consolé de toutes nos infidélités, reniements, prostitutions. Là-bas, on vit pour Dieu, pour sa joie. Là-bas, Dieu se fait la joie des pauvres.

    Ils sont dignes de leurs si nombreux martyrs. Ce mot bouleversant d'un mandarin, durant l'interrogatoire du bienheureux Père MARCHAND (32 ans), le 30 novembre 1835, en plein supplice des « cent plaies » : « Mais quel est donc ce pain enchanté que vous distribuez à ceux qui se sont confessés, pour qu'ils tiennent si fort à leur religion ? » (Cité par G.-M. OURY, Le Vietnam des martyrs et des saints, Fayard, 1988)

Daniel Ange, Les noces de Dieu où le pauvre est roi, Éd. Le Sarment-Fayard 1998, p. 610-614
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