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Publié par Walter Covens

    Pour bien comprendre les difficultés que nous pouvons rencontrer à propos de la Sainte Trinité, il faut nous rendre compte qu'elles viennent du fait qu'on voudrait mettre une sorte d'opposition entre la charité, la foi et l'espérance théologales. Saint Paul nous le dit bien, ces trois vertus sont inséparables dans notre vie. Et l'on voudrait distinguer les gens de la charité, et les gens de la foi et de l'espérance! Il est vrai que ces trois vertus théologales ont des exigences différentes, mais elles sont inséparables, et il faut les développer toutes les trois en nous. Notre amour sur la terre se développe dans la foi et l'espérance, donc dans les ténèbres et la faiblesse, mais ces ténèbres annoncent et demandent la lumière de gloire du ciel. Au ciel, ce sera le même amour, mais dans la gloire, la lumière, et la vie.

    Chacune des trois vertus théologales a des liens privilégiés avec l'une des trois Personnes divines. La charité, c'est évident, c'est le Saint-Esprit; et la foi et l'espérance nous attachent au Père et au Fils. L'Eglise nous baptise «au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit», et la formule pour la pénitence sacramentelle souligne que le pardon nous est donné en vertu des trois Personnes divines. Le prêtre est l'instrument et le signe du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, et tous les sacrements nous sont donnés dans les trois Personnes divines.

La charité

    II n'existe pas du tout d'opposition entre la charité, la foi et l'espérance. L'amour, c'est certain, demande de nous la disponibilité la plus entière. L'amour le plus parfait sur la terre nous met dans une attitude de passivité aimante vis-à-vis du don de Dieu. La fidélité absolue au Saint-Esprit demande cette attitude de passivité que nous donnent les grâces de recueillement, les grâces de quiétude, de paix, et même ces emprises très fortes que le SaintEsprit p~ut réaliser.

La foi

    La vertu de foi, elle, n'est pas passive de la même manière. La foi prend notre esprit, mais il faut noter ici que "l'esprit" ne veut pas dire la raison ou l'intelligence, car les objets de notre foi sont exprimés par une parole concrète. Dans la Révélation, il n'y a pas de paroles abstraites, toutes les paroles sont "concrètes". Or on ne peut saisir une parole concrète que par nos sens.

    Quand vous dites «Je crois en Dieu le Père», vous n'avez pas un concept du père. Regardez tous les écrits des philosophes: c'est lamentable ce qu'ils disent sur le père, ils n'arrivent pas à en parler, ils ne disent que les défauts! C'est la même chose pour le fils. Le Père, le Fils, ce sont des données essentiellement concrètes. C'est le grand mérite de saint Thomas d'avoir montré justement que ces données impliquent nécessairement la matière.

    La foi nous demande donc une attitude d'adhésion où l'esprit n'est pas passif. La foi a besoin d'être formulée, d'être exprimée. On ne peut pas opposer foi objective et "foi subjective". Cela n'a aucun sens, c'est supprimer tout simplement la foi, et remplacer la foi par un sentiment. Si la foi n'a pas d'objet, cela reste du sentiment, ou une intention de foi, mais une intention de foi ne pourra s'exprimer que dans un objet. Sinon, c'est comme si vous disiez que vous voulez faire des œuvres d'intelligence sans concept: on ne peut pas réfléchir sans idées ...

    Il est très important de bien comprendre que la foi a besoin d'objets. La parole de Dieu a été donnée dès le début, donc une foi objective est nécessaire, c'est par là que nous adhérons à Dieu.

    La foi commence à se développer en l'homme quand il est tout petit enfant, par les mots que sa maman lui donne. Le tout petit enfant apprend des paroles très tôt, et ses premiers mots ne sont pas des paroles de raison, ce sont des paroles d'amour et de foi. Une des dimensions de l'amour est de nous donner confiance en celui qui nous parle. Le tout petit enfant croit ce que sa maman lui dit, il répète les mots qu'elle lui apprend.

    A la différence de la philosophie, qui porte sur des concepts, la théologie porte toujours sur des paroles, mais des paroles auxquelles nous adhérons par notre foi.

    Pour le comprendre, nous pouvons prendre un exemple sur les données humaines, dans la justice par exemple : vous savez que pour qu'un homme soit juste, il faut qu'il respecte les lois. Il ne peut pas y avoir de justice s'il n'y a pas de lois (des lois justes, si possible !). Donc la justice suppose le droit. Saint Thomas montre que l'objet de la justice est le droit; cela ne veut pas dire qu'il y ait juridisme : le juridisme, c'est oublier la vertu, et ne voir que l'objet du droit, alors la justice devient une technique, et n'est plus une vertu. Il se passe exactement la même chose au plan surnaturel pour la foi: il y a bien la vertu de foi, mais qui suppose les paroles que Dieu nous a données. Cette foi est objective, elle a des objets.

    La fidélité au Saint-Esprit implique une conversion à Jésus, implique que par la foi notre esprit se tourne toujours vers Jésus. Et Jésus est une personne, c'est la seconde personne de la Sainte Trinité, mais qui s'est incarnée: c'est une personne qui a vécu notre vie, et que l'on connaît par l'Evangile, c'est une personne qui a eu la Sainte Vierge comme mère, c'est une personne qui a voulu se prolonger dans son Eglise en ayant des ministres et des instruments dans cette Eglise. C'est donc une personne qui peut être très concrète pour nous. En même temps, c'est une personne et non pas un objet.

    Je ne dis pas que la foi ne demande pas de sentiment: elle suppose au moins cet amour de la lumière dont je vous ai déjà parlé. Le tout petit enfant communie naturellement à la lumière. Pour que nous adhérions facilement à la parole de Dieu, il faut que notre sensibilité soit touchée, il faut que nous soyons des fils de lumière. Mais la foi vient nous donner la signification de la lumière, elle nous fait comprendre que la lumière n'est pas une fin, mais que c'est le signe d'une autre réalité. Dans toute la longue pédagogie de Dieu, la lumière a d'abord été un reflet de la gloire de Dieu, et puis finalement nous avons appris que c'est Jésus qui est notre lumière.

    Ce qui est merveilleux dans notre foi chrétienne, c'est qu'en Jésus nous adhérons à une personne, une personne qui nous sort de notre subjectivité, mais en même temps, cette personne nous a donné un enseignement, cette personne a donné son Evangile. Jésus est une lumière qui vient donner aux pauvres, aux petits qui ne sont pas capables de faire de philosophie, la plus sublime des sagesses. Et Jésus nous donne enfin des moyens d'espérance immédiats dans son Eglise, dans les sacrements. C'est ce que nous pouvons remarquer avec les hommes et femmes handicapés mentaux qui vivent ici, à l'Arche: ils saisissent admirablement le mystère de l'Eglise tout simplement à travers le prêtre, l'évêque, le pape, la structure des pouvoirs personnels que Jésus a donnés à des personnes.

    En même temps donc qu'une disponibilité entière par rapport au Saint-Esprit, il ne faut jamais oublier les exigences de la foi. La foi n'est pas une vertu purement passive. C'est elle qui vient à notre secours au moment où nous sommes complètement dans la sécheresse, quand nous avons l'impression d'être tout à fait séparés de Dieu, quand nous arrivons même à nous demander s'Il existe, tellement Il semble loin. Je pense que toute personne ayant vraiment une vie intérieure a connu ce genre de difficultés. Et c'est alors la foi qui nous sauve, en même temps que l'espérance, qui est aussi une vertu active.

    Voilà ce qui fait que notre organisme spirituel est si bien équilibré: à côté de l'aspect de disponibilité complète par rapport au Saint-Esprit, la foi nous donne une stabilité. Le Credo nous fait adhérer à dés principes qui répondent en fait aux questions capitales que le chrétien peut se poser. Nous reconnaissons un Maître en Jésus, un Maître qui nous a donné un enseignement. Et Jésus est inséparable de l'Evangile. Si je n'ai pas foi en Jésus, l'Evangile pourra me paraître moins intéressant qu'un autre écrit, ou même moins beau que l'Ancien Testament. L'Evangile est un écrit très humble, l'Evangile n'a de valeur que par Jésus.

Père Thomas Philippe, Fidélité au Saint Esprit, Éd. des Béatitudes 1988, p. 30-34
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