Cher enfants, la fête de l'Ascension a lieu 40 jours après Pâques. Ce chiffre symbolique qui a marqué l'épreuve du désert, le chemin vers Pâques, est aussi celui du temps de la foi grandissante grâce, pour les disciples, aux apparitions du Ressuscité "jusqu'au jour où il fût enlevé au ciel".
Vous aussi, vous avez vécu ce temps. Depuis le jour de votre baptême, vos parents, parains, maraines, vous ont appris à prier et vous ont donné un témoignage de vie chrétienne. Ensuite, vous avez fréquenté le catéchisme dans la paroisse pendant trois années. Tout cela vous a aidé à grandir dans la foi. Vous n'avez pas eu d'apparitions, sans doute, mais cela n'est pas nécessaire. Ce qui est nécessaire c'est d'écouter et de faire ce que Jésus dit aux disciples dans l'évangile:
Demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus d'une force venue d'en haut. (évangile)
Alors, les disciples passent de la tristesse que Jésus leur reprochait encore récemment ("Si vous m'aimiez vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père", Jean 14), à la joie que leur donne la promesse de cette force d'en haut, l'Esprit Saint qui vient du Père. Ils ne se sentent pas seuls et bénissent Dieu.
Le rassemblement de la messe est une action de grâces, une "Eucharistie" pour les chrétiens. Comme les disciples remplis de joie, bénissaient Dieu dans le Temple, les chrétiens se rassemblent à l'église pour rendre grâce, pour l'Eucharistie. Au coeur de la messe, la prière eucharistique est le sommet de cette expression de louange, de bénédiction ; sommet résumé dans sa "doxologie": "Par Lui (le Christ), avec Lui et en Lui, à toi Dieu le Père tout puissant, dans l'unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. AMEN". Je vous ai déjà expliqué ce que veut dire ce mot, vous vous en souvenez...
La force des chrétiens, ce n'est pas la force d'un superman, une force pour épater la galerie. Pas du tout ! La force des chrétiens, c'est l'Eucharistie. La force des chrétiens, c'est de persévérer dans la louange, dans l'action de grâce, dans la prière de demande aussi, quelles que soient les épreuves et les difficultés. La force promise de l'Esprit Saint, c'est une force d'amour, une force pour témoigner sans avoir peur, force devant l'épreuve (la persécution), force de Dieu au coeur de notre faiblesse humaine.
Je vais vous donner un exemple, pour que vous compreniez bien que ce que je vous dis là, ce ne sont pas "des histoires". C'est l'exemple du Bienheureux Pier Giorgio Frassati.
Pier Giorgio avait tout pour être un blessé de l’amour, un triste gars, un éternel complexé. Pourtant, il a traversé le début du XXe siècle comme une avalanche de joie et de charité. Jean-Paul II, lui-même, qui l'a béatifié en 1990, avouait avoir été bouleversé par le témoignage et la vie intérieure de cet étudiant que la maladie a emporté à 24 ans.
Un héritier “imbécile”
Turin (1901) Italie. Pier Giorgio naît un 6 avril. Il est l’aîné de deux enfants. Très tôt ses parents jugent que seule Luciana, d’un an sa cadette, est dotée de toute l’intelligence requise pour succéder un jour à la direction du journal libéral La Stampa. Pas lui.
Son père le taxe d’imbécile et l’humilie fréquemment. L’enfant, l’adolescent puis le jeune homme ne s’en effarouchera jamais. Simplement, il redoublera d’efforts. Tout en respectant toujours ses parents, même lorsque, au fil des ans, le ménage manifeste une mésentente conjugale de plus en plus grande.
Un intrépide généreux
Le garçon est aussi étonnamment concerné par la souffrance d’autrui. Un jour, encore tout petit, il est seul à la maison lorsqu’une pauvre dame vient réclamer quelques sous. Que faire ? L’idée surgit, désarçonnante de bonté. Pier Giorgio ôte ses chaussures et ses bas, les tend à la mendiante : "Pour vos enfants", lui dit-il.
Son cœur éveillé à la misère grandit durant la première guerre mondiale. Lorsqu’elle éclate, il ne sait comment crier son refus ; il voudrait s’engager pour la paix, venir en aide aux blessés, aux familles des soldats. Que faire pour que la guerre cesse ? "Je donnerai ma vie !", dit l’adolescent.
Les études, un vrai combat
"Les difficultés rencontrées dans les études furent pour Frassati une occasion d’ascension morale." Pier Giorgio a une haute idée de son devoir et demande qu’on prie pour que sa volonté se consolide. Il formera effectivement le vœu de servir l’Église auprès des mineurs. Or pour concrétiser ce rêve, il doit devenir ingénieur. Un de ses professeurs confie l’avoir averti que "ce n’était pas gagné d’avance"… "J’ai vu pourtant son intelligence s’épanouir comme une fleur, s’affiner et devenir peu à peu si prompte et si souple, qu’elle lui a permis de résoudre, à force d’étude et de ténacité, n’importe quelle difficulté".
Ses "conquêtes"
Dès 1918 - il a alors 17 ans -, Pier Giorgio s’investit dans les mouvements catholiques : les équipes Saint-Vincent-de-Paul puis la FUCI (Fédération des Universitaires de l’Action Catholique Italienne). Il y trouve "un réel terrain d’entraînement à la formation chrétienne et des secteurs propices à son apostolat", soulignera Jean-Paul II.
Avec quelques amis, il fonde aussi la société des "Types Louches", dont le mot d’ordre est la convivialité. Fous rires et canulars téléphoniques émaillent les relations de cette joyeuse bande d’amis, bien décidée en outre à venir en aide aux personnes démunies de Turin. Le jeune homme s’y déplace muni d’un carnet dans lequel il consigne le nom de ses "conquêtes" : des personnes dans le besoin, rencontrées ici ou là, avec mention de ce en quoi il peut leur venir en aide.
Il se démène alors pour obtenir un lit d’hôpital, une place à l’école ou un logement… Une cascade de démarches à insérer dans l’emploi du temps du jeune étudiant ! Autant de pourparlers avec les autres membres des équipes pour bénéficier de l’argent nécessaire. Le moindre de ses revenus personnels ll allait droit à ses œuvres, jusqu’au prix des transports en commun qu’il économise pour récolter quelques sous. Il conserve également livres et vieux journaux, fait de multiples quêtes, allant de porte en porte. Le très pragmatique et très enjoué Pier Giorgio parvient ainsi à sortir une mulititude de familles et de personnes seules de leur embarras financiers. Il devient au passage le compagnon de jeux des enfants, le confident des parents, offrant sa présence sympathique et ses paroles réconfortantes. Paroles d’encouragements, paroles de confiance. Le jeune bienfaiteur incite encore et toujours à prier.
C’est une véritable victoire pour Pier Giorgio lorsqu’il obtient, à 17 ans, la possibilité de communier chaque jour. Jusque là, sa mère y a opposé son veto, méfiante face à ce qu’elle prend pour de la bigoterie. Tôt le matin, Pier Giorgio emprunte désormais l’escalier de service pour se rendre à la messe. Il la vit intensément, sachant que "tous les jeunes gens de cran, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui, nourrissent de ce pain leur volonté d’ascension", expliquera Mgr Pinardi, évêque auxiliaire de Turin. L’eucharistie est le centre de sa journée. Même lorsqu’il est en excursion, il y reste fidèle, se levant aux aurores. Fidélité, recueillement fervent.
Entre 19 et 24 ans, il découvre et participe aussi à l’adoration nocturne. On le croise un chapelet en main, ou méditant les paroles de saint Paul.
Amitiés et rayonnement
Les étudiants qui l’entourent respectent cet être entier pour "sa foi ardente, simple, entière, inébranlable", comme l’explique un ami. "Il mettait toujours le Seigneur entre lui et nous", dira une jeune fille qu’il aima en secret ; un amour auquel il renonce, sachant que ce sujet risque de devenir une occasion supplémentaire de discorde entre ses parents.
On admire la droiture de Pier Giorgio. Sa sœur témoignera que la grande pureté de son frère était manifeste aux yeux de tous. Lorsqu’une une conversation dérape par exemple, il ne se gêne pas pour siffler ostensiblement. Son attitude tranche avec celle des autres jeunes et leur inspire respect et sympathie. "Son secret pour gagner les esprits et les cœurs, c’était sa charité sans alliage", assure un ami. Pier Giorgio remplit gaiement mille services anodins : rangement de la salle après une réunion, préparation d’une fête. "Je suis à votre entière disposition", aime-t-il répéter.
Sa charité exceptionnelle restera son secret intérieur. Un jour, en montagne, alors qu’il est parvenu à embarquer quelques compagnons pour une excursion, l’un d’eux paraît très fatigué. Pier Giorgio feint alors de se plaindre de tous les maux : de ses souliers trop neufs à la courroie de son sac qui lui fait "vraiment" mal… Jusqu’à ce que la troupe accepte de faire une pause. Pour lui. Ainsi a-t-il évité à cet ami l’humiliation de réclamer la halte. Ce n’est rien. C’est une délicatesse de Pier Giorgio.
"Le vrai bien se fait comme par inadvertance, petit à petit, quotidiennement, familièrement", déclare-t-il un jour. Mais une inadvertance pétrie de vigilance ; pétrie d’un esprit silencieusement contemplatif ; en attendant l’occasion de se mettre au service. Discrètement.
Vers le sommet
Soudain, Pier Giorgio contracte, auprès d’une famille pauvre, une poliomyélite foudroyante qui l’emportera en six jours. On ne décèle pas immédiatement la cause de son mal. Et, tandis que sa grand-mère agonise dans la chambre à côté, on lui reproche son flegme. Traîner au lit alors que son aïeule est mourante ! A 24 ans (en 1925), son témoignage de vie prend toute sa mesure dans ces jours d’épreuve. Tandis qu’il souffre terriblement, il pense encore à la promesse faite à une personne dans le besoin. Péniblement, il écrit un mot pour que l’argent nécessaire lui parvienne.
Alors, le jour de son enterrement, une foule innombrable de pauvres, d’inconnus en larmes, ceux pour lesquels il s’était tant démené, manifeste la grandeur de Pier Giorgio. "Il mourut jeune, au terme d’une existence brève, met en avant Jean-Paul II lors de la béatification de Pier Giorgio en 1990, mais extraordinairement riche en fruits spirituels, s’acheminant vers la vraie patrie pour chanter les louanges de Dieu". (d'après Isabelle Piot)
Alors, vous aussi, chers enfants, vous allez recevoir la force qui fait les saints. Vous allez recevoir la force de l'Eucharistie, à laquelle rien ne résiste, si on la reçoit dans la foi, comme les Apôtres, comme Pier Giorgio, comme tant d'autres. Ne perdez pas cette force. En la perdant, vous perdez tout. En la gardant, vous recevez tout: "Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit, qui viendra sur vous", pas seulement aujourd'hui, mais tous les dimanches, et même les jours de semaine, si vous pouvez. En la gardant, vous pourrez la transmettre: "Alors vous serez mes témoins ... jusqu'aux extrémités de la terre".