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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Père Thomas Philippe, Fidélité au Saint Esprit: L'espérance

Publié par Walter Covens sur 17 Mai 2007, 20:38pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

L'espérance

    Il n'y a pas que la foi, il y a aussi l'espérance. L'espérance est cette vertu active qui prend en nous non seulement la volonté, mais aussi l'agressivité. L'espérance est située dans l'agressivité. Elle unît volonté et agressivité dans un amour surnaturel, qui est distinct de la charité, et que l'on peut garder parfois tout en perdant la charité.

    L'espérance est une vertu très mystérieuse. Il ne· faut pas chercher à l'expliquer au plan de la psychologie, il n'y a que Dieu qui peut nous la faire comprendre. C'est une attitude tellement mystérieuse, invisible. C'est comme la foi: qu'est-ce que la foi? On sait simplement que plus le bon Dieu approfondit notre foi, plus Il nous détache de tous les échafaudages humains sur lesquels notre foi peut s'appuyer. Pour beaucoup de personnes par exemple la foi est très liée à leur mère, ou aux traditions familiales, au milieu ... tout cela, c'est un échafaudage, le bon Dieu a pu s'en servir, mais il ne faut pas nous étonner que plus notre foi s'approfondit, plus le bon Dieu nous fait sentir que le lien essentiel de la foi est uniquement avec Dieu.

    L'espérance, c'est aussi quelque chose de très mystérieux. L'espérance théologale, au fond, on ne peut la découvrir que par les moyens que Dieu nous a laissés pour tenir debout, pour être capables d'attendre, mais attendre en étant orientés vers le but. Non pas attendre comme les vierges qui s'endorment, non pas attendre en faisant n'importe quoi pour passer le temps. L'espérance nous fait attendre, mais en même temps elle nous oriente vers le but. L'attitude de la fiancée est ce qui montre le mieux ce qu'est l'espérance: la fiancée a la parole de son fiancé mais cependant il lui est demandé d'attendre; la fiancée n'oublie pas son fiancé, elle reste toute tendue vers lui, bien qu'elle n'ait pas encore les contacts de l'amour.

L'espérance et les vertus morales

    Quels sont les moyens que Dieu nous a donnés pour nourrir notre espérance ?

    Au plan naturel, c'est tout le domaine des vertus. La morale chrétienne est essentiellement une morale de l'espérance. On tâche d'être juste, on tâche d'être vrai, on cherche l'authenticité, on cherche à se perfectionner un peu dans la vie commune par la patience, la douceur, l'obéissance. Le rôle de toutes ces petites choses est de donner à notre vie humaine sans que nous le sachions l'attitude qui nous oriente vers Dieu.

    Quand "ça ne va pas", un des meilleurs moyens d'améliorer notre "tonus" est de faire un tout petit acte de vertu, un tout petit effort. Par exemple, quand ça ne va pas, ce n'est pas en prenant un bonbon ou autre chose que nous améliorons notre état, au contraire. Mais si nous faisons un tout petit effort, par exemple si nous tâchons d'arriver au travail bien à l'heure, ce petit acte nous redonne tout de suite quelque chose. Si au contraire, vous arrivez au travail en traînant, cela accentue votre découragement. Et c'est la même chose en tout: quand on se réveille le matin, au lieu de céder à cette sorte de nonchalance qui nous donne une petite satisfaction très malsaine - ce personnage découragé que nous avons continuellement la tentation de jouer - il faut tâcher de se lever avec fermeté, en se ressaisissant tout de suite - sans violence, avec douceur, mais avec force.

    C'est un fait d'expérience: regardez tous ces jeunes qui se laissent aller à tous leurs appétits de plaisir, et qui sont si facilement découragés, désespérés même. La facilité, le plaisir, tout ce qui s'oppose à la morale dans ce qu'elle a de plus profond, enlève l'espérance du cœur. Mao l'avait bien compris: il demandait à son peuple une attitude assez dure, pour lui maintenir l'espérance. C'est au fond par démagogie que dans les pays jouisseurs, on prétend donner l'espérance aux gens en leur donnant toutes les facilités. Au contraire, cela supprime complètement l'espérance.

Une morale de l'espérance

    II est très important pour un chrétien de comprendre que la morale est avant tout une morale de l'espérance. Beaucoup de personnes maintiennent encore la morale, mais leurs divergences viennent de l'orientation: d'où vient la morale? Quel est le principe qui la fonde? C'est une question qui n'est pas simple ... La morale, ce n'est pas simplement pour la justice. Certes, c'est avant tout pour la justice : la vertu la plus parfaite au plan moral est la justice, qui est la seule vertu universelle. Mais la morale va plus loin: elle est au service de l'espérance en Dieu, la morale nous oriente vers Dieu.

    Il est très important de le savoir, du point de vue apostolique. Il m'arrive assez souvent de recevoir des personnes qui se disent athées. Je ne vais pas leur dire: «Puisque vous êtes athée, je ne peux rien faire pour vous» ! Je ne vais pas non plus tout de suite leur parler de Dieu, ce n'est pas cela qu'elles cherchent immédiatement, et cela ne ferait que les irriter. Alors je vais tâcher de les aider sur leur plan.
Quelqu'un est venu me voir un jour: «Ecoutez, je suis découragé de tout, plus personne n'arrive à me donner de l'espérance, je ne crois en rien, mais j'ai confiance en vous. Je suis athée, mais dans l'état où je suis, qu'est-ce que vous pensez que je dois faire pour retrouver un peu d'espérance ?» J'ai commencé par prier l'Esprit Saint intérieurement, et puis je hü ai dit de tâcher d'être un peu plus vrai: «Est-ce que vous n'êtes pas tout le temps à jouer un peu un personnage ?» «Oh! c'est vrai: on se trompe tout à fait sur moi, je fais des pirouettes tout le temps, je blague, mais au fond, c'est parce que je me ferme, je ne veux pas être moi-même» ... «Vous voyez, vous pouvez commencer par tâcher de progresser vers plus de vérité, cela vous donnera une petite espérance. Et puis en même temps, tâchez de faire des petits efforts au plan de la justice, plus d'exactitude dans votre travail par exemple». Ensuite, je lui ai parlé un petit peu de la fraternité, de s'adresser aux plus petits, à ceux qui souffrent. Quelque temps après, cette personne est revenue: «J'ai retrouvé un peu d'espérance». - «Oui, je le crois profondément. Eh bien vous voyez, tout cela conduit vers Dieu. Vous ne le connaissez pas encore, Il peut vous paraître bien loin, mais vous êtes en bonne voie !»

    Il est donc capital de voir le rôle que peuvent jouer les vertus morales. Elles sont le lien entre le naturel et le surnaturel. Vous savez comment saint Jean de la Croix parle du détachement de tout le créé. II est très sévère pour l'art et pour la science, mais il dit bien qu'il ne faut jamais se détacher des vertus morales. Ce serait une grave erreur de ne plus se soucier de la justice, par exemple, sous prétexte qu'on est appelé à une vie très contemplative; les vertus morales sont toujours nécessaires dans notre vie avec Dieu. Elles sont le jalon de l'esp~rance, elles nous orientent vers Dieu.

Grandes vertus cardinales et petites vertus évangéliques

    Vous comprenez alors l'importance de la vie commune dans notre vie, à côté de la prière : la vie communautaire nous demande l'exercice continuel de toutes les vertus, et spécialement des petites vertus qu'ont à pratiquer les pauvres et les petits. Les grandes vertus, les vertus cardinales sont très belles, mais beaucoup d'hommes sont incapables de les pratiquer : il est très rare de rencontrer un homme vraiment tempérant, vraiment fort, prudent, juste. Mais il y a toutes les vertus évangéliques, comme l'obéissance, la patience, la douceur, l'amabilité ... (Il s'agit de l'amabilité comme vertu: non pas être aimable avec les autres pour qu'ils fassent la même chose pour vous, non pas être aimable pour que la vie soit plus agréable! mais être aimable pour Dieu.) C'est ce que Notre Seigneur a voulu nous faire comprendre en disant : «Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête» (Mt 6,17). Tous ces petits efforts, surtout si nous les faisons avec une visée vertueuse, pour faire la volonté de Dieu, attirent beaucoup de grâces d'espérance.
La petite sainte Thérèse est notre modèle dans ce domaine : avoir une figure souriante au lieu d'une figure fermée, au lieu d'une figure de colère ... C'est cela, l'amabilité, mais prise du point de vue de Dieu, elle nous met dans le sens de l'espérance, et c'est l'effet courant que nous pouvons tous constater. Quand nous nous fermons, que nous boudons, que nous gardons une figure bougonne, cela ne nous aide pas ! Quand nous faisons un petit effort au contraire pour sourire, dans la vie commune, quand par obéissance nous tâchons d'arriver bien à l'heure au repas ou au travail, cela nous aide pour avoir un peu d'espérance, car les petites vertus évangéliques sont très liées avec les vertus théologales.

    Notre Seigneur est venu mettre en lumière l'importance des vertus évangéliques : «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur» (Mt 11, 29), et Il est un modèle de patience et d'obéissance pour nous.

L'espérance et les sacrements

    A côté de la pratique des petites vertus, les sacrements sont un autre moyen d'espérance. Pour comprendre les sacrements, il faut voir que Notre Seigneur les a donnés comme moyens d'espérance pour nous tous qui sommes si pauvres en vertus. Au fond, nous avons tellement de difficultés à être vraiment vertueux ! Mais la communion de chaque jour est là pour nous aider à ce que la journée ne se passe pas trop mal, et le sacrement de pénitence nous donne son pardon et nous redonne sa paix quand nous avons été maladroits. Jésus est notre compagnon de route. Il ne nous laisse pas cheminer seuls : Il nous donne des signes et des instruments qui nous permettent de nous incorporer à lui, de nous accrocher à lui.
Saint Thomas montre que les sacrements prennent toute la vie.

    C'est très net pour le sacrement de mariage: c'est Jésus lui-même qui vient unir les deux époux, et leur assure que leur union est avant tout un mystère d'espérance. Donc dans les difficultés, on s'appuie sur Notre Seigneur, on tâche de pratiquer ces petites vertus évangéliques mais on s'appuie surtout sur la grâce du sacrement de mariage. Et on ne cherche plus sa réussite, mais la volonté de Jésus.

    Nous avons toujours tendance à vouloir la réussite, une réussite formelle, extérieure, sans bavure! Combien de fois il arrive qu'on ait tout raté: la journée s'est très mal passée ... et puis tout de même, il y a une petite étincelle, un peu de paix dans le cœur: la paix au moins d'avoir fait ce qu'on a pu, la paix d'avoir essayé de montrer sa bonne volonté, cette paix qui nous aide. Mais si nous cherchons la réussite, nous pensons que tout est raté! Et nous avons toujours une peur terrible de ne pas réussir! Cette peur est un peu normale, parce qu'en un sens, nous ne réussirons jamais parfaitement notre vie ! Par exemple je ne connais pas un seul foyer qui soit une réussite complète, ou bien alors, ce sont des gens qui n'ont pas beaucoup d'idéal! Mais le mariage chrétien donne une espérance très spéciale : on sait qu'on doit se rapprocher de Dieu ensemble, peut-être qu'il y aura des moments difficiles, des épreuves, mais l'Esprit Saint nous donne la force pour les porter ensemble.

Père Thomas Philippe, Fidélité au Saint Esprit, Éd. des Béatitudes 1988, p. 34-39
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