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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Père M. D. Molinié, Terriblement simple

Publié par Walter Covens sur 22 Mars 2007, 13:57pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    J'ai souligné les obstacles qui nous empêchent de faire vraiment face à la Miséricorde. Les souffrances des saints viennent de là: il n'y a rien d'autre qui mérite en fin de compte le nom de souffrance. Humainement parlant, nous ne pouvons pas éviter la crainte: l'amour parfait bannit la crainte, mais nous n'en sommes pas là; c'est un grand danger de vouloir être délivré de toute crainte autrement que par l'amour parfait. En attendant, cultivons le courage d'avoir peur.

    Le Sang du Christ est tout-puissant, on ne peut pas invoquer le Nom de Jésus sans être sauvé; demandez et vous recevrez - tout cela est infaillible, c'est un roc: mais nous avons la tentation de courir après autre chose. Quand quelqu'un s'accroche à une bouée et qu'on l'oblige à la lâcher, il a forcément un moment de panique. Quand on nous parle en vérité du mystère du salut, on nous oblige à lâcher nos bouées. Alors nous avons peur, et ne voulant pas avoir peur nous accusons ceux qui nous parlent de jansénisme, d'intégrisme, etc. Et nous fuyons ainsi la vraie sécurité: ceux qui caressent les illusions ne sont pas en sécurité. Quand on a la charge écrasante d'annoncer la Parole de Dieu, il faut bien dire tout de même à ces aveugles: «Votre canot de sauvetage prend eau: montez dans la barque du Christ! le salut est offert, il n'y a qu'à le prendre. Venez, achetez pour rien», etc.

    Par exemple, il est dangereux de faire des promesses du genre de: Je donnerai ma vie pour Toi. Si on s'appuie sur la générosité qui a dicté cette promesse, on ne s'appuie pas sur Dieu seul. Ce n'est pas un danger mortel, mais c'est une prise offerte à Satan pour qu'il nous détourne de la Miséricorde. Certes Dieu voit notre bonne volonté, la petite graine de confiance vraie enfouie derrière cette illusion - mais Il est impatient de la débarrasser de ses entraves. Il veut que nous puissions dire: C'est la confiance et rien que la confiance... Alors comprenons d'où viennent nos échecs et nos difficultés: c'est l'impatience de Dieu de nous voir arriver à la vraie confiance.

    On parle de construire un monde meilleur. Mais où serait l'intérêt d'un monde soi-disant chrétien qui ne reposerait pas sur la confiance la plus folle dans la miséricorde de Dieu? On ne soupire pas assez après la Jérusalem céleste, on n'y croit pas assez, alors on se rabat sur l'espoir intermédiaire d'une humanité meilleure.

    Il importe de comprendre l'erreur qui anime cet espoir. Selon cet optimisme (qui se fait passer pour l'espérance chrétienne), si on prend le monde actuel avec les forces qui le travaillent dès maintenant - y compris bien sûr le ferment évangélique - eh bien, de soi, intrinsèquement, avec le secours ordinaire de Dieu, ce monde sera sauvé: l'humanité s'oriente vers un équilibre salutaire, à travers des crises sans doute, mais le processus est sûr et on peut lui faire confiance. N'est­ce pas faire confiance au germe du Royaume avec sa puissance de croissance: n'est-ce pas l'espérance chrétienne?

    Si on regarde ce germe comme le fruit de l'amour de Dieu pour nous, si on lui adjoint l'intention divine de nous sauver, alors c'est vrai - tout en restant gratuit et pas infaillible pour tous. Mais si on envisage ce germe en lui-même, dans sa fragilité fondamentale livrée sans défense à la liberté humaine, alors c'est une erreur grave de compter uniquement sur lui: cela voudrait dire que le monde n'a plus besoin pour être sauvé d'une intervention nouvelle et extrinsèque de Dieu...

    Lorsque l'empire de Satan se déchaîne - et à chaque fois qu'il se déchaîne - il faut un nouveau secours de Dieu: «Satan a réclamé de vous cribler comme le froment.» Ceux qui comprennent cela crient au secours, ils cherchent la face de Dieu et, à force de supplier, ils Le rencontrent. Ceux qui au contraire se laissent bercer par l'optimisme ne sont plus poussés par la détresse à chercher le visage du Christ. Résultat: la rencontre avec Dieu n'a pas lieu, parce qu'on perd l'habitude d'appeler au secours.

    C'est vrai pour l'histoire du monde, c'est vrai pour l'histoire de chacun: «Demandez et vous recevrez ...» mais la réponse n'est pas inscrite dans la demande! La première chose que Dieu attend, c'est qu'on appelle au secours - c'est la «prière de Jésus» des Orientaux: «Jésus, aie pitié de moi, pécheur!»

    Vous voyez, c'est simple: c'est terriblement simple. Terriblement en deux sens. D'abord parce que c'est à prendre ou à laisser. C'est tout ou rien: l'absolu est terrible pour nous parce que nous avons tendance à chercher des intermédiaires entre le meilleur et le pire - le malheur éternel et la Vie éternelle. (Le vieux Karamazov demandait à son fils athée s'il n'y avait pas tout de même un peu de vie éternelle, un peu d'immortalité...)

    Terriblement aussi, parce que la confiance qui nous sauve est rude à la nature humaine: cette simplicité de Dieu nous crucifie, elle nous inflige la mort... et la résurrection, qui passe par la mort et par le courage d'avoir peur.
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