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Publié par Walter Covens

    Ceux qui ont tout quitté pour suivre Jésus-Christ risquent de s'appuyer sur ce don total pour s'installer dans une sécurité trompeuse. C'est ce qu'on faisait facilement dans les siècles où l'on croyait au petit nombre des élus. La vie religieuse apparaissait comme un gage de salut qui dispensait de craindre. A partir de là, il était facile de tomber dans un pharisaïsme d'autant plus odieux qu'il damnait la majorité des hommes en remerciant Dieu de ne pas lui ressembler. On réagit violemment de nos jours contre ce pharisaïsme: mais on ne voit pas qu'on en garde le ferment dans la mesure où l'on cherche toujours une sécurité - une sécurité différente, mais une sécurité.

    Il est très difficile en effet de ne pas s'appuyer sur les gages de la miséricorde de Dieu - ceux qu'Il nous a déjà donnés: notre propre vertu, nos efforts et nos sacrifices, ou même tel acte de confiance déjà fait (« J'ai fait confiance, je suis couvert!»). Pour que notre espérance devienne pure, il faudra qu'elle abandonne tous ces appuis...

    Pour renforcer notre sécurité, on faisait facilement appel autrefois à des signes: le premier vendredi du mois, le scapulaire du Mont-Carmel, etc. (sans parler des indulgences). On a tort de mépriser ces choses, parce qu'on a toujours tort de mépriser quoi que ce soit (pas une seule goutte de mépris n'entrera au ciel) - ensuite parce que dans ces pratiques il y a autre chose que l'idée de mettre dans sa poche une réservation pour le ciel: il y a un acte de confiance qui s'incarne en s'appuyant sur un signe... et ce n'est pas si mal (voir l'histoire de Naaman le Syrien) .

    Mais quel est notre rocher, notre point d'appui suprême? la bonté de Dieu - ou une promesse précise à laquelle nous nous cramponnons? Il ne faut pas se rendre propriétaire, même de la Promesse. Si on essaie d'enfermer Dieu dans sa promesse ou dans sa parole, on quitte le climat où l'on se donne pour entrer dans le climat où l'on possède: c'est pour éviter cela que Dieu semble parfois renier ses promesses.

    Et pourtant il est bon, même si ce n'est pas pur, de s'appuyer fermement sur la promesse de Dieu. Cette promesse ne sera pas vaine: si nous y croyons, même en propriétaire, nous pouvons avoir la certitude - je dis la certitude - que Dieu nous rattrapera et nous apprendra un jour à mettre notre confiance en Lui, au-delà de toute promesse.

    Autrement dit, soyons sûrs que si nous avons confiance, Dieu nous donnera confiance: Il nous mettra dans cet état où il n'y a plus que la confiance. Seulement il faut L'y aider en acceptant d'éliminer le plus possible les mouvements par lesquels nous nous appuyons sur autre chose.

    On disait autrefois que dans la vie religieuse on se sauve plus facilement. Bien qu'on ne le dise plus, cela reste vrai. Mais il faut l'affirmer sans en tirer une garantie qui nous sortirait de la vraie confiance. Dieu a beau faire, Il ne peut sauver quelqu'un qui ne lui donne pas toute sa confiance, et nous la Lui retirons dans la mesure où nous nous appuyons sur autre chose.

    Toute les impuretés spirituelles reviennent à cela: s'appuyer sur autre chose. Voilà pourquoi il faut le travail du Saint-Esprit et les purifications passives. Dieu ne peut nous envahir si nous ne L'accueillons pas, et nous L'accueillons par la confiance: c'est la seule réponse adéquate aux invasions de l'Amour. Ces invasions contrarient nécessairement les faux mouvements par lesquels nous nous appuyons sur autre chose.

    Tel est le sens des exigences infinies de Dieu: Il ne peut pas, finalement, transiger là-dessus, et Il est obligé de nous mettre sur le gril de S. Laurent, parce que c'est instinctif de s'appuyer sur ce qu'on voit. Or la Miséricorde ne se voit pas: il faut donc qu'elle coupe les liens qui nous attachent à un appui visible. Chaque fois qu'Elle le fait, nous voyons bien que rien ne nous garantit le salut, nous n'avons pas plus de garantie à ce sujet que Judas. Ne sachant plus à quoi nous raccrocher, le désespoir nous guette. Alors Dieu y va tout doucement, Il enlève chaque appui l'un après l'autre - et en même temps Il nous donne un mouvement correspondant de confiance, qui se fait dans la nuit. Il ne faut donc pas s'étonner s'il y a des choses qui nous déconcertent…

    Tant qu'à espérer le salut, autant espérer la sainteté: il n'est pas plus facile d'être sauvé que d'être un saint, puisque de toute façon nous n'avons aucune garantie.

    Pour cela, il ne faut pas se cramponner à un certain cadre de vie, comme s'il n'y avait pas d'autre moyen de garder la présence de Dieu. Dès qu'on se cramponne, à nous les inquiétudes: «Comment faire si telle chose arrive?» Croyez-vous donc pouvoir en sortir par vous-mêmes? Soyez tranquilles, Dieu vous mettra toujours, quel que soit votre cadre de vie, dans une situation telle qu'il n'y aura pas moyen de vous en sortir. Quand on en est là, on est tenté d'abandonner la partie, en déclarant que dans ces conditions il n'y a rien à faire. Mais si vous renoncez à la sainteté, pourquoi pas au salut pendant que vous y êtes?

    C'est souvent un sursaut de désespoir qui nous jette dans la confiance aveugle. Thérèse disait: «Comme il faut prier pour les agonisants! Si on savait...» tout simplement parce que les agonisants sont dans la réalité. Ils voient que tout est perdu s'ils ne reçoivent pas une miséricorde que rien ne garantit. Il faut s'habituer, dans la vie, à subir quelques agonies de ce genre: sinon, le passage de l'illusion à la confiance véritable, toujours pénible, deviendra terrible.

    Prenons l'habitude de nous mettre sous le vent de la confiance, de nous laisser porter par cette vague comme fait le «surf». Acceptons de nous mettre sous la houle de la miséricorde, ce qui est impossible sans perdre pied.
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