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Publié par Walter Covens

Jésus laisse à Dieu la difficile décision du jugement ultime: "Sinon tu le couperas".

Jésus laisse à Dieu la difficile décision du jugement ultime: "Sinon tu le couperas".

 
 
 
    Après avoir été poussé par l'Esprit à suivre Jésus dans le désert par la prière, le jeûne et le combat contre les tentations, nous avons entendu l'appel du Père à écouter son Fils sur la montagne des Écritures. Aujourd'hui nous sommes appelés à méditer le mystère de la miséricorde de Dieu qui, en Jésus, nous appelle à la conversion, à revenir à Dieu de tout notre coeur, de tout notre esprit, de toutes nos forces.


    L'épisode que nous venons d'entendre se situe au coeur de la montée vers Jérusalem que Jésus entreprend avec décision, sachant que c'est là que s'accomplira sa passion, sa mort et sa résurrection. Jésus vient tout juste de corriger la foule en leur disant: "Esprits faux! l'aspect de la terre et du ciel, vous savez le juger, mais les temps où nous sommes, pourquoi ne savez-vous pas le juger?" (Lc 12, 56) Je pense à ces ecclésiastiques qui font de savantes analyses géopolitiques à propos de la situation en Ukraine, mais qui ne sont pas capables de discerner qui est le vrai Pape...
 
 
Et voilà que certains lui signalent un de ces faits d'actualité tragiques qui arrivent encore de nos jours: "l'affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu'ils offraient un sacrifice". La mentalité religieuse du temps voyait en des évènements comme ceux-là la marque d'un jugement et d'une punition divine pour les péchés des victimes.


    Jésus, au contraire, leur enseigne à regarder cet évènement dans la foi, et à y percevoir une invitation à la conversion. Il le dit très clairement : "Pensez-vous que ces hommes étaient de plus grands pécheurs que les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort? Eh bien non, je vous le dis, et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux". Et ensuite il cite un autre grave incident: l'écroulement de la tour de Siloë, qui avait causé la mort de dix-huit personnes, en faisant le même commentaire: "Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière".


    Dans la vie de ce monde Dieu ne punit pas les injustes, tandis qu'il épargne les justes. La vérité est autre: nous sommes tous pécheurs, ceux qui sont en vie comme ceux qui meurent. "Celui qui se croit solide, qu'il fasse attention à ne pas tomber" (1 Co 10, 12). Jésus ne veut effrayer personne, mais il veut nous enseigner que chaque évènement demande une compréhension profonde, riche de sagesse: il faut le lire avec son coeur, non pas comme un simple fait divers, mais en le plaçant dans l'histoire, dans l'histoire du salut, que Dieu accomplit de manière invisible chaque jour. Ce n'est qu'ainsi que chacun pourra comprendre, avant tout pour lui-même, que Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais "qu'il se détourne de sa conduite et qu'il vive" (cf. Ez 18, 23 ; 33, 11).
 
 

 
 
 
    Pour que ceci soit bien clair, Jésus raconte la parabole du figuier stérile, une parabole qui nous parle de ce que vit Jésus lui-même. Dieu, le maître de la vigne (cf. Ps 79 ; Is 5), plante un figuier dans sa vigne ; pendant trois longues années il vient chercher les fruits - ces "fruits de conversion" (Lc 3, 8), déjà réclamés par Jean-Baptiste. Mais il n'en trouve pas. Alors, dit Jésus, le maître demande au vigneron de couper ce figuier, parce qu'il risque d'épuiser inutilement le terrain. Il s'agit d'une mesure de justice, à laquelle cependant le vigneron répond : "Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier". Le vigneron (Jésus) ne se borne pas à demander un délai, mais il intercède avec force, en demandant au Maître de la vigne (son Père) de renoncer à la menace, comme l'avaient fait les prophètes d'Israël, de Moïse (cf. Is 34, 9) à Amos (cf. Am 7, 2), et tant d'autres. Il ne se borne pas non plus à intercéder: il s'engage à travailler avec encore plus de soin en faisant tout son possible pour donner au figuier (chacun de nous) toutes les chances pour porter du fruit…


    En tout cas, Jésus laisse à Dieu la difficile décision du jugement ultime: "Sinon tu le couperas". Dans cette conclusion nous pouvons recueillir la grandeur de la miséricorde et de la patience de Jésus, celui qui avec toute sa vie nous a révélé le Dieu qui est "YAHVÉ, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de fidélité" (Ex 34, 6). Maintenant, si Jésus ne veut condamner personne, pour toujours offrir toute la possibilité et l'espoir de la conversion, qui sommes-nous pour juger de la fécondité ou de la stérilité des autres? Voilà pourquoi, comme il arrive souvent dans les paraboles, même celle-ci reste ouverte. Elle appelle chacun de nous à porter des fruits de conversion.
 

    Jésus sait bien que "la miséricorde se moque du jugement". (Jc 2, 13). Et c'est vraiment la connaissance de cette miséricorde de Dieu, plus forte que nos péchés, qui peut nous pousser à la conversion. Oui, chaque jour le chrétien devrait dire avec conviction : "Aujourd'hui je recommence, aujourd'hui je peux recommencer", sans présumer de ses forces, et sans jamais poser des limites à la miséricorde de Dieu.


    La miséricorde de Dieu n'est pas un oreiller de paresse. Se prévaloir de la miséricorde pour remettre sa conversion à plus tard, ce n'est pas connaître la miséricorde. Encore faut-il savoir ce que veut dire: se convertir. À ce sujet quantité d'idées fausses risquent d'hypothéquer l'issue, ou même le commencement de l'entreprise. Faisons donc la chasse aux idées fausses sur la conversion.

 
La conversion, c'est quelque chose pour moi : ça n'arrive pas qu'aux autres.
La conversion, c'est le cœur de l'Évangile. Lire le texte sacré sans ressentir en soi cet appel, c'est passer à côté.
La conversion, ce n’est pas la case-départ, mais une exigence permanente. La sainteté ne consiste pas à se passer le plus tôt possible de la Miséricorde, mais à s’y plonger de plus en plus.
La conversion n'est pas mon œuvre: c'est un évènement inattendu que je ne puis pas programmer dans ma recherche.
La conversion, ce n'est pas Dieu se déduisant de mes réflexions: c'est la rencontre de Quelqu'un. Dieu se dit comme il se donne.
La conversion, ce n’est pas d'aller au souk du sacré pour faire des emplettes curieuses que l'on jouira de collectionner dans son musée personnel. Dieu n'est pas en ma possession, pour mon usage personnel, au gré de mes états d'âme.
La conversion, c'est l'accueil du gratuit. C'est tout le contraire d'une conquête du divin (par le savoir, la magie, la méthode de prière). L'idole, ce n'est pas l'image comme telle: c'est une relation à Dieu qui est faussée, c'est le moyen automatique de mettre la main sur une Énergie convoitée. C'est la religion à l'envers.
La conversion, ce n'est pas de découverte de Dieu, mais l'entrée dans l'Alliance. Le monothéisme biblique n’est pas la seule quantité du divin qui soit convenable, mais l’évidente qualité d'un Dieu dont la tendresse est incomparable. Il ne s'établit pas avec la règle de calcul: il se vérifie dans l'histoire et dans mon cœur. Unique est celui qui me comble. Un seul Dieu, comme un seul Epoux.
La conversion, ce n’est pas de posséder le portrait robot d'un Dieu wanted : c'est de fréquenter une Personne qui a pris les devants pour se faire connaître elle-même, librement, à sa guise.
La conversion, c'est de cesser de recourir à des religions d'appoint pour boucher les trous, pour se sécuriser. C'est cesser de manger à plusieurs râteliers des nourritures contradictoires dont le mélange est détonant.
La conversion. c'est, dans le malheur, de résister à la tentation de revenir au Jupiter païen pour pouvoir lui faire des reproches véhéments qu'il est impossible d'adresser sur le Calvaire à un Dieu crucifié.
La conversion, c'est bien le rejet du péché: mais de quel péché? Le péché moral, bien sûr, mais est-ce le plus grave? Je puis ne pas être un pirate, mais n'avoir pourtant rien d'un amoureux. Je puis faire le bien sans tendresse, être vertueux sans joie. Je puis mener ma vie quotidienne comme on enfile des perles, sans âme.
La conversion, c'est souvent une réanimation. Il est bon de ne pas pécher, encore faut-il respirer. En Dieu-Trinité, il y a du souffle: l'Esprit-Saint.
La conversion, ce n’est pas de fuir, mais de s'attacher. Ce n'est pas une répulsion, mais une attraction. Ce n'est pas une évasion, mais une séduction. Ce n'est pas une peur, sinon la peur d'être séparé de son Amour.
La conversion, c’est, dans l’attachement à Jésus, le seul moyen de ne pas vivre seulement au niveau de sa fonction, mais d’être en état de vocation. C’est de vivre le métier comme une amitié, parce que le métier est de dire l’Amour.
(Père André Manaranche)
 

N.B.: Le Père Manaranche développe et explique chacun de ces points.
Se convertir ou périr - Homélie 3e dimanche du Carême C
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