Jaloux, les anges ? Non, bien au contraire ! Voici l'antienne d'ouverture de la messe du jour : "Les anges se réjouissent avec nous de cette fête ; ils en glorifient le Fils de Dieu." Les anges sont "avec nous". Nous l'oublions trop souvent, durant nos célébrations liturgiques, comme dans toute notre vie, qui doit être un sacrifice saint, capable de plaire à Dieu (Rm 12, 1). Sachons-le, et ne l'oublions pas : aujourd'hui les anges se réjouissent "avec nous". Puisque les anges se réjouissent avec nous, ne nous réjouissons pas sans eux. "Tous ensemble, réjouissons-nous" dit encore l'antienne, puis : "Les anges se réjouissent avec nous." C'est cela : l'Église.
Marie est appelée Arche de la Nouvelle Alliance. Si David mettait tant d'ardeur à rassembler tout Israël pour introduire l'Arche de l'Ancienne Alliance dans la Jérusalem de la terre, combien ne devons-nous pas mettre d'ardeur à célébrer Dieu qui rassemble son peuple pour célébrer l'entrée de Marie dans la Jérusalem céleste (cf. 1e lect. de la vigile et 1e lect. du jour) ? Mikal, la femme de David récriminait contre lui. Elle demeurera stérile jusqu'à la fin de ses jours (2 S 6, 20-23).
Dans une homélie (DE L'IRONIE JOHANNIQUE À THÉRÈSE DE LISIEUX Jn 6, 41-51), citant Thérèse, qui, elle-même, citait le Psaume 70 : Vous m'avez instruite dès ma jeunesse et jusqu'à présent j'ai annoncé vos merveilles..., j'avais dit : "Quel contraste avec ceux qui se trouvaient dans la synagogue de Capharnaüm ! Ils récriminaient contre Jésus." Et Jésus leur dit : Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi. Ou bien : rendre grâce "avec les anges" et annoncer les merveilles du Père qui a attiré la petite Marie de Nazareth vers Jésus sur la terre comme au ciel ; ou bien : récriminer contre l'Église, donc contre Jésus, donc contre Dieu, qui, pourtant, en l'attirant vers Jésus, nous donne Marie comme il nous donne le Pain du ciel : qu'allons-nous faire "aujourd'hui" ?
Entre nous et les anges qui se réjouissent "avec nous", il y a pourtant une différence : les anges voient ; nous, nous croyons. En effet, depuis le premier novembre 1950, l'Assomption de la Vierge Marie est devenue un dogme de notre foi. Que cette différence ne nous décourage pas. Les anges n'ont pas attendu cette date pour se réjouir. Les chrétiens non plus ! En Occident, la fête est célébrée au moins depuis le 7e siècle ! Depuis 1950 quelque chose, pourtant, a changé : "aujourd'hui" nous devons nous réjouir, parce qu'aujourd'hui nous devons croire. C'est un devoir, un doux devoir, mais un devoir vital. La foi qui voit, ce n'est plus la foi. La foi qui ne se réjouit pas, ce n'est pas encore la foi. Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 21, 29). Au ciel, nous verrons, si aujourd'hui, nous croyons, et si, croyant, nous nous réjouissons.
Autre chose : l'Assomption de Marie, ça ne se trouve pas dans la Bible, disent les adversaires. Et alors ? L'Écriture, que je sache, n'est pas la seule autorité sur laquelle est basée notre foi. Sinon, les premiers chrétiens qui, pendant des décennies, n'ont pas eu de Nouveau Testament, n'auraient pas cru beaucoup de vérités fondamentales de notre foi, à commencer par le dogme de la Trinité, qui, d'ailleurs, n'est pas explicitement affirmé dans le Nouveau Testament non plus. Alors oui, c'est vrai, et il faut le dire sans honte, mais avec fierté : le Pape Pie XII, pour fonder la foi en l'Assomption de Marie, n'a pas fait appel à une argumentation purement scripturaire. Dans les lectures de cette solennité, aucun texte n'affirme explicitement que Marie n'a pas connu la corruption du tombeau.
Que ceux qui affirment que nous ne devrions croire que ce qui est explicitement affirmé dans la Bible me montrent où cette affirmation (qu'il faut croire seulement cela) se trouve dans la Bible. Soyons clairs : ce qui se trouve contenu de façon implicite dans l'Écriture n'est pas moins certain que ce qui s'y trouve contenu explicitement. C'est toute l'importance du sensus fidei, cet instinct très sûr qui guide la foi des chrétiens, comme nous le rappelle Vatican II. Je vous signale que Pie XII, avant de définir le dogme de l'Assomption, a procédé à une très large consultation des évêques du monde entier.
En nous demandant de croire ce qui n'est pas explicitement affirmé dans la Bible, le Seigneur nous fait un grand honneur. C'est l'honneur qu'il a fait à Simon-Pierre quand il lui a demandé de marcher sur l'eau. Nous sommes bien d'accord : il est plus facile de marcher sur la terre ferme que de marcher sur l'eau (surtout dans une tempête), comme il est plus facile de croire ce qui est explicitement affirmé dans l'Écriture (surtout quand la foi est contestée). À la suite de Pierre, n'ayons pas peur de marcher sur l'eau pour aller vers Jésus avec confiance.
Vous connaissez sans doute le cantique : "Au ciel, au ciel, au ciel, j'irai la voir un jour". Est-ce trop demander de croire joyeusement pour une si grande récompense ? Si vous dites que les anges ont bien de la chance, je réponds : les anges ne sont pas jaloux de nous ; ne soyez pas jaloux d'eux non plus. Les anges ne sont pas jaloux de Marie ; ne soyez pas jaloux d'elle non plus. Car la mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, (écoutez bien la suite) et ceux qui se rangent dans son parti en font l'expérience. (Sg 2, 24)
Même Ponce Pilate se rendrait compte que la raison de tant de récriminations contre l'Église et le dogme de l'Assomption de Marie (comme contre l'Eucharistie) c'est la jalousie (cf. Mc 15, 10), la jalousie du démon et de ceux qui se rangent dans son parti. Or, dit S. Paul, non sans ironie : Vous ne pouvez pas en même temps boire à la coupe du Seigneur et à celle des esprits mauvais ; vous ne pouvez pas en même temps prendre part à la table du Seigneur et à celle des esprits mauvais. Voudrions-nous provoquer la jalousie du Seigneur ? Sommes-nous donc plus forts que lui ? (1 Co 10, 12)
La jalousie vient d'un manque d'humilité, d'un manque de pauvreté, et elle engendre la mort. Le Seigneur dit à Angèle de Foligno :
La jalousie, l'orgueil et la mort, d'un côté ; de l'autre : la pauvreté, la joie et la vie. Aujourd'hui, que Marie nous aide à faire le bon choix. Car entre les deux camps, il y a un vrai combat (cf. 1e lect. du jour).
Dans une lettre datée du 6 novembre 1950 et adressée à un couple du Canada, endeuillé par la mort précoce de leur petit garçon, Georges-Michel, quinze jours auparavant (une semaine avant la proclamation du dogme de l'Assomption), et dont Marthe Robin avait accepté d'être la marraine, le Père Finet, qui avait assisté à la proclamation du dogme Place Saint-Pierre, écrit ces lignes prophétiques :
"Aussi, avec vous, sentons-nous tomber abondantes les grâces du Ciel ( ...) De ces grâces, j'en ai vu les prémices sur la place Saint-Pierre, à la définition du dogme. Avec les petits innocents, nous sommes entrés dans la première réalisation de la conception de Dieu : Dieu parmi nous par l'Incarnation. Avec la multitude de nos petits innocents de 1950, de l'Année Sainte, nous entrons dans la seconde partie de la réalisation de la conception de Dieu, l'humanité en Assomption à la suite de Jésus et de Marie. C'est la défaite du communisme, du laïcisme, de l'athéisme, du matérialisme, qui tous nient le grand retour et l'espérance théologale pour nous proposer un but uniquement à la hauteur de l'homme, une humanité désacrée qui ne fait pas retour en Dieu et dont le bonheur n'est que terrestre. Et voici qu'une fois de plus Marie triomphe de l'erreur, écrase la tête du serpent et rouvre la route qui fait renaître l'humanité en Dieu par son Assomption pour le bonheur éternel dans la Jérusalem céleste."
BONNE FÊTE !