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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Enzo Bianchi, Lire la Bible, écouter la Parole

Publié par Walter Covens sur 7 Mars 2007, 21:46pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    Parmi les acquisitions les plus fécondes du concile Vatican II pour l'Église catholique, il y a certainement la redécouverte de la valeur propre de l'Écriture dans la vie de la communauté chrétienne. La Constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum) lui attribue le rôle d'unifier les milieux essentiels de la vie de l'Église. Dans la liturgie, en effet, les Écritures « font résonner [...] la voix de l'Esprit-Saint» et, par leur biais, Dieu « vient [...] au-devant de ses fils et s'entretient avec eux» (Dei Verbum, n° 21) ; la prédication doit être « nourrie et guidée par la Sainte Écriture» (Dei Verbum, n° 21 et 24) ; la théologie doit s'appuyer sur «la parole de Dieu [...] comme sur son fondement éternel» et l'étude de l'Écriture devenir «comme l'âme de la théologie» (Dei Verbum, n° 24) ; enfin, la fréquentation assidue et priante de l'Écriture marque la vie des fidèles (Dei Verbum, n° 25). Ce caractère central de l'Écriture dans l'Église vise à apprendre « l'éminente connaissance de Jésus Christ ». « L'ignorance des Écritures est, en effet, l'ignorance du Christ » (saint Jérôme, cité par Dei Verbum, n° 25).

    Mais, parce que, au cœur du christianisme, il n'y a pas un livre -le christianisme n'est pas une religion du livre -, mais la personne vivante de Jésus Christ, la Bible même se présente comme un livre qui exige une interprétation pour conduire à la rencontre avec le Christ, Parole définitive de Dieu à l'humanité.

    Cherchant ici à mettre en lumière ce type de compréhension, nous ne pouvons pas l'entre­prendre sans avoir passé en revue auparavant, de façon synthétique, les divers modes selon lesquels la Bible a été lue au cours de l'histoire.

    Les débuts de l'histoire de la lecture de la Bible sont attestés à l'intérieur de la Bible elle-même. La parole de Dieu transmise à un prophète est ressentie dans sa force et sa pérennité, qui transcende la situation dans laquelle elle a été émise, et elle est relue et réinterprétée par des prophètes postérieurs (ainsi le deuxième Isaïe relit le premier Isaïe; le troisième Isaïe reprend le deuxième Isaïe). La libération de la servitude égyptienne est comprise comme le modèle de l'intervention du Dieu sauveur dans l'histoire et ce modèle est réactualisé - relu et réécrit - à différentes époques (Sagesse 10 - 19 est un midrash sur l'Exode).


Les lectures de la Bible dans l'histoire

    L'Ancien Testament présente ainsi de nombreux passages où la Bible s'interprète elIe-même, cite ou propose des allusions à certains de ses textes et il contient aussi des exemples de lecture midrashique, c'est-à-dire de réactualisation dans un nouveau contexte, du sens d'un passage ou d'un événement. Le terme midrash, qui dérive de la racine darash, signifiant « scruter », indique de manière technique la méthode juive d'étude de l'Écriture (et les produits de cette étude, à savoir les commentaires). La lecture de l'Ancien Testament dans le Nouveau Testament peut être définie comme une espèce de midrash, à ceci près - et ceci est fondamental - que le point de référence n'est pas, comme dans le judaïsme, la Torah, mais Jésus Christ, qui devient la clé d'interprétation de tous les passages de l'Écriture. Les auteurs du Nouveau Testament ont recours à des procédés de l'exégèse juive de leur temps: des développements doctrinaux et narratifs déduits d'un texte biblique (le midrash aggadah, voir Mt 22, 23-32) ; des principes normatifs fondés sur un passage de l'Ancien Testament (le midrash halakah, voir Mt 19, 6) ; chez Paul, on trouve des cas d'application du raisonnement a fortiori et de la déduction par analogie, deux des sept règles exégétiques (les middotim) attribuées à rabbi Hillel (mort en 20 apr. J.-C. environ). Paul, toujours, se réfère encore à l'Ancien Testament en faisant de ce dernier le contenant de types, de figures, de symboles et de prophéties qui trouveront leur antitype, c'est-à-dire leur réalité et leur accomplissement en Jésus de Nazareth, le Messie (1 Co 10, 1 4 ; Ga 4, 21-31). Les bases sont ainsi posées pour la lecture typologique et allégorique qui sera prisée par les Pères de l'Église.

    Développant la forte distinction opérée par Paul entre la lettre et l'Esprit (2 Co 3, 6), Origène ouvre la voie à la lecture chrétienne de la Bible dans la recherche d'un sens spirituel, voilé derrière le sens littéral du texte biblique. Le présupposé de cette lecture est évidemment la donnée théologique de l'inspiration scripturaire. Origène parviendra à distinguer trois sens de l'Écriture: un sens littéral (historique), un sens mystique (relatif au mystère de l'histoire du salut qui s'est accompli dans le Christ et concernant donc. les réalités de la foi), un sens moral (touchant l'application pratique, le plan éthique). Nous sommes à la racine de la doctrine des quatre sens de l'Écriture qui caractérisera le Moyen Âge. Il s'agit d'un schéma d'approfondissement progressif du sens du texte biblique qu'exprime bien ce distique d'Augustin de Dacie (12e siècle) :

Littera gerta doca,
quid credas allegoria,
moralis quid agas,
quo tendas anagogia

c'est-à-dire:

« La lettre informe des faits, l'allégorie de ce que l'on doit croire, la morale de ce qu'il faut faire, l'anagogie de ce à quoi on aspire. »

    Le sens littéral (littera) nous informe des faits, des événements qui se sont produits, de l'histoire; le sens allégorique ou spirituel (allegoria) exprime l'objet de la foi, il conduit au mystère caché derrière le sens évident; le sens moral ou tropologique (moralis) concerne le plan pratique et spirituel de la vie du croyant; le sens anagogique ou eschatologique (anagogia) ouvre l'espérance du croyant vers les réalités dernières.

    Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas tant, en réalité, de quatre sens, mais d'un unique sens compris à différents niveaux de profondeur. Au Moyen Âge, en parallèle de la lectio divina, cette lecture sapientielle qui cherche dans le texte biblique la connaissance amoureuse du Christ et la nourriture pour la foi, lecture pratiquée avant tout dans les milieux monastiques, se développe la lectio scholastica, qui atteint sa plus forte expression entre la fin du 12e et le début du 13e siècle, et où le texte biblique est lu et utilisé pour soutenir des positions théologiques déterminées: c'est une lecture technique, attentive au sens littéral qui apparaît comme le seul à pouvoir fonder la théologie (voir l'exemple de saint Thomas d'Aquin). C'est à partir du 14e siècle que l'interprétation chrétienne de l'Écriture, essentiellement allégorique et spirituelle, et dont le risque a toujours été celui de l'éloignement de l'histoire, a poussé ce risque à ses conséquences extrêmes. Elle est tombée dans des procédés d'abstraction toujours plus complexes et dans des allégorisations artificielles qui marquent sa décadence et ouvrent la voie à l'ère moderne de l'interprétation biblique.

    Cette époque est caractérisée par une nouvelle prise en considération du sens littéral, attention qui demeure jusqu'à nos jours. De nombreux facteurs contribuèrent à cette réévaluation: l'invention de l'imprimerie au 15e siècle, qui conduira progressivement une multitude de lecteurs à un face à face avec la Bible, auparavant impossible; le besoin d'un retour à l'Écriture comme élément de purification, à une époque de décadence des pratiques de l'Église (nous sommes à l'époque de la Réforme) ; enfin, le retour aux sources et à la connaissance des langues anciennes, pour lesquelles les humanistes se battent (Lorenzo Valla, au 15e siècle, propose de revenir à la vérité grecque des Écritures, après l'époque médiévale où avait dominé la Bible latine). Le déracinement du texte sacré de son contexte religieux et de l'Église et la nécessité de son « traitement » comme n'importe quel autre texte antique, le développement de la pensée scientifique, l'affinement de la conscience historique: ce sont là seulement certains des éléments qui entraînent une approche différente de la Bible et la conduisent, à partir des 17e et 18e siècles en particulier, vers la critique historique et littéraire. Nous sommes là aux origines des méthodes historico-critiques qui sont dominantes encore aujourd'hui. Le document de la Commission biblique pontificale, L'Interprétation de la Bible dans l'Église (1993), les considère comme indispensables à la « juste compréhension » des Écritures. Ces méthodes cherchent à clarifier les procédés historiques de production du texte biblique, son évolution diachronique, etc. Elles sont « critiques » parce qu'elles recourent à des critères scientifiques les plus objectifs possibles pour reconstruire le texte, et donc pour l'analyser du point de vue linguistique et littéraire (le repérage d'unités textuelles, de l'existence de doublons, la détermination du genre littéraire, de l'apport d'éléments traditionnels antérieurs au texte final, l'examen de l'apport du rédacteur final, etc.).

    Le but de ces méthodes est de parvenir, dans la mesure du possible, au sens du texte. Pourtant, parce qu'aucune méthode ne peut s'élever, de manière absolue, au rang d'idole et parce qu'aucune méthode ne peut épuiser l'infinie richesse d'un texte biblique, de nombreuses autres approches bibliques sont apparues et, surtout ces dernières années, les méthodes synchroniques : elles examinent le texte comme il se présente dans sa rédaction finale. Il s'agit, du point de vue littéraire, de l'analyse rhétorique, de l'analyse narrative, de l'analyse sémiotique. Sont particulièrement intéressantes l'approche canonique (...), ainsi que l'approche qui se réfère aux traditions juives d'interprétation (de ce monde culturel et religieux dans lequel l'Ancien Testament a reçu sa forme finale, dans lequel a vécu Jésus et dans lequel est né le Nouveau Testament), et celle qui étudie l'histoire des effets du texte biblique (sa réception et sa lecture dans l'Histoire). D'autres approches bibliques sont fournies par les sciences humaines (la sociologie, l'anthropologie culturelle, la psychologie et la psychanalyse, etc.). .

Lire la Bible, Écouter la Parole, in Biblia n° 8, La Parole de Dieu livre après livre, avril 2002, p. 10-15

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