Pour la misère de père et mère, la ruine du moulin, le madrier de malheur, les brebis galeuses, merci mon Dieu.
Merci mon dieu pour le Procureur, le commissaire, les gendarmes, et les mots durs de l'Abbé Peyramale.
Pour les jours où vous ête venue, Notre Dame Marie, pour ceux où je vous ai attendue, je ne saurais vous rendre grâce qu'en Paradis.
Mais pour la gifle de Mlle Pailhasson, les railleries, les outrages, pour ceux qui m'ont cru folle, pour ceux qui m'ont crue menteuse, pour ceux qui m'ont crucrue avide, merci, Notre Dame Marie.
Pour l'orthographe que je n'ai jamais sue, la mémoire des livres que je n'ai jamais eue, pour mon ignorance et ma sottise merci.
Merci, merci. Car s'il y avait sur terre fille plus ignorante et plus sotte, c'est elle que vous auriez choisie.
Pour ma mère morte au loin, pour la peine que j'ai eue quand mon père, au lieu de tendre les bras à sa petite Bernadette, m'a appelé "Soeur Marie Bernard", merci Jésus.
Merci d'avoir abreuvé d'amertumes ce coeur trop tendre que vous m'avez donné.
Pour Mère Joséphine qui m'a proclamée bonne à rien, merci.
Pour Mère Maîtresse, sa voix dure, sa sévérité, ses moqueries et le pain d'humiliation, merci.
Merci d'avoir été celle à qui Mère Marie-Thérèse pouvait dire: "Vous n'en faites jamais d'autres."
Merci d'avoir été cette privilégiée des semonces dont mes soeurs disaient: "Quelle chance de ne pas être Bernadette."
Merci pourtant d'avoir été Bernadette, menacée de prison, parce qu'elle Vous avait vue, regardée par les foules comme une bête curieuse, cette Bernadette si ordinaire qu'en la voyant, on disait: "C'est ça?" ...
Pour ce corps piteux que vous m'avez donné, cette maladie jamais guérie, mes os cariés, mes sueurs, ma fièvre, mes douleurs sourdes ou aigües, merci mon Dieu.
Et pour cette âme que vous m'avez donnée, pour le désert des sécheresses intéireures, pour votre nuit et vos éclairs, pour vos silences et vos foudres, pour vou, absent ou présent, merci Jésus.