Le pardon exclut tout non-lieu. Il est un don, par lequel la personne offensée propose au fautif de nouer une relation nouvelle. Celle-ci ne saurait se situer dans le simple prolongement de la précédente : la rupture a eu lieu; celui qui pardonne s'engage à la convertir en une chance nouvelle, il inaugure une histoire inédite.
Le Christ est venu sauver les pécheurs. Ce salut prend la forme d'un pardon (Lc 7, 36-50; ln 8, 1 s.). Le Christ n'efface pas les fautes : il porte le péché (ln 1, 29). Il abolit la culpabilité des hommes, en s'offrant en sacrifice pour elle : ainsi la justice est-elle sauve. Cette dernière exige que les pécheurs réconciliés avec Dieu s'engagent à réparer directement ou indirectement les torts qui leur sont imputables (Lc 19, 8). Le Christ est cette parole qui ouvre une histoire nouvelle avec les hommes qui reconnaissent leur besoin de Dieu. Dans la parabole du fils prodigue (Lc 15, 11 s.), le pardon du Père, acquis une fois pour toutes, ne touche le fils qu'après sa décision de retourner à la maison. Sans ce mouvement, même dicté par des considérations fort courtes (ici, la faim), le fils aurait bien été pardonné par le Père, mais il n'aurait pu en jouir : il serait mort en rupture de communion. Pour être authentique, toute forme de pardon doit respecter la liberté de l'autre. Elle propose une nouvelle aventure et ne l'impose pas. Le pardon laisse intacte la responsabilité du fautif, donc son devoir de réparation...
Le pardon du Christ est confié à son Église (Mt 18, 18 et 21-22), dans le sacrement dit de pénitence et de réconciliation. Il y revêt une triple dimension : le pécheur y sollicite, en effet, le pardon de Dieu, mais aussi celui de l'Église, puisque tout péché la blesse dans sa vocation à la sainteté (d'où la médiation du prêtre) ; il s'engage, enfin, à se pardonner à lui-même, afin de restaurer l'intégrité de l'amour de soi. Dans tous les cas, le pardon passe par l'aveu des péchés.
Si la charité forme un tout, nous trouverons logique d'appliquer au pardon du prochain les mêmes critères que ceux choisis par Dieu (Mc 11, 25 ; Mt 6, 14-15). Infini est l'amour de Dieu et infini le pardon qu'il nous offre; illimité sera donc le pardon des fautes qui nous blessent (Mt 18,22).