La question capitale que le livre suscite, c’est : l’Eglise nous aurait-elle donc menti depuis notre enfance ? Si ce monsieur dit vrai, alors Pères et Docteurs de l’Eglise, Saints et Papes, Evêques et Conciles, depuis 2000 ans non-stop, en Orient comme en Occident unanimes, sont tous des imposteurs ? Les Pasteurs d’aujourd’hui, sont donc passibles de prison ! Et les croyants, se sont tous laissés avoir par ces sornettes, pauvres imbéciles ! Ils ont cru des mensonges, prié sur de la fausseté, propagé des erreurs. Que dois-je faire maintenant à la Messe ? Voilà qu’à chaque Credo et jusqu’en pleine prière eucharistique, j’entends : « conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie » et « la bienheureuse Vierge Marie » qui revient comme un refrain. Se moque-t-on de moi ? Dois-je dénoncer le prêtre à la police ? L’Eglise est-elle une secte ?
Pour qui donc se prend-il ce monsieur pour oser affirmer, en toute certitude, que tous ceux-là avant lui se sont gourés et ont trompé les autres ? Bien sûr, il ne le dit pas texto, mais c’est la conséquence logique de ses affirmations au ton si catégorique et péremptoire.
Car voilà balayé d’un revers de main ce Credo que, dans la totale fidélité à l’Evangile, des croyants par milliers n’ont cessé d’attester : « né de la Vierge Marie, conçu du Saint-Esprit » !
Et voilà ridiculisés comme des pauvres naïfs ces croyants fidèles qui, au long des siècles, en Orient comme en Occident, avec une infinie tendresse et vénération, n’ont jamais cessé de donner à Marie ce double titre : Vierge et Mère. Titres ailleurs incompatibles, en elle merveilleusement harmonisés.
Voilà envoyés à la poubelle poèmes, prières, hymnes, tropaires par dizaines de milliers de tous les temps et de tous les pays !
Voilà déchiquetées les saintes icônes où brillent les trois étoiles de la virginité – avant, pendant et après la naissance. Où as-tu donc décoché ta balle, Jacques ! Cette balle, en as-tu vraiment mesuré l’impact ?
Je n’ose pas avouer à mes amis orthodoxes que de braves catholiques renient l’orthodoxie de la Foi catholique reçue des Apôtres suite à un livre d’un journaliste. Ils me répondraient : « C’est hérétique. Et si les pasteurs n’avaient pas réagi, alors ce ne serait plus la même Foi qui nous unit ». Pensons à l’impact catastrophique sur nos frères en l’unique Foi de l’Eglise que sont les Orthodoxes.
Me revient aussi ce mot splendide du Grand Mufti de Marseille, Soheib Bencheikh : « J’observe avec amusement les théologiens chrétiens qui remettent en cause le mystère de la virginité de Marie. Ils oublient qu’outre les chrétiens ils auraient à convaincre ensuite un milliard de musulmans ! » (Dieu merci, notre A. n’a rien d’un théologien et peut ainsi échapper à ce défi islamique !)
Moines, Vierges, prêtres, consacré(e)s : tous ridiculisé(e)s !
Le démenti le plus percutant à ses thèses : ces hommes et femmes qui par millions depuis deux mille ans, sur les traces de Marie et de Joseph, ont répondu à l’appel de se consacrer totalement à Dieu dans la virginité (la note épiscopale le relève aussi).
La virginité de Marie et de Joseph ainsi suspectée, c’est Claire d’Assise, mère Teresa, l’abbé Pierre, sœur Emmanuelle bafoués ! C’est remettre en cause leur vœu de virginité qui trouve, ici même, son sens le plus profond. C’est compter pour rien leur humble – parfois héroïque – fidélité au quotidien. C’est mépriser ces courageux jeunes gens et jeunes filles qui aujourd’hui encore veulent recevoir de Jésus – comme ce fut le cas pour Elle – le don magnifique du propre célibat de Jésus. Gratuitement. Par pur amour de Jésus. Don devenant charisme, car les mettant totalement au service des autres, de tous.
Enfants et pauvres, adoptés et réfugiés : tous floués et frustrés
En saccageant ce jardin infiniment délicat des Evangiles de l’Enfance, Jacques, mesures-tu les ravages que tu fais dans l’âme des enfants ? Voudrais-tu vraiment qu’ils mettent sur le même pied le Père Noël et l’Enfant de Bethléem ?
Aurais-tu l’outrecuidance, toi, de dire à un enfant pauvre, agenouillé devant la crèche familiale : « Tu sais, tout cela ne s’est pas vraiment passé… Ce sont des histoires bidons qu’on a inventées sur Jésus, pour nous apprendre qu’il nous aimait bien… »
Les enfants n’ont pas besoin de belles histoires : on ne vit pas de légendes. Ils ont besoin d’entrer dans une Histoire : pour que plus jamais il ne fasse noir !
Sous prétexte de purifier l’Evangile de tout ce qui sent le « merveilleux » (oh ! la bête noire), tu frustres un enfant de ce bonheur : s’émerveiller. Cet émerveillement qui est une des caractéristiques de l’enfance, celle de l’âge et celle du cœur. Cette faculté qui est déjà tellement sapée aujourd’hui.
Pourquoi donc encore supposer que les chrétiens ont inventé cette Enfance pour la rendre « extraordinaire », dis-tu…
Dis-moi : à part ces deux effractions dans l’ordre naturel des choses – naître d’une vierge et être chanté par des anges -, tout n’est-il pas au contraire très obscur, très banal, dans un monde où la violence est banalisée ?
L’occupation d’une armée étrangère, la fuite à l’étranger, des enfants tués… Tout cela n’est-il pas – hélas – de tout temps, oui, tellement ordinaire !
Faire de la fuite en Egypte une parabole (bien sûr, porteuse d’un message… Merci Jacques, de nous l’accorder !), c’est comme, au lieu d’aller partager la vie des réfugiés du Darfour, leur envoyer un poème chantant leur conditions de vie.
« Vous savez, Jésus n’a jamais été un réfugié comme vous, lui ! Le massacre de Bethléem, où l’on a tué de tout-petits comme vous, ce n’est que de l’imagination. M. Duquesne l’a dit ! » Que me répondront-ils ?
Non et non, ce n’est pas pour rire que Dieu a voulu commencer sa vie comme un sans-abri, un SDF ! Pis : comme un réfugié politique, un exilé, au sens le plus rigoureux du terme. Il s’est glissé dans cette interminable file de réfugiés qui rempliront les camps de tous les temps, qui erreront sur toutes les routes du monde…
Mon pauvre Jacques ! Et dire que tu voulais justement nous montrer un Jésus proche des plus pauvres ! Tu l’as voulu tellement « joyeux et festif » que c’est logique d’évacuer le sang autour de son berceau et les crachats sur son Visage. Mais du coup tu craches sur le visage des plus ressemblants à Dieu en sa chair… C’est certainement ce que tu n’as pas voulu, dans ton réel amour pour lui ! Ton Jésus en est-il pour autant plus attachant ? Plus enthousiasmant ?
Le fait qu’il ait été pourchassé par la police d’un tyran est aussi réel que le fait d’avoir été arrêté par la milice d’un grand prêtre. Comment en suis-je si sûr ? Parce que – hélas ! – rien n’est réel comme des enfants assassinés dans les bras – et jusque dans le sein – de leur maman. Comme des innocents torturés dans des caches. Aujourd’hui comme hier. Aujourd’hui plus qu’hier. Et comme notre Dieu est réel, il vient partager la condition réelle des siens. Et non leur envoyer un e-mail de condoléances !
Ne dis plus jamais : « Vierge Marie » ! Monsieur Duquesne l’a décrété : c’est faux ! Oui, le bonheur des pauvres et des petits, l’objet inépuisable de leur vénération, de leur émerveillement, de leurs larmes de bonheur : tout cela, en l’air ! Ils se sont tous gourés ! Les naïfs ! C’est ainsi que les pauvres vont devenir plus pauvres encore : pauvres d’émerveillement, pauvres d’espérance, pauvres de joie divine ! Qu’ils tepardonnent, Jacques !
Mais en leur nom, au nom de la petite Jeanne-Marie Kegelin martyrisée à 12 ans ce 18 juin 2004 et qui avait une telle tendresse pour sa Maman du Ciel, j’ose le dire : ne me vole pas ma Marie ! Ne me salis pas son visage si transparent ! Laisse-moi encore lui dire : « O douce Vierge Marie ! Mère Immaculée, j’ai recours à vous ! Reine montée au ciel, vous êtes ma joie !