"Dans ce livre atypique et intime, l'abbé Pierre n'esquive aucune des questions religieuses qui le hantent. Sa vraie profession de foi. Sur le ton de la confidence, avec une totale liberté d'esprit, l'abbé Pierre livre ici, comme il ne l'avait jamais fait auparavant, ses interrogations, ses convictions, et ses indignations sur la foi chrétienne et sur le sens de la vie humaine."
Suite à mon homélie de hier (LA CHARITÉ MÉPRISÉE DU PROPHÈTE) et de ce que j'ai partagé avec vous au sujet de l'Abbé Pierre le jour même de son décès (Le "Testament" de l'Abbé Pierre), suite aussi au commentaire de Gérard Leclerc mis en ligne samedi sur ce blog (L'héritage de l'Abbé Pierre), je vous propose aujourd'hui ce plaidoyer plein d'amour du Père Daniel-Ange, suppliant l'Abbé Pierre d'avoir pitié de TOUS les pauvres que nous sommes, et de cesser de nous agresser par certaines de ses déclarations "hélas, longuement réfléchies et énoncées de manière responsable".
C'est une réaction au livre publié par la coqueluche des Français en 2005 et qui est intitulé: Mon Dieu... pourquoi? Petites Méditations sur la Foi chrétienne et le Sens de la Vie.
Ce livre est présenté par l'éditeur comme "le véritable testament spirituel de l'abbé Pierre"...
D’abord vous bénir des si beaux passages dans votre livre sur l’adoration du Saint Sacrement, la Rencontre décisive, le Père, culminant dans l’émouvante prière à Dieu. Merci ! Merci ! Mais, parce que je vous aime et vous admire, comment ne pas vous partager ma douloureuse déception – celle d’un grand nombre – devant certaines déclarations, hélas, longuement réfléchies et énoncées de manière responsable. D’autant lourds de conséquences que, vu votre aura dans le public français, vos propos venant d’un héros, ont plus d’impact que celles des évêques et du pape lui-même ! Mais vous n’en êtes pas conscient.
Je passe sur le pape-empereur (avec notre très humble Benoît !) et la "tutelle romaine" (avec une curie humblement au service de nos Eglises locales), comment ne pas être blessé dans les profondeurs de notre foi par la suspicion jetée sur l’Immaculée Conception, l’Assomption et surtout, sur la virginité de notre Bien Aimé frère et Seigneur Jésus (et donc, logiquement, sur celle de sa Mère). Je vous envoie mon livre « Touche pas à ma Mère ! », car – ce que je n’aurais jamais osé imaginer – il vous concerne aussi. Notre Seigneur n’est-il pas déjà suffisamment bafoué, méprisé, renié, pour que vous en rajoutiez, tombant dans le panneau des films de bas étages, si ce n’est des guignols de l’info. Pourquoi donc humilier publiquement, le Pauvre par excellence, pauvre jusque dans son célibat, librement choisi, par débordement d’amour pour nous ?
Pourquoi donc serait-il plus "humain" s’il avait eu des relations sexuelles avec Marie-Madeleine ? François d’Assise, Mère Térésa, seraient-ils plus homme ou femme, s’ils n’avaient pas vécu dans la chasteté ? Comment supporter votre caution de l’homosexualité affichée de votre ancien secrétaire ainsi que d’une "alliance" (le mot même choisi par Dieu pour désigner sa relation à l’humanité) de couples homosexuels.
Pitié pour nos enfants et ados, continuellement matraqués, psychologiquement violés, par la promotion agressive et tous azimuts de l’homosexualité de la part d’une société qui devrait les protéger en priorité ? Nos enfants et ados ne sont–ils pas de petits pauvres sans défense et sans protection ? Et que dire de votre quasi-approbation de l’adoption d’enfants par des gays ou lesbiennes ?
Comment faire dépendre une réalité aussi vitale, de l’avis forcément partagé des "psy", et desquels ? Quand il s’agit d’une aberration aussi contre-création, n’est-ce pas au Créateur en personne, à avoir des "droits d’auteur" ? Nous étions en droit d’attendre d’un prêtre, la voix du Père sur ses enfants. Ayez pitié de ces plus pauvres d’entre les pauvres que seront ces malheureux enfants, obligés de dire "maman" à un monsieur "barbu" ! Avec toutes les conséquences que tout psy honnête stigmatise déjà ! (1)
Les femmes prêtres ! Pourquoi cette confusion entre sacerdoce et pouvoir, ce nivellement des grâces spécifiques de l’homme et la femme, et donc, ce reniement de leur admirable complémentarité ? Marie – Vierge toujours ! Chiara Lubich ou sœur Elvira, Mère Térésa, les 4 Thérèse (Avila, Lisieux, Dijon, Cologne) auraient-elles pu être ce qu’elles sont et jouer le rôle qu’elles ont joué si elles avaient été prêtres ?
Enfin vous avouer ce qui m’a personnellement fait le plus mal. Tout en admirant votre fidélité globale à un "choix de vie pour une vocation réclamant une disponibilité totale" (et soyez-en infiniment béni), avouer vos infidélités passagères (davantage liées au désir sexuel qu’à un amour profond, semblez-vous dire) peut-être fait dans un repentir profond, mais comment ne pas être heurté par votre caution des prêtres vivant en concubinage "de manière non passagère" avec une femme qu’ils aiment depuis des années et qui, dites-vous , "sont de bons prêtres". Pourtant, vous stigmatisez à juste titre, "une double vie faisant souffrir des femmes pendant des décennies ."
Comment être bons, en vivant dans une infidélité permanente à un libre choix de vie, camouflet pour toutes les personnes mariées héroïquement fidèles à leur engagement devant Dieu lors de ce mariage où Dieu le premier s’engage ?
Dans le contexte actuel de revendication amère de prêtres mariés (de soi théologiquement légitime, bien sûr) dans une société obsédée de sexe (SOS) où déjà tant de prêtres sont fragilisés à force d’être pornographiquement agressés, je redoute que de tels propos ne déstabilisent encore davantage un grand nombre d’entre nous. Nous venons d’être suffisamment humiliés par cette terrible blessure dans notre corps sacerdotal que sont les cas si douloureux de prêtres dits pédophiles. Mais en fait, presque tous les cas, aux USA relèvent, non de la pédophilie, mais de l’éphébophilie homosexuelle (rapports avec des ados masculins).
À Toronto, après avoir déploré ces drames, Jean-Paul II a rajouté (avec une telle force que l’on a cru à un éclat de micro !) "But ! Mais n’oubliez pas que l’immense majorité de vos prêtres sont fidèles, généreusement à votre service".
Eh bien ! Leur fidélité jusqu’à l’héroïsme au don total d’eux-mêmes au Christ sera encore plus niée. Si même lui, le "saint" abbé Pierre... combien plus tous les autres ! Allez … tous dans le même sac !
Frère très cher dans le même sacerdoce de notre unique Jésus, j’ose vous le demander : pourquoi, mais pourquoi donc humilier ainsi tant de vos propres frères qui sont pauvres. Pauvres de cette pauvreté même de Jésus, pauvres d’une épouse, pauvres d’enfants de leur chair, et maintenant pauvres de leur réputation, pauvre d’estime et de reconnaissance sociale. Pauvres parce qu’incompris, marginalisés, regardés avec méfiance. Vous le prêtre des pauvres, pitié pour les pauvres que sont les prêtres.
Mais il n’y a pas que les prêtres et séminaristes que vous avez déstabilisés. Avez-vous mesuré l’impact gravissime par ricochet de tels aveux sur tant de jeunes luttant jusqu’à l’héroïsme pour rester purs et chastes, et pour qui justement l’exemple des prêtres et consacrés fidèles est un tel stimulant, et un tel réconfort. Comment ceux-là plus que personne – déjà suffisamment agressés dans leur bel idéal – ne seront-ils pas fragilisés par de tels propos : si même lui … alors en quel prêtre peut-on encore faire confiance ?
Pourquoi donc miner leur belle confiance en nous, alors qu’ils se sentent déjà tellement déçus et trahis dans leur juvénile confiance par trop d’adultes ?
Les jeunes auprès de qui des prêtres se dévouent sans compter avec une générosité sans bornes, eux aussi, ne sont-ils pas des pauvres ? Pauvres de repères, et souvent de pères ? Pauvres de certitudes …. Pauvres de soutien de la part de ceux dont ils l’attendent…
Car justement notre merveilleux célibat d’amour librement choisi nous met de leur bord, nous fait partager leur propre lutte pour rester vrais et purs. Nous luttons avec eux, comme eux, et pour eux. Nous osons leur proposer de faire l’expérience passionnante de cette royale, joyeuse, libérante chasteté jusqu’au mariage parce qu’il nous est donné la joie de la vivre jusqu’au jour de notre Mariage avec Dieu, aux Noces éternelles. "Si eux le vivent toute une vie, pourquoi pas nous quelques années", disent-ils. Enfin, avez-vous pensé aux répercussions sur des personnes portant un handicap, et qui jamais ne pourront se marier et pour qui l’exemple des prêtres et consacrés est aussi force, réconfort, consolation. Et voilà, cette force sapée, ce réconfort bradé, cette consolation ôtée, "puisque les prêtres ne vivent pas dans la chasteté", dit-on maintenant.
Le pays de l’amour étant envahi, occupé par l’ennemi de tout amour, l’amour étant sali, prostitué, dénaturé, Jésus nous a appelés à entrer en résistance, pour sauver, libérer, protéger l’amour et donc la vie. Prêt à donner notre vie pour cela.
Jésus nous a fait le plus beau des cadeaux imaginables, partager avec nous, sa propre virginité amoureuse, sa propre manière de nous aimer ! Quelle confiance il nous fait ! Mais "ce joyau le plus précieux dans le trésor de l’Eglise" (Cardinal Sfeir, patriarche maronite du Liban), on le dévalue. Ce bonheur, on nous l’arrache. Ce droit à l’amour total, on veut nous en frustrer ! Cette intimité avec notre unique Epoux, — à la Charles de Foucauld ! — on veut l’infidéliser. Ceux que le Père a unis (Jésus et son prêtre) on veut le séparer. N’y a-t-il donc pas déjà suffisamment d’infidélités, de séparations douloureuses dans le monde ?
Eh bien ! je dis : "non et non !" Nous refusons d’être séparés. Nous voulons demeurer fidèles ! Quoi qu’il en coûte ! Quel qu’en soit le prix !
J’ose le dire, au nom de tant de mes frères prêtres méprisés, bafoués, humiliés, parce que suspectés dans ce qui est précisément le cœur de leur cœur, la vie de leur vie : leur consécration jusque dans leur corps, à la consécration du Corps. Leur amour de préférence, exclusif et sans partage, à leur bien-aimé frère et Seigneur Jésus.
Au nom de cette immense majorité – ô combien silencieuse – de mes frères prêtres, humblement, paisiblement, héroïquement, fidèles à cette dimension nuptiale de leur engagement sacerdotal.
La plupart d’entre eux pourraient avouer humblement : "par pure grâce, j’ai pu rester fidèle à cet amour préférentiel pour mon Seigneur, aimé comme l’Epoux de mon âme. Jamais je n’ai expérimenté de relation sexuelle avec qui que ce soit." "Il m’a gardé de consentir à la tentation " (traduction de Carmignac) Et non seulement je n’en ai aucun regret, mais j’en suis heureux, et pas moins épanoui dans le bonheur d’un amour donné. "Ils se sentent comme miséricordiés d’avance par un Père qui a ôté la pierre d’achoppement sur leur route" (pour reprendre l’image de Thérèse la petite).
Oui, en leur nom à tous, j’ose le clamer ici, haut et fort. Si le sacerdoce n’est pas une fonction mais une vocation, alors, le célibat amoureux à cause de Jésus et de son Evangile, à cause des pauvres et des petits qui nous sont confiés, à cause d’un amour à sauver, d’une vie à défendre, d’un monde à transfigurer, eh bien… ce n’est pas une limitation, mais un horizon sans limites. Pas une mutilation, mais une éclosion. Pas une nécessité imposée, mais une liberté consentie. Pas une immersion dans la solitude, mais une communion avec une multitude. Pas une oppression, mais une promotion. (au rang des évêques qui, ni en Orient, ni en Occident, ne peuvent être mariés). Pas un piège, mais un privilège. Pas une aliénante anomalie, mais une vivante liturgie. Pas une obligation, mais une prédilection. Pas une cruelle renonciation, mais une réelle consécration. Pas une relation asociale, mais une union nuptiale. Pas une exigence dure, mais une douce préférence.
C’est un honneur et un bonheur. Une splendeur et une douceur.
C’est un charisme prophétique et une joie eschatologique, anticipant celle des Noces éternelles.
Magnificat ! (2)
(1)"L’enfant a besoin de la double figure du père et de la mère pour recevoir des caractères psychologiques des deux, afin de se différencier subjectivement. Avec des homosexuels, il lui manquera toujours une donnée du réel de l’autre sexe, dont il n’aura pas l’expérience à travers des parents fictifs de même sexe. On ne peut laisser supposer qu’un enfant "se fabrique" dans n’importe quelle condition. On ne peut structurer une société avec des impasses. Cela va engendrer des psychopathologies sociales (cf.Tony Anatrella)
(2)J’ai développé ceci dans mon article publié sur le forum internet www.monde-catholique.com et dont France Catholique reprendra bientôt une partie : “le célibat sacerdotal, bonheur et charisme prophétique – où je parle aussi de la beauté du sacerdoce marié dans les Eglises orientales”.