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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Père Marie-Dominique Philippe, Au commencement le Verbe était (3)

Publié par Walter Covens sur 28 Décembre 2006, 21:09pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    Il est important de voir que Jean, sous l'inspiration du Saint-Esprit, emploie le terme logos et non pas "Fils" ni sophia, "sagesse". Pourquoi? Que signifie exactement le terme logos? Il est très difficle à traduire. En Sorbonne, on traduit souvent logos par discours. Bien sûr, c'est une traduction, mais c'est une traduction très extérieure. En réalité, logos signifie beaucoup plus le fruit de la pensée; or le discours est l'expression de la pensée, il n'en est pas le fruit. Expression et fruit sont deux choses différentes, et les Grecs étaient très sensibles à cela. Il est vrai que le terme logos peut regarder le discours, mais il peut regarder aussi le fruit de la pensée. Autre chose est penser, autre chose est exprimer ma pensée. L'expression, c'est l'art; la pensée est antérieure. Pour certains, s'exprimer aide à penser; d'autres, au contraire, pensent tellement qu'ils ont de la peine à s'exprimer! Il y a deux types de personnes, et cela dépend de l'âge, de la culture, etc. Mais il est certain qu'il y a tout de même une différence entre penser et parler, penser et dire. Il ne faut donc pas traduire "Verbe", Logos, par "Parole". Maintenant, sous l'influence protestante, on traduit souvent par "Parole", mais c'est une erreur, du point de vue théologique. Il faut traduire Logos par "Verbe". C'est la traduction de saint Jérôme qui, ne l'oublions pas, était en contact direct avec les rabbins. Il était donc beaucoup plus proche de toute une tradition qu'on ne l'est aujourd'hui où, la plupart du temps, on est dans des perspectives assez éloignées de la tradition johannique. Ne traduisons donc pas le logos du Prologue par "Parole" mais par Verbum, "Verbe". Quelle différence y a-t-il entre les deux?

    La prole implique la voix, la communication. En parlant, je vous communique - du moins j'essaie! - ce que j'ai contemplé, ce que j'ai pensé. UNe parole vivante est toujours reliée à la source, qui est la pensée.

    Le "verbe" est le contenu de la pensée, le fruit de la connaissance. Nous pourrions donc dire que logos, ici, devrait se traduire par "secret". Dans l'ordre de la connaissance affective, en effet, le fruit de notre connaissance aimante (le verbe intérieur, le verbe du coeur - verbum cordis, comme disent saint Augustin et saint Thomas), c'est le secret. Et dans l'ordre de la connaissance affective, en effet, qui est plus proche de nous que la connaissance spéculative, intellectuelle, nous comprenons bien la différence: communiquer un secret et le garder sont deux choses tout à fait différentes.

    Quand quelqu'un que nous aimons, et qui a confiance en nous, nous confie un secret, il nous dit: "je te confie un secret, mais surtout n'en parle pas, ne le dis à personne, c'est un secret. J'ai confiance en toi, je te confie ce secret". Communiquer un secret sans la permission de celui qui nous l'a confié est une trahison, et c'est ce qui brise le plus la confiance. Il faut être très attentif à cela, parce qu'aujourd'hui on vit une ère de communication, de journalisme, et on croit qu'on peut tout communiquer. Non, pas du tout! Le secret est une chose très profonde, et communiquer un secret est une faute grave, au sens fort, parce que c'est briser la confiance. Évidemment il y a des secrets de polichinelle, des secrets de concierge; ceux-là ne sont pas de vrais secrets. Le vrai secret est quelque chose de beaucoup plus profond.

    Rappelons-nous la première fois qu'on nous a confié un secret. Si nous appartenons à une famille dont nous sommes le benjamin ou la benjamine, le frère aîné, un jour, nous a peut-être confié quelque chose en nous disant: "Je n'ai encore dit cela à personne, même pas à nos parents, je te le confie parce que toi... c'est différent. Garde cela, c'est un secret." Ou bien un ami nous a communiqué comme un secret, une décision qu'il a prise, l'orientation de sa vie, son amour... Le premier secret, ordinairement, c'est quand on commence à aimer. Et dès qu'on commence à aimer on devient capable de porter un secret, parce que c'est l'amour qui "secrète" un secret. Et le grand secret, c'est la personne qu'on aime, qu'on porte en soi. C'est elle qui est le secret de notre vie, la perle intérieure que nous "secrétons" intérieurement. Et c'est vrai: un secret, nous le "secrétons" intérieurement. C'est la vie de notre vie, le coeur de notre coeur: c'est quelque chose que nous portons en nous, au plus intime de nous-mêmes. Dès que nous aimons quelqu'un, nous le portons en nous-mêmes comme notre secret, comme ce qui est essentiel à notre vie. Et nous sentons ien que ce secret nous met dans le silence. C'est par le secret que nous entrons dans le silence intérieur. C'est très simple, il n'y pas d'autre porte. Le silence extérieur est un acte de volonté: "Je veux me taire", c'est une question de volonté. Nous pouvons tous nous taire une demi-heure. Pas beaucoup plus, parce que, au bout d'une demi-heure, notre volonté est fatiguée, ça chauffe, !a soulève le couvercle et sa déborde - et on se met à bavarder. Le silence extérieur est une question ascétique. Le silence intérieur, lui, provient de l'amour et il s'impose à nous. Il y a des âmes silencieuses (heureusement!): elles gardent l'amour. Le silence est gardien de l'amour. Dès qu'on aime on sait cela. Les Pères de l'Église avaient cette comparaison merveilleuse du parfum (et c'est juste puisque le parfum, selon le symbolisme de l'Écriture, est toujours lié à l'amour) qui, s'il n'est pas très bien gardé, s'évapore (toutes les choses très bonnes, très qualitatives, sont subtiles, elles s'évaporent). Notre coeur, s'il n'est pas tenu par un secret, s'évapore... Au fond, notre vraie personnalité se noue dans le secret, dans les vrais secrets. Notre force intérieure, c'est le secret, c'est de porter un secret.

Suivre l'Agneau, Éditions Saint-Paul 1995, p. 112-114
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J
Merci mon Père en cette période de fête pour l'information qui est aussi un rappel sur le "Secret". Merci d'avoir  fait la différence entre le secret de polichin... et le secret dans le vrai sens du terme.<br /> Merci pour le lien entre AMOUR et SECRET.<br /> BONNE FËTE DE FIN D'ANNEE ET QUE DIEU  VOUS BENISSE
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