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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Père Marie-Dominique Philippe, Au commencement le Verbe était (2)

Publié par Walter Covens sur 27 Décembre 2006, 21:51pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    Après cette petite parenthèse, revenons maintenant aux trois "commencements". Il est en effet très important de regarder l'éternité (Prologue), le temps (la Genèse) et ce moment où l'éternité et le temps ont été liés dans le mystère de la Croix. La Croix est la rencontre de l'éternité et du temps, et c'est pour cela qu'elle est éternelle. Éternellement Jésus s'offre au Père. La Croix est contemporaine de toute notre vie chrétienne. Jésus, à la Croix, nous est donné actuellement, et l'Eucharistie est là pour nous faire comprendre que le mystère de la Croix est actuel pour nous. L'éternité assume le temps (c'est cela le mystère de l'Incarnation), elle ne supprime pas le temps, elle n'est pas rivale. Voir une rivalité entre les deux serait le fait d'une pensée dialectique, qui fait intervenir les oppositions, alors que l'amour assume sans détruire. L'amour est respectueux du plus petit, toujours. C'est à cela, à ce respect de l'autre, à ce respect même de ce qui est plus petit, qu'on reconnaît un véritable amour. Le temps, comparativement à l'éternité, c'est le petit, le tout petit. Or la Croix fait l'alliance de l'éternité et du temps dans le coeur de l'Agneau, et cette alliance de l'éternité et du temps est manifestée à travers le coeur de Marie. C'est la Femme qui fait le lien profond entre l'éternité et le temps, parce que la femme est le lieu de l'amour. C'est cette alliance, manifestée dans le coeur de Marie, que le passage du Livre des Proverbes que nous citions exprime si profondément.

    Essayons d'entrer maintenant dans le mystère du Verbe qui nous est révélé dans le Prologue de saint Jean. (...) Dans la révélation première qui est faite à Marie, l'Ange parle du Fils. Pourquoi donc Jean, qui est tellement le disciple de Marie, qui a reçu Marie à la Croix, ne dit-il pas: "Au commencement le Fils était"? Pourquoi emploie-t-il une nouvelle expression? Ce n'est sûrement pas pour être original. Jean ne cherche pas à être original, mais à nous faire entrer plus pronfondément dans la vérité et à nous faire aller plus loin dans le mystère - puisque Jean donne l'ultime révélation. Pourquoi donc Jean emploie-t-il le terme logos?

    Logos est un terme grec (...) très difficle à traduire. Jean écrit en grec parce que, selon les meilleurs exégètes, Jésus à Jérusalem parlait grec. À Jérusalem, du temps de Jésus, on parlait grec, parce que c'était la langue cultivée. Jésus ne parlait pas araméen à Jérusalem. En Galilée il parlait araméen, mais à Jérusalem il parlait grec; et Jean écrit son évangile en grec pour être plus fidèle à la parole du Christ. Ce n'est donc pas du tout une "adaptation", c'est un souci de plus grande fidélité à la parole du Christ. Notons au passage que si Jean écrit en grec, cela montre bien que l'hébreu n'est pas la seule langue "divine", puisque Jésus, Fils de Dieu, celui qui nos donne l'ultime révélation, parle grec. Mais le grec n'est pas une langue divine non plus, c'est une langue philosophique, littéraire, poétique, une langue merveilleuse, mais qui n'est pas divine. Dieu s'en est servi, comme il s'est servi de l'hébreu.

    Jean écrit donc en grec et emploie le terme logos. Avant Jean, Philon avait déjà parlé du logos. Philon est le premier théologien, un Juif, qui se soit servi de la philosophie grecque pour expliciter la parole de Dieu. La théologie a donc commencé à partir de la tradition juive. Philon est vraiment le premier théologien, il ne faut pas oublier cela. Aujourd'hui, on oppose le Grec et le Sémite; cela fait partie de ces slogans modernes qu'on lance pour supprimer la théologie. Car il y a aujourd'hui une haine contre la théologie traditionnelle - même parmi les téhologiens! Ils sabordent alors la théologie pour saborder la Tradition, la grande Tradition de l'Église. Ils veulent un retour soi-disant au sémite. Or l'Esprit Saint, plus intelligent que les théologiens, les a battus dans leur propre domaine. Il fait toujours cela, du reste. Rappelons-nous la parole de Jésus à Nathanaël: "Avant que Philippe t'appelât, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu." (cf. Jn 1, 48) Le Saint-Esprit dit toujours cela aux théologiens: "Quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu"... Les théologiens d'aujourd'hui veulent opposer le Sémite et le Grec. C'est une opposition ancienne, puisque Hegel l'avait déjà faite. Nos théologiens reprennent cette opposition, et ils continuent de l'exploiter. Le Sémite, c'est l'homme de la foi; le Grec c'est l'homme de la vision. Le Sémite, c'est le croyant; le Grec, c'est le philosophe. Et on oppose les deux, comme si, de fait, il y avait une opposition. En réalité, il s'agit tout simplement de deux plans différents, sans oppsoition! La foi est divine, le logos philosophique est humain, il est parfaitement humain, et il ne s'oppose absolument pas à la foi puisque tous les deux ont la même source. Avant les théologiens qui veulent oppsoser le Sémite et le Grec, l'Esprit Saint a voulu faire un lien entre le génie sémite et le génie grec, par tous les livres sapientiaux (les Proverbes, le Livre de la Sagesse, l'Ecclésiastique, etc.), ces grands livres qui impliquent toute une réflexion, beaucoup plus que ceux des Prophètes. Ceux-ci révèlent plutôt le grand lyrisme du Saint-Esprit, tandis que dans la littérature sapientiale il y a une réflexion de sagesse. Ce sont, en quelque sorte, les premiers livres théologiques qui soient dans la Révélation. De sorte que, quand Jésus parle grec, il entre dans la grande Tradition des livres sapientiaux.

Suivre l'Agneau, Éditions Saint-Paul 1995, p. 110-112
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