Avant le Baptême, Jean annonce. Après le Baptême, Jean rend témoignage.
Avant, ce sont Marc, Luc et Matthieu qui nous en parlent. Après, ce sera Jean. Avant le Baptême, son annonce est au futur: Il vient. Après, tout est au passé: j'ai vu... j'ai entendu...
Jean est d'abord prédicateur, puis témoin.
Dans ce chapitre, nous verrons d'abord les caractéristiques de sa prédication, ainsi que son style et sa manière spécifique. Ensuite, comment il prépare le peuple, ou le contenu éthique de sa prédication, c'est-à-dire ce qui concerne notre agir.
Dans le chapitre suivant, nous aborderons Qui il annonce: sa personne ou le contenu dogmatique de sa prédication.
1. Le caractère universel
"Toute chair verra la gloire de Dieu". L'Église applique à Jean ces mots du Seigneur:
"Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne jusqu'aux extrémités de la terre" (Is 49, 6).
Et enfin, après "Qu'ils sont beaux sur toutes les montagnes":
Ces textes montrent clairement que le contenu du message de Jean vaut pour tous les temps et tous les pays. C'est pourquoi il traverse et les siècles et les nations. Mais il vaut aussi pour chaque personne humaine. Le message de Jean fait sauter toutes les barrières, dynamite tous les clivages. Il se situe aux antipodes de l'esprit sectaire des Esséniens: l'élite des seuls sauvés. Il accueille. Il invite tous et chacun. À tous et chacun, il propose le baptême.
Le rite baptiste de salut s'adressait à tous et il était accessible à tous, par delà les barrières de pureté. Se mettre au rang de ceux qui demandaient le baptême, aller à la rencontre de Jean, c'était donc pour Jésus opter pour l'universalisme. Tous sont alors atteints, y compris les pécheurs au sens à la fois social et religieux du mot. On remarquera d'ailleurs combien les mots "tous", "tout" reviennent souvent dans la prédication de Jean (1, 5; 9, 11-12; Lc 3, 3; 7, 29; Ac 13, 24). C'est la grande nouveauté: une religion ouverte à tous, par dessus les ablutions de pureté qui compartimentent la société, une religion véritablement au niveau des petites gens. Jean et Jésus à la suite parleront aux pécheurs, aux prosituées et même aux soldats non juifs (...), à l'inverse des groupes religieux de son temps. Jésus constitue un groupe de non-séparés, car, dit-il, "je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs" (Mc 2, 17b)." (Charles Perrot, Jésus et l'histoire, Desclée, p. 112 et 123)
2. Les deux venues télescopées
Ce message est toujours actuel, puisqu'il vaut pour notre rencontre personnelle du Seigneur, autant que pour sa venue en gloire. Mais dans sa prédication, ces deux venues séparées dans le temps sont vues l'une dans l'autre. Il en sera de même dans le grand discours eschatologique de Jésus sur le mont des Oliviers, le Mardi saint, où sont comme superposées (vues comme dans un fondu-enchaîné): la venue toute proche de la destruction du Temple et la venue lointaine du Fils de l'homme dans sa gloire.
3. Un évangélisation opérationnelle
Ce ne sont pas seulement des mots, mais des mots accompagnés d'un acte posé. Il faut s'engager. Prendre un engagement. Ce kérygme est sacramentel, puisqu'il aboutit au signe, au geste du baptême. Il vise une rencontre personnelle avec la personne du Messie. Nous y reviendrons.
Jésus lui-même cautionnera ce baptême. Il s'en portera garant (cf Lc 7, 30).
4. Dénoncer pour annoncer
Jean dénonce le péché avec violence, mais pour annoncer ardemment le pardon. Il doit dénoncer le péché, pour que Jésus puisse pardonner au pécheur. Comment peut-on être pardonné si l'on n'a nulle conscience de son péché? Et comment l'aurait-on, si nul ne nous y éveille? Il doit stigmatiser les ténèbres pour que Jésus puisse faire resplendir sa lumière.
Parce qu'il a été guetteur au désert, il peut aujourd'hui être senitnelle sur les foules. Parce qu'il a veillé dans l'attente, il peut maintenant veiller sur le peuple, veiller pour le protéger.. Parce qu'il a longuement scruté l'horizon dans la nuit, il peut maintenant sonner du cor pour avertir du danger. Parce qu'il a veillé au désert, il peut maintenant réveiller ceux qui sont endormis:
Ses guetteurs sont tous des aveugles, ils ne savent rien. Ce sont tous des chiens muets incapables d'aboyer. Ils rêvent, restent couchés, aiment dormir. Ce sont eux les bergers incapables de comprendre! (Is 56, 10)
Jésus vient justement ouvrir ces yeux aveuglés. Il vient arracher à leur torpeur ceux qui devraient veiller. D'où la violence de sa parole.
Ici encore s'applique le grand texte d'Ézéchiel:
Ainsi, Jean va dénoncer sans relâche la venue de l'Ennemi, dénoncer le mal à l'oeuvre. Mais toujours et uniquement en vue d'annoncer, de proclamer, d'attester.
Aujourd'hui, plus que jamais, en ce début du millénaire, il faut aux prophètes ce courage d'oser diagnostiquer le mal, nommer l'erreur, avertir du danger, stigmatiser l'ennemi, repérer ses attaques et déjouer ses stratagèmes. Cela fait partie intégrante de ce rôle de crieur de vérité où Jean est notre maître. La Miséricorde ne s'est-elle pas battue les mains nues contre la Haine, pour arracher ses enfants à ses griffes?
Aujourd'hui, plus que jamais, il faut hurler pour sauver les enfants et les jeunes de tout ce qui les détruit, les pervertit, les tue... Sinon nous aurons du sang sur les mains. (Voir mon: Guetteur (1), Le cri de la nuit, l'entends-tu?, tout entier consacré à ce thème.)