9. Le septième honneur consiste dans la dignité qui rehausse son baptême. Humilité prodigieusement singulière! « Le Verbe se fit chair, et sortant à l'âge d'homme parfait, laissant de côté tous les autres hommes, il cherche Jean, il veut Jean, il vient à Jean, lui qui est un Dieu terrible dans ses desseins sur les enfants des hommes: et portant tout par la parole de sa puissance (Hebr. I. 3), opérant la purification des péchés, il se dirigea de la Galilée aux bords du Jourdain, vers Jean pour être baptisé de ses mains. Jean est saisi de stupeur et agité de crainte, une frayeur infinie s'empare de ce patriarche. « C'est moi, dit-il, qui dois recevoir de vous le baptême, et vous venez me le demander (Matth. III. 14) ? » Le Sauveur lui réplique : « Laissez faire, car c'est ainsi qu'il convient que nous accomplissions toute justice. » Ils acquiescent l'un et l'autre à de salutaires avis ; et Jean se prépare à baptiser, à recevoir le Seigneur, le Roi des anges. Le Roi de gloire, la splendeur de la lumière, la figure de la substance de Dieu, se dépouille de ses vêtements. La main du précurseur touche cette chair prise de la Vierge, qui se découvre dans les flots purs et rapides du fleuve dont le bienheureux Baptiste versera les eaux sur la tête du Sauveur. Les anges descendent et toute l'armée des cieux accourt avec respect vers son créateur. Ces esprits dominateurs et élevés entourent celui qui a reçu le Baptême et celui qui le lui a conféré. Une noble créature verse l'eau sur la tête du Créateur , et la main droite d'un mortel touche le chef d'un Dieu. Le ciel est saisi, la terre est dans la stupeur, le Jourdain sourit de joie, les anges admirent le Seigneur des armées placé sous les mains de celui qui le baptise. Qu'est-ce, ô Jean ? Vous osez toucher dans son corps nu, celui que les chérubins et séraphins osent à peine regarder? C'est celui sur lequel les anges désirent fixer leurs regards, celui en l'honneur de qui les choeurs de la cité bienheureuse du paradis, dans une sublime harmonie, chantent le triple « Sanctus, » celui qui habite une lumière inaccessible, le Seigneur des vertus, le Dieu des sciences, le Père des miséricordes, et vous n'avez point peur ? On vous a donné ce qui a été refusé à tout le monde, de baptiser celui qui baptise tous les hommes dans le Saint-Esprit et le feu, et de faire couler de vos mains virginales l'eau sur celui qui vierge est né d'une Vierge. Je suis entièrement saisi de stupeur, je vénère celui qui baptise et l'Homme Dieu, j'admire le maître qui s'abaisse, je redoute sa bonté et je vois l'homme faire violence au ciel même. Qu'y a-t-il en tout ceci, sinon que par ce Baptême la loi judaïque trouve son terme, la prophétie s'arrête, et tous les sacrifices si nombreux sont détruits et repoussés. Ici commence et s'établit la purification stable et durable de la nouvelle régénération, et les figures légales, en disparaissant, se changent et prennent la forme d'un unique Baptême. Par l'ablution de l'eau et le renouvellement de l'âme, est enseveli l'amas sanglant des boucs et des veaux immolés dans l'ancien temple; nous laissons ces rites aux Juifs, ayant sous les yeux cette parole de David : « Vous n'avez pas demandé l'holocauste et l'hostie pour le péché (Psal. XXXIX. 7.)
10. Le huitième, c'est la première révélation de la Trinité. Depuis la création du ciel et de la terre jusqu'à ce moment, jamais la Trinité ne s'est montrée manifestement aux hommes : mais le mystère éternel d'une clarté si éblouissante fut enveloppé symboliquement dans des faits ou dans des paroles. Le Créateur de tout, ajoutant à la formation de l'homme une souveraine dignité, s'écria : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance (Gen. I, 26). » Privilège vraiment honorable que n'a reçu aucune autre créature! On crée les phalanges nombreuses des anges, on règle avec ordre tous les éléments combinés entre eux ; mais le Tout-Puissant se contente de regarder en silence ce grand oeuvre qui se déroule sous ses yeux. Mais quand il s'agit de l'homme, lorsque Dieu s'apprête à donner l'être à cette aimable créature, la Trinité tout entière se dispose à se mettre à l'oeuvre, et la sagesse tient conseil afin que la dignité que le Créateur, par un privilège particulier accordé à sa créature, soit rendue bien éclatante. (Cependant en cette circonstance les paroles de la majesté divine n'eurent pas assez de clarté, puisque quelques auteurs les mettent dans la bouche des anges obéissants auxquels ils les attribuent. Que si ce sentiment est moins recevable, en cet oracle on indique la pluralité sans marquer les noms des personnes qui établissent la différence.) Abraham vit trois personnages et en adora un (Gen. XVIII, 2) : mais en ce lieu, l'autorité vénérable de l'Écriture s'exprime tantôt en général, tantôt en employant une distinction; elle parle « du Seigneur, » là de « trois personnages. (Cependant les Juifs trouvent en cet endroit grande matière à difficulté : ils assurent qu'il s'agit de trois anges envoyés par le Seigneur : un pour prédire la naissance d'Isaac , les deux autres pour détruire Sodome : quant à celui avec lequel converse le saint Patriarche, lui adressant ces paroles, « Seigneur, si j'ai trouvé grâce à vos yeux, » ils rêvent que, dans un esprit prophétique, il était venu annoncer la naissance d'Isaac. Abraham l'adore comme Bethsabé adora le roi David, et par égard pour lui, il prodigue à ses compagnons ses soins assidus et empressés. De là vient que l'on ne parle que de deux anges dans la destruction des villes coupables; le principal, celui qui avait préparé avec une dévotion fidèle la naissance d'Isaac, étant retourné au ciel. Trois en effet ordonnent d'appeler Sara, mais un seul révèle le secret de la promesse inespérée de cette naissance. Voilà la manière de voir des Juifs, qui aiment mieux conserver leurs coutumes qu'embrasser la foi.) Mais pour conclure en peu de mots, toute cette assemblée des patriarches ou des prophètes n'a point fait, soit en paroles soit en actions, une mention expresse du Père, du Fils et du Saint Esprit. Venez donc et considérez le fils de Zacharie touchant de ses mains l'Homme-Dieu, et voyez que les cieux s'ouvrent en cette circonstance, que le Saint-Esprit descend sous une forme sensible comme une colombe et que la voix du Père est entendue : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé (Matth. XVII, 5). » Vous voyez qu'à l'apparition de ces noms nouveaux les palais des cieux s'ouvrent, le Père fait entendre sa voix, le Fils est baptisé dans le Jourdain, le Saint Esprit se montre sous forme de colombe. Jean se trouve au milieu de toute la Trinité, et les trois dénominations claires, données aux personnages de la substance divine, indiquent qu'elles ont entouré le glorieux personnage : et le nom de la Trinité, cadré dans les siècles précédents, éclate sans aucune ombre. Seigneur, quel est cet homme à qui vous vous êtes révélé de cette manière ?