Les chrétiens vont être persécutés, pour passer de la souffrance et de l'épreuve dans la gloire;
autrement, ils ne suivraient pas l'itinéraire du Sauveur Jésus. Alors, vous voyez la grandeur de la perspective? Et tout cela vient de l'immense amour de Dieu. Il y a le Père, qui va envoyer son
Fils et va envoyer dans les coeurs l'Esprit Saint. L'Esprit Saint nous est envoyé pour ouvrir nos coeurs et nous faire comprendre qui est Jésus, et que c'est par une voie d'amour que le Père
l'envoie sur la croix pour arriver dans la gloire - de la croix à la gloire -. Parce qu'il y a dans la gloire, quand elle sort de la croix, il y a quelque
chose de plus mystérieux.
Il y a, dans l'épreuve et la souffrance, une grandeur, une majesté; et, en même temps, la souffrance
est comme une destruction, un mal en elle-même. Mais quand elle est portée, quand elle est surmontée par la foi et l'amour, à ce moment-là elle revêt celui qui la traverse d'une dignité que les
poètes sentent tout de suite. Il y a les grandes affirmations que nous trouvons chez les poètes modernes, chez Baudelaire surtout:
"Je sais que la douleur est la noblesse unique
Où ne mordront jamais la terre et les enfers,
Et qu'il faut pour tresser ma couronne mystique
Imposer tous les temps et tous les univers."
(Les Fleurs du Mal - Bénédiction)
Ou bien:
"... tout en haut de l'univers juché,
Un ange sonne la victoire
De ceux dont le coeur dit: 'Que béni soit ton fouet,
Seigneur! que la douleur, ô Père, soit bénie!
Mon âme dans tes mains n'est pas un vain jouet,
Et ta prudence est infinie."
(Les Fleurs du Mal - Bénédiction)
Ils ont compris cela, les poètes, cette grandeur de la souffrance. Tandis que chez les païens - c'est
Raïssa Maritain qui nous fait remarquer cela - par exemple chez Marc Aurèle, il y a, à l'égard de la souffrance, une sorte de répulsion. "Ils se mettent en boule quand vient la souffrance", dit
Raïssa Maritain, tandis que "le chrétien ouvre ses bras à la souffrance". Mais cela, c'est le christianisme qui fait paraître cette splendeur à travers l'épreuve. Plusieurs fois nous avons parlé
de cela.
Comment essayer de représenter d'une manière plastique cette dignité? Peut-être en choisissant le
Christ en majesté de Reims qui a le livre devant lui; quand la lumière vient d'en haut, verticale, c'est toutes les aspérités de la statue qui des ombres en dessous. Alors, ce Christ-là a l'air
de surgir des ombres pour rentrer dans la lumière, pour autant que l'on puisse trouver dans l'art une sorte de figuration plastique de cette dignité qui vient de la souffrance. La souffrance est
un mal, la mort est un mal; mais quand elles sont surmontées dans la grandeur d'âme, à ce moment-là elles revêtent une dignité absolument unique. Et c'est le christianisme qui révèle ces
choses-là. Elles peuvent être, bien sûr, pressenties, comme justement dans (le) chapitre 53 d'Isaïe.
(extrait d'une série de conférences sur les Lettres de Saint Pierre données à Genève en 1974-1975)