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Publié par Walter Covens

28 TOB ev    Encore que tous les conseils ne puissent ni doivent être pratiqués par chaque Chrétien en particulier, si est-ce qu'un Chrétien est obligé de les aimer tous, parce qu'ils sont tous très bons. Si vous avez la migraine et que l'odeur du musc vous nuise, laisserez-vous pour cela d'avouer que cette odeur soit bonne et agréable? Si une robe d'or ne vous est pas avenante, direz-vous qu'elle ne vaut rien? Si une bague n'est pas pour votre doigt, la jetterez-vous pour cela dans la boue? Louez donc, Théotime, et aimez chèrement tous les conseils que Dieu a donnés aux hommes. Ô que béni soit à jamais l'Ange du grand conseil (Is 9, 6), avec tous les avis qu'il donne et les exhortations qu'il fit aux humains! Le coeur est réjoui par les onguents et bonnes odeurs, dit Salomon, et par les bons conseils de l'ami l'âme est adoucie (Pr 27, 9). Mais de quel ami et de quels conseils parlons-nous? Ô Dieu, c'est de l'Ami des amis, et ses conseils sont plus aimables que le miel: l'ami c'est le Sauveur, ses conseils sont pour le salut.

    Réjouissons-nous, Théotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseils que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, bénissons-les, favorisons-les et les aidons, car la charité nous oblige de n'aimer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aimer encore ce qui est bon pour le prochain.

    Nous témoignerons assez d'aimer tous les conseils quand nous observerons dévotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsi que celui qui croit un article de foi d'autant que Dieu l'a révélé pas sa parole, annoncée et déclarée par l'Eglise, ne saurait mécroire les autres, et celui qui observe un commandement pour le vrai amour de Dieu est tout prêt d'observer les autres quand l'occasion s'en présentera, de même celui qui aime et estime un conseil évangélique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consécutivement tous les autres, puisqu'ils sont aussi de Dieu. Or, nous pouvons aisément en pratiquer plusieurs, quoique non pas tous ensemble; car Dieu en a donné plusieurs afin que chcun en puisse observer qurlques-uns, et il n'y a jour que nous n'en ayons quelque occasion.

    La charité requiert-elle que pour secourir votre père ou votre mère vous demeuriez chez eux? conservez néanmoins l'amour et l'affection à votre retraite, ne tenez votre coeur au logis paternel  qu'autant qu'il faut pour y faire ce que la charité vous ordonne. N'est-il pas expédient à cause de votre qualité que vous gardiez la parfaite chasteté? gardez-en donc au moins ce que sans faire tort à la charité vous en pourrez garder. Qui ne peut faire le tout, qu'il fasse quelque partie. Vous n'êtes pas obligé de rechercher celui qui vous a offensé, car c'est à lui de revenir à soi et venir à vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prévenu par injure et outrage; mais allez néanmoins, Théotime, faites ce que le Seigneur vous conseille (Mt 5; Lc 6), prevenez-le au bien, rendez-lui bien pour mal, jetez sur sa tête et sur son coeur un brasier ardent (Rm 12, 20) de témoignages de charité, qui le brûle tout et le force de vous aimer. Vous n'êtes pas obligé pour la rigueur de la loi de donner à tous les pauvres que vous rencontrez, ains seulement à ceux qui en ont un très grand besoin; mais ne laissez pas pour cela, suivant le conseil du Sauveur (Mt 5, 42; Lc 6, 30), de donner volontairement à tous les indigents que vous trouverez, autant que votre condition et les véritables nécessités de vos affaires le permettront. Vous n'êtes pas obligé de faire aucun voeu; mais faites-en pourtant quelques-uns qui seront jugés propres par votre père spirituel, pour votre avancement en l'amour divin. Vous pouvez librement user du vin dans les termes de la bienséance, mais, selon le conseil de saint Paul à Timothée (1 Tm 5, 23), n'en prenez que ce qu'il faut pour soulager votre estomac.

Il y a divers degrés de perfection ès conseils. De prêter aux pauvres hors la très grande nécessité, c'est le premier degré de conseil de l'aumône; et c'est un degré plus haut de donner sa personne, la vouant au service des pauvres. L'hospitalité hors l'extrême nécessité est un conseil: recevoir l'étranger est le permier degré d'icelui; mais aller sur les avenues des chemins pour le semondre, comme faisait Abraham (Gn 18, 2), c'est un degré plus haut; et encore plus de se loger ès lieux périlleux pour retirer (= donner asile), aider et servir les passants. En quoi excella ce grand saint Bernard de Menthon, originaire de ce Diocèse, lequel étant issu d'une maison fort illustre, habita plusieurs années entre les jougs et cimes de nos Alpes, y assembla plusieurs compagnons pour attendre, loger, secourir, délivrer des dangers de la tourmente les voyageurs et passants, qui mourraient souvent entre les orages, les neiges et froidures, sans les hôpitaux que ce grand ami de Dieu établit et fonda ès deux mont qui pour cela sont appelés de son nom, Grand-Saint-Bernard, au diocèse de Sion, et Petit-Saint-Bernard en celui de Tarentaise. Visiter les malades qui ne sont pas en extrême nécessité, c'est une louable charité; les servir est encore meilleur, mais se dédier à leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que le Clercs de la visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusierus dames en divers lieux: à l'imitation de ce grand saint Samson, genitlhomme et médecin romain, qui, en la ville de Constantinople où il fut fait prêtre, se dédia tout à fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hôpital qu'il y commença, et que l'empereur Justinien éleva et paracheva; à l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gênes, de sainte Elisabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable.

    Les vertus ont donc une certaine étendue de perfection, et pour l'ordinaire nous ne sommes pas obligés de les pratiquer en l'extrémité de leur excellence; il suffit d'entrer si avant en l'exercice d'icelles, qu'en effet on y soit. Mais de passer outre et s'avancer en la perfection, c'est un conseil; les actes héroïques des vertus n'étant pas pour l'ordinaire commandés, ains seulement conseillés. Que si en quelque occasion nous nous trouvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurences rares et extraordinaires, qui les rendent nécessaires à la conservation de la grâce de Dieu. Le bienheureux portier de la prison de Sébaste, voyant l'un des quarante qui étaient lors martyrisés perdre le courage et la couronne du martyre, se mit en sa place sans que personne le poursuivit, et fut ainsi le quarantième de ces glorieux et triomphants soldats de Notre-Seigneur. Saint Adauctus, voyant que l'on conduisait saint Félix au martyre: "Et moi, dit-il, sans être pressé de personne, je suis aussi bien Chrétien que celui-ci, adorant le même Sauveur;" puis, baisant saint Félix, s'achemina avec lui au martyre et eût la tête tranchée. Mille des anciens Martyrs en firent de même, et pouvant également éviter et subir le martyre sans pécher, ils choisirent de le subir généreusement plutôt que de l'éviter loisiblement: en ceux-ci donc, le martyre fut un acte héroïque de la force et constance qu'un saint excès d'amour leur donna. Mais quand il est force d'endurer le martyre ou renoncer à la foi, le martyre ne laisse pas d'être martyre et un excellent acte d'amour et de force; néanmoins je ne sais s'il faut nommer acte héroïque, n'étant pas choisi par aucun excès d'amour, ains par la nécessité de la loi qu en ce cas le commande. Or, en la pratique des actes héroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme le dit le grand saint Thomas (Somme Théologique, IIIe partie, question VII, art. 2), eut dès l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré héroïque; et certes, je dirais volontiers plus qu'héroïque, puisqu'il n'était pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est-à-dire vrai Dieu.
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