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Publié par Walter Covens

28 TOB ev    Les paroles par lesquelles Notre-Seigneur nous exhorte de tendre et prétendre à la perfection sont si fortes et pressantes; que nous ne saurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager à ce dessein: Soyez saints, dit-il, parce que je suis saint (Lv 11, 44; 1 P 1, 16); Qui est saint, qu'il soit encore davantage sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encore plus justifié (Ap 22, 11). Soyez parfaits ainsi que votre Père céleste est parfait (Mt 5, 48). Pour cela le grand saint Bernard écrivant au glorieux saint Guérin, abbé d'Aux, duquel la vie et les miracles ont tant rendu de bonne odeur en ce Diocèse: "L'homme juste, dit-il, ne dit jamais: c'est assez, il a toujours faim et soif de la justice."

    Certes, Théotime, quant aux biens temporels, rien ne suffit à celui auquel ce qui suffit ne suffit pas; car, qu'est-ce qui peut suffire à un coeur auquel la suffisance n'est jamais suffisante? Mais quant aux biens spirituels, celui n'en a pas ce qui lui suffit auquel il suffit d'avoir ce qui lui suffit, et la sufisance n'est pas suffisante, parce que la vraie suffisance ès choses divines consiste en partie au désir de l'affluence. Dieu, au commencement du monde, commanda la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espèce, qui est aussi sa semence en soi-même (Gn 1, 11): et ne voyons-nous pas par expérience que les plantes et fruits n'ont leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pépins, qui leur servent de géniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des désirs de faire progrès, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de notre coeur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruits de saintes oeuvres, une chacune selon son genre, et qui ait les semences des désirs et desseins de toujours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pépin de ces désirs, elle n'est pas en la suffisance et la maturité. "Ô donc, dit saint Bernard au fainéant, tu ne veux pas t'avancer en la perfection? Non. Et tu ne veux pas non plus empirer? Non, de vrai. Et quoi donc? tu ne veux être ni prire ni meilleur? Hélas, pauvre homme, tu veux être ce qui ne peut être. Rien voirement n'est stable ni ferme en ce monde (Qo 2, 11; 3, 1), mais de l'homme il en est dit encore plus particulièrement que jamais il ne demeure en son état (Jb 14, 2):" il faut donc ou qu'il s'avance ou qu'il retourne en arrière.

    Or, je ne dis pas, non plus que saint Bernard, que ce soit péché de ne pratiquer pas les conseils: non certes, Théotime, car c'est la propre différence du commandement au conseil, que le commandement nous oblige sous peine de péché, et le conseil nous invite sans peine de péché. Néanmoins je dis bien que c'est un grand péché de mérpiser la prétention à la perfection chrétienne, et encore plus de mépriser la semonce par laquelle Notre-Seigneur nous y appelle; mais c'est une impiété insupportable de mépriser les moyens et conseils d'y parvenir que Notre-Seigneur nous marque. C'est une hérésie de dire que Notre-Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blasphème de dire à Dieu: Retire-toi de nous, nous ne voulons point la science de tes voies (Jb 21, 14); mais c'est une irrévérence horrible contre Celui qui avec tant d'amour et de suavité nous invite à la perfection, de dire: je ne veux pas être saint, ni parfait, ni avoir plus de part en votre bienveillance, ni suivre les conseils que vous me donnez pour faire progrès en icelle.

    On peut sans péché ne suivre pas les conseils pour l'affection que l'on a ailleurs: comme, par exemple, on peut bien ne vendre pas ce que l'on a et ne le donner pas aux pauvres, parce qu'on n'a pas le courage de faire un si grand renoncement; on peut bien aussi se marier, parce qu'on aime une femme, ou qu'on n'a pas assez de force en l'âme pour entreprendre la guerre qu'il faut faire à la chair: mais de faire profession de ne vouloir point suivre les conseils, ni aucun d'iceux, cela ne se peut faire sans mépris de Celui qui les donne. De ne suivre pas le conseil de virginité afin de se marier, cela n'est pas mal fait; mais de se marier pour préférer le mariage à la chasteté, comme font les hérétiques, c'est un grand mépris ou du Conseiller ou du conseil. Boire du vin contre l'avis du médecin, quand on est vaincu de la soif ou de la fantaisie d'en boire, ce n'est pas proprement mépriser ni son avis; mais de dire: je ne veux point suivre l'avis du médecin, il faut que cela provienne d'une mauvaise estime qu'on a de lui. Or, quant aux hommes, on peut souvent mépriser leur conseil et ne mépriser pas ceux qui le donnent, parce que ce n'est pas mépriser un homme d'estimer qu'il ait erré: mais quant à Dieu, rejeter son conseil et le mépriser, cela ne peut provenir que de l'estime que l'on fait qu'il n'a pas bien conseillé; ce qui ne peut être pensé que par esprit de blasphème, comme si Dieu n'était pas assez sage pour savoir, ou assez bon pour vouloir bien conseiller. Et c'en est de même des conseils de l'Eglise, laquelle, à raison de la continuelle assistance du Saint-Esprit qui l'enseigne et conduit en toute vérité (Jn 16, 13), ne peut jamais donner des mauvais avis.
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