Voici ce que dit le Seigneur : " Moi, si la pauvreté neût pas été si heureuse, je ne laurais pas aimée ; et si elle eût été moins glorieuse, je ne laurais pas prise. Car lorgueil ne peut trouver place quen ceux qui possèdent ou croient posséder. Lhomme et lange tombèrent, et tombèrent par orgueil car ils crurent posséder. Ni lhomme ni lange ne possèdent rien. Tout appartient à Dieu. Lhumilité nhabite quen ceux qui se voient destitués de tout. La pauvreté desprit est le bien suprême. "
  Dieu a donné à son Fils, quil aimait, une pauvreté telle, quil na jamais eu et naura jamais un pauvre égal à lui. Et, cependant, il a pour propriété lÊtre. Il possède la substance, et elle est tellement à lui, que cette appartenance est au-dessus de la parole humaine. Et cependant Dieu la fait pauvre, comme si la substance neût pas été à lui.
  Ceci est folie aux yeux des pécheurs et des aveugles. Les sages nomment la même chose dun autre nom. Cette vérité est si profonde, là pauvreté est si réellement la racine et la mère de toute humilité et de tout bonheur, que labîme où je vois cela ne peut se décrire. Le pauvre ne peut ni tomber ni périr par illusion. Lhomme qui verrait le bien de la pauvreté, lamour de Dieu tomberait sur lui ; si vous considériez limmense valeur de ce trésor, et comment il attira le cur de Dieu, vous ne pourriez plus rien garder de périssable ni rien avoir en propre, rien.
  Tel est lenseignement de la divine Sagesse qui montre à lhomme ses vides, sa pauvreté, qui le présente à lui-même dans un miroir sans mensonge, destitué de tout mérite et de tout bien; puis qui lui donne le don de la lumière, et avec la lumière, lamour de la pauvreté. Puis lâme voit la divine bonté, et ne trouvant rien à aimer en elle-même, elle se tourne tout entière à aimer le Dieu tout-puissant ; elle fait comme elle aime, ayant perdu toute confiance en elle, et pris toute confiance en Dieu, et dans cette confiance elle trouve lillumination, par laquelle est chassé le doute. Qui posséderait cette vérité serait inaccessible à toute illusion diabolique ou humaine ; car lesprit de pauvreté éclaire lâme dune lumière immense, et à cette lumière toute la vie lui apparaît, avec tout son mécanisme, et lillusion est impossible.
  Jai vu cette lumière, jai vu que la pauvreté, mère des vertus, sort la première des lèvres de la divine Sagesse. La divine Sagesse nous a dit par lincarnation du Verbe : " Vous êtes mortels " ; par la pauvreté desprit elle nous dit : " Vous êtes bienheureux. "
  Cest pourquoi toute sagesse humaine qui nentre pas dans cette vérité est un néant qui conduit en enfer. Et tous les sages du monde, sils nentrent pas dans cette vérité, sont des néants qui vont en enfer. Et quand lâme voit cette vérité, elle agit sans vaine gloire, et sans retour sur elle-même.