(... ) La présence de Dieu parmi nous, avec nous et pour nous, qui regarde-t-elle ? Concerne-t-elle seulement ceux qui ont rencontré Jésus physiquement et dont sont décrits les épisodes dans l'évangile de Jean? Certainement pas. Nous savons que Jean nous présente Nicodème, la Samaritaine, l'aveugle et les disciples de Jésus eux-mêmes autour de lui qu'en tant que ce sont des modèles typiques à travers lesquels on lit une action permanente de Dieu dans le Christ parmi nous. Et pourtant Jésus n'est plus devant nous comme il se tenait face à Nicodème, à la Samaritaine ou au paralysé; au contraire il retourne vers le Père et il affirme avec insistance la réalité de son retour. Comment alors se fera notre contact avec Dieu-parmi-nous en Jésus? Sera-ce seulement un contact au moyen du souvenir, ou par la lecture d'un livre, ou la prédication qui raconte de lui ses faits et gestes? Ce serait déjà quelque chose, car cela amènerait au milieu de nous au moins l'esprit de Jésus, je dis "l'esprit" (avec une minuscule) comme une continuation de son oeuvre. En d'autres termes, ce serait la manière de Marc pour situer la Résurrection: l'oeuvre de Jésus va de l'avant, la charge de son idéal continue dans l'humanité.
Mais Jésus nous a dit plus que cela dans sa prédication. Prenons par exemple le verset final de l'apparition à Thomas: Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru (Jn 20, 29). Et encore dans le discours où il se révèle aux apôtres: C'est votre intérêt que je parte (16, 7). La disparition physique de Jésus, par conséquent, entraîne des modes permanents - peut-être meilleurs - de sa présence; des modes qui sont plus utiles pour nous. Et pourquoi donc plus utiles? parce que plus universels dans l'espace et dans le temps, et plus adaptés à l'éducation d'une vraie recherche du Christ dans la réalité du monde.
C'est pour cela que nous voulons méditer sur quelques-uns des modes de présence de Jésus; et je les choisis de telle façon qu'ils vous suggèrent et livrent une méthode pour méditer sur d'autres encore. ( ...) Les trois modes que j'ai choisis sont: l'économie sacramentaire; l'économie communautaire; l'économie de lEsprit. Je parle d'"économie" parce que je n'aime par parler de la présence de Jésus dans les choses, et je trouve aussi quelque difficulté à parler de la présence de Jésus dans les personnes, parce que tout cela a une certaine tendance à des formes d'idolâtrie ou de mystification. Au contraire, en parlant d'"économie", c'est-à-dire de rapport entre choses, personnes et situations, on fait état d'une présence de Jésus qui est plus apte à purifier l'esprit, étant donné que le mot revêt des significations actives et dynamiques, par lesquelles nous sommes délivrés de la tentation toujours en embuscade de nous enfermer dans des attitudes de type idolâtrique.
Dans l'évangile de Jean, Jésus manifeste des modes de présence et d'action salvifique que le chrétien éclairé, en particulier celui d'un certain âge, qui a définitivement une certaine expérience de ces choses, reconnaît dans les gestes qui s'accomplissent par ordre de Jésus au sein de la communauté. Effectivement l'évangile de Jean, quand il nous présente des gestes, des façons de faire et des actions de Jésus, nous indique en réalité, par transparence, des façons de faire et des actions qui regardent la vie de la communauté. Le message est la présence même de Jésus, lue et vue dans ces gestes communautaires.