Il est vrai aussi que le mot téléios (parfait) n'apparaît pas sous la plume de Jean. Pourtant, comme il arrive en d'autres endroits du Nouveau Testament, s'il n'y pas le substantif, il y a le verbe. Par exemple Jean use abondamment du verbe pisteuô (je crois) mais jamais du substantif pistis (foi). C'est là un intéressant phénomène linguistique. Pareillement Jean n'emploie jamais l'adjectif téléios (parfait) mais en plusieurs passages essentiels, il parle de "porter à la perfection". Le but, par exemple, de toute action de Jésus est que "tous soient parfaits dans l'unité" : tétéléioménoi (amenés à la perfection). Ainsi réapparaît le thème paulinien, mais d'une autre manière: que tous soient menés à la perfection, de la même façon que Jésus doit "rendre parfaite", "mener à bonne fin" (4, 34; 5, 36) l'oeuvre du Père. Le verbe ici est téléioun. Cette oeuvre Jésus la déclare "achevée" sur la croix, tétélestai de nouveau du verbe téléioun (19, 28-30).
Quant au mot gnôsis, la connaissance dont parle Paul, il est évident que ce mot est étranger à Jean, tout autant que le mot sophia (sagesse). On trouve pourtant chez lui le verbe ginoskein (d'où vient gnôsis) utilisé dans un sens qui équivaut pratiquement à la gnôsis de Paul, c'est-à-dire une connaissance d'un niveau supérieur. Dans toute une série de passages, en se servant du simple verbe connaître, Jean nous montre le type de connaissance mûrie qui est le but de son enseignement. Nous pouvons citer en particulier: Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père (10, 14-15). C'est cette connaissance intime, résultant d'une longue familiarité, qui constitue le but de la prédication de Jean.