
1. Avant tout qu'il existe une sagesse dont Paul a l'intention de parler, qui est propre au disciple fervent et éclairé. C'est bien cette sagesse qui est à notre disposition en ce sens que Dieu veut nous la donner.
2. Cette sagesse n'est pas de ce monde. C'est une sagesse qui ne s'acquiert pas, fût-ce au prix de lectures, conversations, études, recherches, parce qu'elle n'est pas le produit de l'action humaine. Elle n'est pas de ce monde et elle ne sert pas pour ce monde. C'est-à-dire qu'elle n'est pas non plus une sagesse que nous acquérons pour ensuite dire de belles paroles devant les autres, en prêchant ou en donnant des retraites. C'est une sagesse qui est au-delà des calculs que nous pourrions être tentés de faire. C'est une sagesse pour nous, mais non une sagesse de ce monde, ni des puissants de ce monde, c'est-à-dire de toutes les forces - de profit, d'acquisition, et d'efficience - qui la voudraient en nous pour s'en servir comme de toutes les autres choses dont nous pouvons user.
3. Nous parlons au contraire d'une sagesse divine, mystérieuse, cachée. Et ici nous pouvons faire attentivement réflexion sur ces attributs, mystérieuse et cachée, ils veulent dire qu'il existe dans la vie chrétienne une sagesse qui souvent demeure cachée à nos yeux, parce qu'elle ne s'identifie pas avec les actions que nous faisons ni aucune des pensées que nous pourrions mettre en oeuvre. Elle est au-delà de toutes ces choses; une sagesse mystérieuse et cachée, mais que Dieu nous offre, pauvres que nous sommes.
Voilà une sagesse chrétienne qui est la source de toute plénitude de vie, de la sérénité de l'esprit, de la capacité de juger en des situations délicates, du courage de vivre en chrétien quelle que soit la situation où l'on se trouve. Cette sagesse, que Dieu a préordonnée avant les siècles en vue de notre gloire et qui nous vient de lui-même, elle nous est révélée par son Esprit.
La discipline spirituelle du IVe évangile ne veut donc pas expliquer, parce que ces réalités ne sont pas celles qui s'expliquent par des mots, mais montrer une voie de pénétration au coeur de cette sagesse, au-delà de toutes les règles ascétiques, de toutes les pratiques, de toutes les idées. Voilà le coeur, la moelle d'une vie chrétienne mûrie.
Nous prenons ce IVe évangile comme une sorte de manuel qu'on pourrait appeler "le troisième cycle" de l'initiation chrétienne. Nous pouvons en effet appeler "premier cycle" le catéchuménat, auquel est spécialement adapté l'évangile de Marc. On appellera "deuxième cycle" l'enseignement des obligations de la vie en Église, auquel correspond bien l'évangile de Matthieu; on y joindra l'enseignement sur le fait chrétien dans l'histoire du monde, l'insertion du christianisme dans la société et la culture suivant le temps et le milieu, qui se trouve dans Luc et les Actes des Apôtres. De là, prenant Marc comme premier cycle, Matthieu-Luc-les Actes comme deuxième cycle de l'initiation chrétienne (la catéchèse), le troisième cycle est celui qui consiste en la formation intérieure et mystique du chrétien, l'introduction à la familiarité vécue avec le mystère de Dieu. Dans le Nouveau Testament peut-être est-ce là une des taches de Paul; certainement c'est celle de Jean, et, à un autre point de vue, de la lettre aux Hébreux.
Le troisième cycle suppose l'exercice des précédents et l'acquis d'un certain nombre de choses; il faut maintenant passer outre et voir le sens le plus profond des choses en question. C'est dans ce sens que nous voulons nous laisser guider par l'évangile de Jean.
Ici affleure une nouvelle question : de quel point précis part la prédication de Jean?
Jean prêche, il veut éduquer le chrétien déjà instruit, celui qui connaît les choses de la foi, riche de sagesse. Mais dans le concret où est le véritable point de départ? Ce n'est certainement pas les chrétien déjà en possession de la perfection, car celui-là n'aurait plus besoin d'être instruit. Son point de départ, c'est l'homme d'âge mur, c'est-à-dire celui qui après avoir acquis l'instruction, connaissance et expérience fondamentale des vertus courantes de la vie, ou même un peu plus, se trouve maintenant pris en des situations plus délicates et plus laborieuses.