Aussi saint soit-il, tout pape ne cessera pas d'avoir son côté humain, qui le rend critiquable. Seulement il est déplorable qu'à lintérieur de la Catholica, composée de membres pécheurs nous n'abordons pas ici la thèse luthérienne du péché -, un homme promu à ce niveau suprême de responsabilité perde presque toujours ses sympathies antérieures et devienne alors la cible d'une critique plus ou moins hostile. La plupart du temps, il faut attendre sa mort pour que viennent au jour ses véritables mérites. Paul VI, qui fut tant décrié, en fournit un bon exemple, encore que l'on puisse observer la même loi pour les évêques ainsi que pour les supérieurs des ordres religieux, masculins ou féminins. Il n'y a pas que le clerc qui soit un loup pour le clerc (clerico lupus) ; on doit y ajouter le laïc, et ce d'autant plus que quiconque se plaint de l'autorité ecclésiastique est aussitôt monté en épingle par les médias, qui font de lui un martyr ou un héros : leur puissance et leur impact dépassent ceux de l'autorité ecclésiastique qui, en tant que telle, est l'objet de ce que déjà du temps de Paul on appelait la haine que suscitent la faiblesse, le mépris et (en raison de ses prétentions) le ridicule.
C'est ainsi que finalement s'explique l'attitude du "complexe anti-romain" si largement répandu dans toute la Catholica, mais en particulier en Europe du Nord, en Amérique du Nord et du Sud ; les pays de l'Est qui subissent la persécution y sont moins sujets, car l'autorité ecclésiastique (comme ce fut le cas des évêques qui au Moyen ge subirent la persécution des princes) représente un havre de liberté. Mais dans les aires géographiques que nous avons citées, beaucoup réagissent comme si Rome les persécutait et les privait de leurs libertés démocratiques. Et ceci avant même tout dialogue destiné à clarifier les questions en suspens. Dans le Nouveau Testament, il est clair que les tensions à l'intérieur de l'Église n'ont pu trouver de solutions que dans un climat de grande charité ; Ignace d'Antioche, quant à lui, nous apprend que Rome exerce une "primauté damour" ; il est donc anti-chrétien de la part de ceux qui sont en conflit avec Rome de suspecter a priori ses directives et ses consignes. Il est indispensable que les chrétiens sachent s'immuniser contre la malveillance qui provient de l'extérieur, surtout quand elle est systématiquement renforcée par de nombreux médias. De nos jours, il n'est pas rare qu'on assiste à des collectes de signatures hostiles à Rome dont l'initiative est souvent prise par le clergé, pétitions fondées sur des déclarations de presse déformées ou réductrices : ce qui a pour effet d'empoisonner le climat ecclésial et douvrir la voie à des courants schismatiques, à longue échéance, certes, mais en connaissance de cause.