Raniero Cantalamessa, Marie Un miroir pour lÉglise, Éd. Desclée de Brouwer, 1992, p. 75-82 (2e partie)
Le titre de Mère de Dieu nous parle aussi de Dieu. Il nous révèle le vrai visage de Dieu Père, Fils et Esprit Saint. Cest même, de nos jours, laspect le plus utile, le plus actuel à mettre en lumière, comme le titre précédent létait au temps des grandes controverses du Ve siècle. En effet, le problème est devenu aujourdhui plus radical qualors. Il concerne Dieu dans lacception la plus vaste du terme, beaucoup plus que tels aspects particuliers du mystère chrétien. Le problème nest plus le monophysisme, cest lathéisme.
Que nous dit ce titre de Marie au sujet de Dieu ? Il parle avant tout de lhumilité de Dieu. Dieu a voulu avoir une mère, alors que de nos jours certains en sont arrivés au point de trouver étrange et presque offensant pour un être humain davoir une mère, car cela implique dépendance radicale et signifie ne pas sêtre fait soi-même, ne pas pouvoir élaborer tout seul le projet de sa propre existence !
Lhomme, depuis toujours, cherche Dieu dans les hauteurs. Il cherche à construire, par ses efforts ascétiques ou intellectuels, une sorte de pyramide, en pesant quà son sommet il trouvera Dieu, ou son équivalent, ce qui en certaines religions est le Rien. Il ne saperçoit pas que Dieu est descendu, a renversé la pyramide et sest mis lui-même à la base, pour tout porter et nous porter tous sur lui. Dieu se fait présent silencieusement dans le sein dune femme. Vraiment il faut dire : cela est croyable parce que cest une folie ; cela est certain justement parce que cest impossible ; cest divin justement parce que cela ne vient pas des hommes (cf. Tertullien). Quel contraste avec le Dieu des philosophes, quelle douche froide pour lorgueil humain et quelle invitation à lhumilité ! Dieu descend au cur même de la matière, car mère, mater, vient de matière, au sens le plus noble du terme qui est celui de réalité concrète. Le Dieu qui se fait chair dans le sein dune femme est le même qui ensuite se rend présent au cur de la matière du monde, dans lEucharistie : même et unique économie, même et unique style. Saint Irénée a bien raison de dire que celui qui ne comprend pas la naissance de Dieu de Marie ne peut pas non plus comprendre lEucharistie. Tout ceci proclame, et mieux que toute parole, que le Dieu chrétien est grâce ; et quon lobtient par voie de don et non de conquête.
En choisissant cette voie maternelle pour se révéler à nous, Dieu a rappelé à la sottise humaine qui voit le mal là où il nest pas et ne le voit pas où il est que tout est pur ; il a proclamé la sainteté de ce quil a créé. Il a sanctifié et racheté, non seulement la nature dans labstrait, mais aussi la naissance humaine et toute la réalité de lexistence.
Dieu a surtout révélé la dignité de la femme comme telle. " Quand est venu laccomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né dune femme " (Ga 4, 4). Si Paul avait écrit : " né de Marie ", on ny verrait quun détail biographique. En disant : " né dune femme ", il donne à son affirmation une portée universelle, immense. Cest la femme elle-même, chaque femme, qui, en Marie, a été élevée à cette hauteur incroyable. Marie est ici la Femme. On parle beaucoup aujourdhui de la promotion de la femme, cest un des signes les plus beaux et les plus encourageants de notre temps. Mais que nous sommes en retard par rapport à Dieu ! Il nous a tous précédés. Il a conféré à la femme un tel honneur que nous sommes rendus muets et devons réfléchir à notre péché.
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