Raniero Cantalamessa, Marie Un miroir pour lÉglise, Éd. Desclée de Brouwer, 1992, p. 75-82 (3e partie)
Enfin, le titre de " Mère de Dieu " nous parle aussi de Marie. Dans lunivers elle est la seule à pouvoir dire en sadressant à Jésus ce que le Père céleste lui dit : " Tu es mon fils ; moi je tai engendré ! " (cf. Ps 2, 7 ; He A, 5). Saint Ignace dAntioche reconnaît en toute simplicité, sans presque mesurer la dimension quil donne à une créature, que Jésus est " de Dieu et de Marie ". Comme lorsque nous disons dun homme quil est le fils dun tel et dune telle. Dante Alighieri a résumé le double paradoxe de Marie, qui est à la fois " vierge et mère " et " mère et fille ", en un seul vers : " vierge Mère, fille de ton Fils ! "
Le titre " Mère de Dieu " suffit à lui seul à fonder la grandeur de Marie et à justifier lhonneur qui lui est attribué. On reproche parfois aux catholiques dexagérer lhonneur et limportance attribués à Marie. Il faut le reconnaître : ce reproche a pu être justifié, du moins dans la présentation des choses. Mais on ne pense jamais à ce que Dieu a fait. Dieu sest tellement engagé pour honorer Marie, que personne ne peut en faire ou dire davantage même sil avait et cest Luther lui-même qui lécrit, autant de langues quil y a de brins dherbe : " Lappelant Mère de Dieu, tout lhonneur qui lui revient y est compris ; personne ne peut dire delle ou lui dire quelque chose de plus grand, même sil avait autant de langues quil y a de brins dherbe, détoiles dans le ciel et de sable dans la mer. Aussi notre cur doit réfléchir sur ce que signifie être Mère de Dieu. "
Le titre de Mère de Dieu situe Marie dans une relation unique avec chacune des personnes de la Trinité. Saint François dAssise, dans une prière, lexprimait ainsi : " Sainte Vierge Marie, aucune nest semblable à toi parmi les femmes de ce monde : fille servante du Roi très haut, le Père céleste, mère de notre très saint Seigneur Jésus Christ, épouse du Saint Esprit
prie pour nous ton Fils très saint et bien-aimé, notre Seigneur et Maître. "
Mère de Dieu est un titre éternel, irréversible, parce quest irréversible lincarnation du Verbe. Puisque dans la Jérusalem céleste existe lhumanité glorifiée du Christ, de celui qui était mort et qui maintenant est vivant (cf. Ap 1, 18), existe aussi celle qui est reconnue et honorée comme sa mère. Si Jésus ne rougit pas de nous appeler " ses frères " (cf. He 2, 11 s.), pensez-vous quil va rougir dappeler Marie sa mère ! Lui na pas besoin, pour montrer qui il est et pour manifester son indépendance divine, de renier le fait davoir eu une mère, comme certains grands paladins contemporains de la liberté humaine.
Le titre de " Mère de Dieu " est aussi aujourdhui le point de rencontre et la base commune à tous les chrétiens, doù nous pouvons repartir pour retrouver un accord sur la place de Marie dans la foi. Cest lunique titre cuménique, non seulement de droit, parce que défini par un concile cuménique, mais aussi de fait car il est reconnu par toutes les Églises. Nous venons de voir ce que pensait Luther. En une autre occasion, il écrit : " Larticle qui affirme que Marie est Mère de Dieu est en vigueur dans lÉglise depuis les origines et le concile dÉphèse ne la pas défini comme nouveau, car cest une vérité déjà établie dans lÉvangile et dans lÉcriture Sainte
Ces paroles (Lc A, 32 ; Ga 4, 4) déclarent avec grande fermeté que Marie est vraiment Mère de Dieu. " " Nous croyons, enseignons et confessons, lit-on dans une formule de foi composée après sa mort, que Marie est appelée à juste titre Mère de Dieu et quelle lest vraiment. " Un autre promoteur de la Réforme écrit : " À juste titre, selon mon jugement, Marie est appelée Mère de Dieu, Théotókos. " Ailleurs, le même auteur reconnaît en Marie " la divine Théotókos , élue avant davoir la foi " (H. Zwingli). Calvin, à son tour, écrit : " LÉcriture nous déclare explicitement que celui qui devra naître de la Vierge Marie sera appelé Fils de Dieu (Lc 1, 32) et que la Vierge elle-même est la Mère de notre Seigneur. "
Mère de Dieu, Théotókos, est donc le titre auquel il faut toujours revenir, en le distinguant, comme le font justement les orthodoxes, de cette série infinie dautres noms et de titres marials. Sil était pris au sérieux par toutes les Églises et mis effectivement en valeur au-delà dune reconnaissance en droit comme vérité dogmatique, il suffirait à créer une unité fondamentale autour de Marie. Au lieu dêtre une source de divisions entre chrétiens, Marie, Mère de Dieu, deviendrait, après lEsprit Saint, le plus important facteur dunité cuménique, elle qui maternellement aide à " rassembler tous les enfants de Dieu dispersés " (cf. Jn 11, 52). Aux Églises protestantes, encore très en réserve par rapport à Marie (et comme je le disais, en partie de notre faute), je voudrais répéter, malgré linfinie différence que je reconnais entre Marie et lEsprit Saint, ce quun Père de lÉglise cria, à un certain moment, pour stimuler ses contemporains à surmonter doutes et hésitations à proclamer la pleine divinité de lEsprit Saint : " Jusquà quand tiendrons-nous cachée la lampe sous le boisseau ? Cest lheure de placer la lampe sur le candélabre pour quelle brille dans toutes les Églises, dans toutes les âmes, dans le monde entier. " (S. Jean Chrysostome) Au cours du concile dÉphèse, dans une homélie, un évêque adressa ces paroles aux Pères conciliaires : " Ne privons pas la Vierge Mère de Dieu de lhonneur que lui conféra le mystère de lIncarnation. Nest-il pas absurde, mes bien-aimés, de glorifier en même temps que les autels du Christ, la croix ignominieuse qui le porta et de la faire resplendir à la face de lÉglise, et ensuite de ne pas vouloir reconnaître lhonneur de la Mère de Dieu à celle qui en vue dun si grand bienfait accueillit la divinité. " (Acace de Mélitène)
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