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Publié par Walter Covens

L’affirmation de Kierkegaard, selon laquelle l’unique vrai rapport avec le Christ ne s’opère pas grâce aux " dix-huit siècles " d’histoire du christianisme, mais grâce à la contemporanéité, est une affirmation qu’il faut préciser. Les dix-huit siècles d’histoire et la contemporanéité ne doivent pas être mis en contradiction, mais maintenus ensemble. La contemporanéité , comme la comprend le Nouveau Testament, n’est autre que l’Esprit-Saint, qui est justement la présence et la permanence de Jésus dans le monde, celui qui " demeure avec nous à jamais " (cf. Jn 14, 16). Les dix-huit siècles – vingt, aujourd’hui – ne sont, en termes théologiques, rien d’autre que l’Église. Dans la perspective catholique, pourtant, l’Esprit-Saint et l’Église sont les conditions mêmes qui rendent possible notre rapporta avec le Christ, rapport qui ne devient opérant, il est vrai, que par l’intermédiaire de la foi et par l’imitation du modèle qu’est le Christ. Mais nonobstant ces réserves, il y a dans cette manière de poser le problème de la divinité du Christ, un profond élément de vérité, dont surtout nous, les catholiques, avons besoin de prendre conscience. Que signifiaient donc, en termes plus simples, les paroles de Kierkegaard sur le fait de croire dans le contemporain ? Elles voulaient dire que croire en la divinité du Christ est le devoir de chacun. Croire en situation de contemporanéité signifie aussi croire en solitude. La divinité du Christ – ai-je dit – est l’Éverest de la foi. Mais dans l’escalade de l’Éverest, ce ne sont pas les porteurs, les sherpas, qui nous portent, nous et nos bagages, jusqu’à une certaine altitude, nous laissant seulement le soin de faire, à pied, les dernières centaines de mètres. Chacun doit faire toute l’ascension. Il s’agit, en effet, d’un saut infini, auquel un siècle ou un millénaire en plus ou en moins n’ajoutent ou ne retirent rien. À propos duquel, pareillement, le fait d’être deux, ou deux milliards à croire, ne change essentiellement rien à la difficulté de la chose. Certes, on peut trouver une aide à sa foi dans le fait que d’autres, autour de vous, font de même, mais ce n’est pas encore croire, au sens propre, en ayant pour seul motif Dieu lui-même. Nous ne pouvons donc raisonner comme si les croyants qui nous ont précédés avaient fait l’essentiel et qu’aujourd’hui, nous n’aurions plus qu’à continuer et mener à terme leur effort. S’il en était ainsi, il devrait être plus facile de croire au Christ, à mesure que nous avançons dans l’histoire ; or, au lieu de cela, nous voyons que ce n’est justement pas le cas. Il n’est ni plus facile, ni plus difficile de croire aujourd’hui, que du temps de Jean, d’Athanase, ou de Luther. Tout repose sur la " force démonstrative que possède, par elle-même, la parole de Dieu, qui agit dans les paroles et les actions de Jésus " (cf. S. Kierkegaard, ibid.), et sur le fait qu’elle trouve, ou ne trouve pas, une disposition à l’accueillir. Certes, il y a les " signes ", les " œuvres ". Jésus y renvoie souvent. Il dit de croire au moins à cause des œuvres qu’il accomplit ; que s’il n’avait pas accompli tant de signes, leur responsabilité serait moins grande (cf. Jn 5, 36 ; 10, 25-37). Mais, précisément, ce qui se produit autour de Jésus démontre que les signes ne suffisaient pas à faire croire. Même lorsqu’on y assistait personnellement, on pouvait trouver cent raisons pour rester incrédule. " Bien qu’il y eût tant de signes devant eux, ils ne croyaient pas en lui ", dit l’évangéliste (Jn 12, 37). L’histoire de l’aveugle-né illustre bien ce fait : même devant le plus sensationnel des signes, la possibilité demeure de s’ouvrir, ou de se fermer à la lumière. Une autre fois, Jésus vient à peine d’accomplir le grand signe de la multiplication des pains, que certains lui demandaient déjà : " Quel signe fais-tu donc, pour qu’à sa vue, nous te croyions ? " (Jn 6, 30), comme si le signe précédent n’avait servi à rien. Du reste, Jésus met lui-même en garde contre une foi qui reposerait seulement sur le fait de voir des signes ; il se méfie de ceux qui ne croient pas, s’ils ne voient pas de signes (cf. Jn 4, 48) ; et lorsque certains, " à la vue des signes ", crurent en lui, il est écrit que Jésus " ne se fiait pas à eux " (cf. Jn 2, 23-24). Il ne faut donc pas dédaigner les signes. S’il existe une certaine disposition intérieure à reconnaître la vérité, les œuvres du Christ sont en mesure d’offrir la preuve évidente qu’en elles, agit la puissance divine même et que, par conséquent, Jésus était le médiateur de vie éternelle. Mais quel pouvait être le poids de ces œuvres et de ces signes, en dehors de l’instant où ils étaient accomplis ?Suffisaient-ils à faire conclure qu’il devait évidemment s’agir de Dieu en personne ? Le monde hellénistique n’avait-il pas, lui aussi, maints thaumaturges, c’est-à-dire faiseurs de prodiges ? Il faut donc conclure que, pour Jean, les œuvres du Christ désignaient, plutôt que quelques guérisons sporadiques, la totalité de son œuvre, qui avait consisté à apporter sur la terre la vie éternelle. Quiconque écoutait le message était invité à considérer si, en effet, on ne pouvait pas trouver, dans l’Église, un nouveau genre de vie (cf. H. Dodd, L’interprétation du IVe évangile, p. 423). Mais on ne pouvait faire une telle expérience qu’en venant au Christ, c’est-à-dire ne croyant. Et ceci démontre, une fois encore, que c’est seulement par la foi, que l’on a un témoignage suffisant concernant Jésus, que la foi est, par elle-même, témoignage.
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