Raniero Cantalamessa, Jésus-Christ le Saint de Dieu, Éd. Mame, 1993, p. 72-77 (1e partie)
La divinité du Christ est la cime la plus élevée, lEverest de la foi. Cest un acte beaucoup plus difficile que de simplement croire en Dieu. Si donc, dun point de vue objectif, à savoir, celui du donné de la foi, elle constitue pour le Nouveau Testament comme nous lavons vu jusquici ce quil y a de plus important à croire et luvre de Dieu par excellence, dun point de vue subjectif, à savoir, celui de notre acte de foi, elle est ce quil y a de plus difficile à croire.
Cette difficulté est liée à la possibilité et, même, au caractère inéluctable du " scandale " : " Heureux dit Jésus celui qui ne se scandalise pas à cause de moi ! " (Mt 11, 6). Le scandale provient du fait que celui qui se proclame Dieu est un homme dont chacun connaît tout : " Celui-là, nous savons doù il est ", disent les pharisiens (Jn 7, 27). " Fils de Dieu sexclamait Celse un homme qui vivait il y a quelques années ? " Un quidam " dhier ou davant-hier ", un homme " né dans une bourgade de Judée, dune pauvre fileuse " ?
Seule la foi peut surmonter le scandale. Il est illusoire de songer à léliminer, en accumulant des preuves historiques de la divinité du Christ et du christianisme. Pour ce qui est de la foi véritable, nous sommes dans la situation des gens que Jésus rencontra, durant sa vie, ou mieux peut-être, dans la situation de ceux qui, après la Pâque, écoutaient Jean et les autres apôtres proclamer que Jésus de Nazareth cet homme " né dans une obscure bourgade de Judée ", renié par tous et crucifié était le Fils de Dieu et Dieu lui-même.
On ne peut vraiment croire a-t-on écrit quen situation de contemporanéité, en se rendant contemporain du Christ et des apôtres. Mais lhistoire, le passé ne nous aident-ils pas à croire ? Ne sest-il pas écoulé mille huit cents ans a écrit Kierkegaard depuis que le Christ a vécu ? Son nom nest-il pas annoncé et nest-il pas objet de foi dans le monde entier ? Sa doctrine na-t-elle pas changé la face de la terre, na-t-elle pas pénétré victorieusement dans tous les milieux ? Et lhistoire na-t-elle pas établi de manière suffisante, et plus que suffisante, quil a existé, quil était Dieu ? Non, lhistoire ne la pas établi ; lhistoire ne pourrait faire cela de toute éternité ! Comment est-il possible, sur la base des résultats dune existence humaine, telle que fut celle de Jésus, de conclure en disant : Ergo, donc, cet homme était Dieu ? Une trace sur la route est la conséquence du fait que quelquun est passé sur cette route. Je pourrais me tromper, en croyant, par exemple, quil sagissait pas dun oiseau, mais dun autre animal. En examinant mieux, je pourrais conclure quil ne sagissait pas dun oiseau, mais dun autre animal. Mais je ne puis, même si je continue dexaminer mieux, parvenir à la conclusion quil ne sagit ni dun oiseau ni dun autre animal, mais dun esprit, parce quun esprit, par nature, ne peut laisser de trace sur la route. Cest un peu le cas du Christ. Nous ne pouvons parvenir à la conclusion quil est Dieu, simplement en examinant ce que nous connaissons de lui et de sa vie, cest-à-dire par lobservation directe. Celui qui veut croire au Christ est obligé de devenir son contemporain dans labaissement. Le problème est : veux-tu ou ne veux-tu pas croire quil était Dieu, ainsi quil a dit lêtre ? Par rapport à labsolu, il ny a quun seul temps : le présent ; pour celui qui nest pas contemporain de labsolu, ce dernier nexiste pas du tout. Et puisque le Christ est labsolu, il est facile de voir quà son égard, une seule situation est possible : celle de la contemporanéité. Cent, trois cents, ou mille huit cents ans ne lui ajoutent ou ne lui retirent rien ; ils ne le changent pas, ni ne révèlent qui il était, parce que seule la foi peut manifester qui il est. (Cf. Kierkegaard, LÉcole du christianisme n. I, 1, dans uvres Complètes de S. Kierkegaard, vol. 17, pp. 27 ss.)
Selon cette perspective, on ne peut donc devenir croyant, sans aller au Christ dans son état dabaissement, comme signe de scandale et objet de foi. Il nest pas encore revenu dans la gloire, et, par conséquent, il demeure toujours celui qui sest abaissé. À cette vision il est vrai il manque quelque chose. Il manque lattention due à la résurrection du Christ. Celui que nous rencontrons, aujourdhui, ce nest pas seulement celui qui a été abaissé, mais celui qui a été abaissé et qui a été exalté. Il manque aussi lattention due au témoignage apostolique. LEsprit Saint disait Jésus " me rendra témoignage, et vous aussi vous me rendrez témoignage " (Jn 15, 26-27). De ces choses disait saint Pierre, en parlant de la résurrection du Christ nous sommes témoins, nous et lEsprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent (Ac 5, 32). Il nest pourtant pas du tout exact daffirmer : " il ny a quune preuve de vérité du christianisme : la preuve intérieure, largumentum Spiritus Sancti " (cf. S. Kierkegaard, Journal, X 1 A, 481). En fait, il y a une preuve invisible, constituée par le témoignage de lEsprit, et une preuve externe différente, mais importante elle aussi, constituée par le témoignage apostolique. Outre la dimension personnelle, il y a, dans la foi, une dimension communautaire : " Ce que nous avons vu et entendu, nous vous lannonçons, afin que, vous aussi, soyez en communion avec nous " (1 Jn 1, 3).
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article