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Publié par Walter Covens

Quand, le 22 octobre 1978, sur la place Saint-Pierre j’ai lancé : " N’ayez pas peur ! ", je ne pouvais évidemment pas savoir jusqu’où ces paroles nous entraîneraient, moi et l’Église. Le message qu’elles transmettaient venait bien plus de l’Esprit Saint, ce " consolateur " promis par le Seigneur Jésus à ses Apôtres, que de l’homme qui les prononçait. Au fil des années, j’ai eu maintes occasions de renouveler cet appel. Ce " N’ayez pas peur ! " doit être pris dans son acception la plus large. C’était un encouragement adressé à tous les hommes, afin qu’ils surmontent la peur que leur inspirait l’état du mon contemporain, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest, au Nord qu’au Sud : n’ayez pas peur de ce que vous avez vous-mêmes créé, n’ayez pas peur de tout ce qui dans que l’homme a produit, risque de se retourner contre lui ! en un mot, n’ayez pas peur de vous-mêmes ! Pourquoi ne devons-nous pas avoir peur ? Parce que l’homme a été racheté par Dieu ! Quand j’ai prononcé ces mots sur la place Saint-Pierre, il m’apparaissait déjà clairement que ma première encyclique et tout mon pontificat devaient donner la priorité à la vérité sur la Rédemption. C’est dans cette vérité que s’enracine ce " N’ayez pas peur ! " : " Car Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique. " Ce Fils demeure au cœur de l’histoire de l’humanité comme le Rédempteur. La Rédemption imprègne toute l’histoire humaine, y compris celle qui se situe avant le Christ, elle prépare l’avenir eschatologique de l’homme. Elle est cette lumière qui " brille dans les ténèbres et que les ténèbres ne parviennent pas à étouffer ". La puissance de la Croix du Christ et de sa Résurrection est toujours plus grande que tout le mal dont l’homme pourrait et devrait avoir peur. C’est ici qu’il faut revenir à la devise ‘Totus Tuus’. Dans une de vos précédentes questions, vous m’interrogiez sur la Mère de Dieu et les nombreuses révélations privées qui ont eu lieu, principalement au cours des deux derniers siècles. Je vous ai répondu en vous racontant comment la dévotion à Marie s’était développée dans ma vie personnelle, d’abord dans ma ville natale, ensuite au sanctuaire de Kalwaria, puis à Jasna Góra. Jasna Góra a fait irruption dans l’histoire de ma patrie au XVIIe siècle comme une sorte de " N’ayez pas peur ! " venu du Christ par la bouche de sa Mère. Quand, le 22 octobre 1978, j’ai reçu l’héritage romain du ministère de Pierre, cette expérience mariale vécue, sur ma terre polonaise, était déjà profondément inscrite dans ma mémoire. " N’ayez pas peur ! " a dit le Christ aux Apôtres et aux femmes après sa Résurrection. Les textes évangéliques ne nous disent pas que Marie aurait, elle aussi, reçu cet encouragement. Forte de sa foi, " elle n’avait pas peur ". C’est l’expérience traversée par mon pays qui m’a, la première, fait comprendre comment Marie participe à la victoire du Christ. J’ai aussi appris directement du cardinal Stefan Wyszynski, que son prédécesseur, le cardinal August Hlondt, avait prononcé avant de mourir cette parole prophétique : " La victoire, si elle vient, viendra par Marie "… Au cours de mon ministère pastoral en Pologne, j’ai été témoin de l’accomplissement de cette parole. Une fois élu Pape, confronté aux problèmes de l’Église entière, cette intuition, cette conviction m’a toujours habité : dans cette dimension universelle aussi, la victoire, si elle venait, serait remportée par Marie. Le Christ vaincra par Marie. Il veut qu’elle soit associée aux victoires de l’Église, dans le monde d’aujourd’hui et dans celui de demain. J’en étais donc intimement persuadé, même si à l’époque j’ignorais presque tout de Fatima. Je pressentais seulement qu’il y avait là une certaine continuité, de La Salette à Fatima en passant par Lourdes, sans oublier dans un passé plus lointain, notre Jasna Góra Pologne. Et puis le 13 mai 1981 est arrivé. Quand j’ai été atteint pas la balle de mon agresseur sur la place Saint-Pierre, je ne me suis pas rendu compte immédiatement que nous fêtions justement l’anniversaire du jour où Marie était apparue aux trois enfants de Fatima, au Portugal, pour leur transmettre les messages qui, alors que la fin de ce siècle approche, se révèlent sur le point d’être pleinement confirmés. Lors d’un tel événement, le Christ n’a-t-il pas encore une fois prononcé son " N’ayez pas peur ! " ? N’a-t-il pas répété à cette occasion son message pascal à l’intention du Pape, de l’Église et, au-delà, à l’attention de toute la famille humaine ? À la fin du deuxième millénaire, nous avons plus que jamais besoin d’entendre cette parole du Christ ressuscité : " N’ayez pas peur ! ". C’est une nécessité pour l’homme d’aujourd’hui qui, même après la chute du communisme, ne cesse pas d’avoir peur en son for intérieur et non sans raisons. C’est une nécessité pour les nations qui reniassent, une fois libérées du joug soviétique, mais aussi pour celles qui assistent de l’extérieur à cette expérience. C’est également une nécessité pour tous les peuples et toutes les nations du monde entier. Il faut que, dans la conscience de chaque être humain, se fortifie la certitude qu’il existe Quelqu’un qui tient dans ses mains le sort du monde qui passe, Quelqu’un qui détient les clefs de la mort et des enfers, Quelqu’un qui est l’Alpha et l’Oméga de l’histoire de l’homme, qu’elle soit individuelle ou collective ; et surtout la certitude que ce Quelqu’un est Amour, l’Amour fait homme, l’Amour crucifié et ressuscité, l’Amour sans cesse présent au milieu des hommes ! Il est l’Amour eucharistique. Il est source inépuisable de communion. Il est le seul que nous puissions croire sans la moindre réserve quand il nous demande : " N’ayez pas peur ! ". Vous notez que l’homme contemporain a de la peine à revenir à la foi, parce que les exigences morales qui en découlent l’effraient. Dans une certaine mesure, c’est fondé : oui, l’Évangile comporte des exigences. À cet égard, le Christ n’a jamais bercé d’illusions ni ses disciples ni ceux qui L’écoutaient. Au contraire, avec une grande fermeté, Il les a préparés à affronter toutes sortes de contradictions intérieures et extérieures, en n’excluant jamais qu’ils pourraient décider de L’abandonner. S’Il affirme cependant : " N’ayez pas peur ! ", Il ne dit pas cela pour minimiser les exigences d’une façon ou d’une autre. Bien au contraire, Il confirme par là toute la vérité de l’Évangile et toutes les obligations qui en découlent. Mais il révèle en même temps que ces exigences ne dépassent pas les forces de l’homme. Si l’homme accepte ces implications de sa foi, il trouve alors, dans la grâce que Dieu ne lui refuse pas, la force qui lui permet de faire face. Le monde déborde de preuves de l’action de cette force rédemptrice, que les évangiles annoncent avec bien plus de clarté qu’ils n’imposent des exigences morales. Il y a dans le monde tant d’hommes et de femmes dont la vie témoigne qu’il est possible de mettre en pratique tout ce que demande la morale évangélique ! De plus, l’expérience prouve qu’une vie humaine ne peut réussir qu’à leur exemple. Accepter les exigences évangéliques, c’est assumer toutes les dimensions de sa propre humanité, y discerner la beauté du dessein de Dieu, en reconnaissant la réalité de toutes les faiblesses humaines, à la lumière de la puissance même de Dieu : " Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. " On ne peut pas séparer les exigences morales proposées à l’homme par Dieu de l’exigence de l’amour rédempteur, c’est-à-dire du don de la grâce que Dieu lui-même en un sens s’est engagé à accorder. Qu’est-ce que le salut apporté par le Christ, si ce n’est précisément cela ? Dieu veut sauver l’homme, Il veut l’accomplissement de l’humanité selon la mesure qu’Il a Lui-même fixée. Et le Christ est fondé à dire que le joug qu’Il met sur nos épaules est doux et son fardeau léger, en fin de compte, léger. Il est capital pour l’homme d’entrer dans l’espérance, de ne pas s’arrêter sur le seuil, et de se laisser guider. Je pense que le grand poète polonais Cyprian Norwid, qui décrivait ce qu’il découvrait au plus intime de l’existence chrétienne, a parfaitement exprimé cette réalité : " Nous ne marchons pas à la suite du Sauveur en portant sa croix, mais nous suivons le Christ qui porte la nôtre. " Voilà pourquoi la vérité sur la Croix peut être qualifiée de " Bonne Nouvelle ".
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