Nicolas Buttet, LEucharistie à lécole des saints, Éd. de lEmmanuel, 2000, p. 215-217
" La dévotion tant privée que publique envers la sainte Eucharistie, même en dehors de la Messe, est vivement recommandée : en effet la présence du Christ, adoré par les fidèles dans le Saint Sacrement, découle du Sacrifice et porte à la communion sacramentelle et spirituelle. " (Inestimabile donum, 20)
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) Parmi les dévotions eucharistiques les plus répandues se trouve ladoration du Saint Sacrement. (
) Cest aussi un des points les plus controversés de notre temps. On sait la réticence de nombreuses personnes, évêques et prêtres compris, devant la pratique de ladoration. Le Père Gaston Courtois raconte quil a entendu de nombreuses critiques contre les Heures Saintes et les expositions prolongées du Saint Sacrement. Il demanda alors au Seigneur ce quil fallait en penser. Voici la réponse reçue dans son cur : " Cest sous la radiance eucharistique que tu enrichis ton âme de ma présence, jallais presque dire de mon parfum. (
) Si je désire être exposé à vos regards dans le Sacrement de mon Eucharistie, ce nest pas pour moi, cest pour vous. Je sais mieux que personne à quel point notre foi a besoin, pour fixer son attention, dêtre attirée vers un signe qui exprime une réalité divine. Votre adoration a souvent besoin de soutenir le regard de votre foi par la vue de lHostie consacrée. Cest là une concession à la faiblesse humaine, mais cest parfaitement conforme aux lis de la psychologie. (
) Ici, cest la loi de lIncarnation qui joue : tant que vous êtes sur terre, vous nêtes pas de purs esprits, ni des intelligences abstraites ; il est nécessaire que tout votre être physique et moral collabore à lexpression de votre amour pour lintensifier. Il est possible à certains privilégiés de sen passer au moins pour un temps, mais pourquoi refuser à la masse des hommes de bonne volonté ce qui peut les aider à mieux prier, à mieux sunir, à mieux aimer ? " Cest donc une merveilleuse marque de la miséricorde de Dieu que davoir mis son corps entre nos mains. Cest à lÉglise qui est le lieu et la gardienne de la miséricorde den distribuer les fruits aux enfants du Père, aux amis de Jésus. Elle le fait avec beaucoup dempressement. Tous ne comprennent pas. Au fond, on se demande parfois si les adversaires de ladoration eucharistique ne sont pas saisis par le matérialisme et lintellectualisme ambiants. Ils accusent la pratique de ladoration dêtre sentimentale. Ils disent que le corps du Christ est fait pour être mangé, ce en quoi ils nont pas tort. Mais pourquoi donc fixer des limites à la miséricorde de Dieu ? Ne nient-ils pas ainsi le réalisme anthropologique qui considère la personne humaine dans toutes ses dimensions, physique, psychologique et spirituelle ? Lintimité avec le Dieu qui a pris notre chair pour nous faire partager sa divinité ne peut nullement se passer de lincarnation des moyens. À vouloir laisser la foi dans la seule dimension spirituelle, on en arrive aux catastrophes psychologiques et aux dérives affectives vécues par trop de religieux et de religieuses. Ladoration du Saint Sacrement est capable de donner équilibre à toute la personne humaine. Le théologien Karl Rahner voit, dans certaines oppositions à la dévotion eucharistique, une allergie à la prière contemplative en général de la part de milieux plus activistes. Le cardinal Garrone confirme ce jugement : " Notre temps a perdu le sens de Dieu. Cest-à-dire quun monde naît, il est né déjà, où ne saffirme aucune présence spirituelle. La mobilisation simpose donc de toutes les puissances dadoration dont lÉglise du Christ est riche. La perte trop sensible du goût de ladoration eucharistique, loin de marquer une purification du sens religieux, révèle au contraire un abandon mal avisé et inconscient au courant des choses. " La voix de Max Thurian, frère de Taizé, sajoute à celle des ces illustres théologiens : " En raison de quel texte de lÉcriture et de quel droit dogmatique, pourrait-on affirmer que la Présence réelle et vivante du Christ cesse dêtre liée aux signes sacramentels, dès que la célébration eucharistique est terminée ? Peut-il y avoir une foi eucharistique conforme à lÉcriture et à la Tradition ancienne de lÉglise, sil ny a pas de respect des signes du Corps et du Sang du Christ après la célébration eucharistique ? "
Cela dit, il faut que la dévotion eucharistique aille jusquau bout, jusquà la consommation. Le Père Manaranche s.j. le dit très bien avec son langage direct : " Regarde, car si tu ne prends pas le temps de regarder, tu ne saurais pas qui tu manges. Mets-ten plein les yeux et plein le cur. Mais noublie pas, quand même, que le Pain est fait pour être mangé donc pour descendre au-dedans de toi et pour y introduire la vie trinitaire. "
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