Hans-Urs von Balthasar, Théologie et Sainteté (2e partie)
(
) À un moment donné, on est passé de la théologie à genoux à la théologie assise. Par là sintroduisait aussi en elle la déchirure que nous avons décrite au début (entre théologie et sainteté). La " théologie " scientifique " séloigne de la prière et perd ainsi le ton avec lequel il faut parler du sacré, tandis que la théologie " édifiante ", perdant progressivement du contenu, verse assez souvent dans la fausse onction. Elle se livre ainsi à la même décadence que lart chrétien de lépoque moderne qui menace de se décomposer en un " réalisme moderne " irrespectueux du mystère et un romantisme éloigné de la réalité.
Aujourdhui, il ne sagit pas de tourner en arrière la roue de lhistoire et de proposer une renaissance de la patristique au détriment de la philosophie et de la théologie scolastiques. Les progrès dus à la scolastiques sont évidents. Mais, si on ne peut inverser le cours de lhistoire, il est néanmoins de lessence de la tradition, et donc également de la théologie, quelle progresse en entrant dans un échange plus profond et plus courageux avec les sources. Non seulement avec les sources toujours jeunes de lÉcriture dont lexploitation théologique semble en être encore au commencement, et aujourdhui plus que jamais, mais aussi avec la fontaine de jouvence de la théologie patristique, dont larchitecture et la richesse inépuisable nont certainement pas été données en vain par la divine Providence aux générations suivantes. Combien de thèmes de recherche théologique sont abordés chez les Pères, qui, plus tard, avec le progrès de la systématisation, ont été laissés de côté parce quils gênaient et semblaient déroutants et sans importance ! Et avec quelle vitesse ce processus délimination sest-il poursuivi de la scolastique tardive jusquà la néo-scolastique ! Quelle richesse pourtant contient saint Thomas en points de vue, en perspectives ouvertes de tous côtés, en suggestions disséminées sans intention systématique comparé au squelette dun manuel de nos jours ! Certes, on écrit pour lécole. Déjà les grands scolastiques avaient devant eux des disciples, des débutants, et il importait de tout leur mettre devant les yeux le plus clairement, le plus simplement, le plus irréfutablement possible. Mais la théologie catholique doit-elle donc toujours rester au niveau de lécole ? Ne peut-il y avoir, pour elle aussi, la chance de se consacrer, une fois détachée de lattention pour les haplousteroi, les rudes (et pour les Pères, ce sont moins les personnes incultes que ceux qui se satisfont dune connaissance de foi sommaire), aux profondeurs de la Révélation divine et dentendre, aux pieds de saint Paul, " la sagesse parmi les parfaits ", " la sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que, dès avant les siècles, Dieu a par avance destinée pour notre gloire " (1 Co 2, 6-7) ? (dans Mgr Philippe Barbarin, Théologie et sainteté, Introduction à Hans-Urs von Balthasar, CERP, Parole et Silence, p. 119
123)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
W